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La chaîne logistique

Optimiser la palettisation permet de limiter le port de charges

Agir pour la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) en mobilisant les acteurs de la chaîne logistique autour d’actions concertées : telle est l’ambition de la démarche Perspectiv’Supply, dans laquelle s’est engagée U Logistique, l‘entité logistique des magasins U, avec la Carsat Rhône-Alpes. Explications dans l’Hérault, sur la plate-forme produits frais de Vendargues, l’un des sites pilotes de l’action.

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Grégory Brasseur - 30/01/2024
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Des salariés en situation de travail dans un entrepôt U LOG

Plus de 47 millions de colis reçus et 2 millions de palettes en 2023. 48 millions de colis livrés aux magasins de l'enseigne U. 380 personnes en moyenne sur le site et jusqu’à 500 pendant les pics d’activité. La plate-forme U Logistique dite de Vendargues frais, dans l’Hérault, est l’un des 27 entrepôts logistiques de la coopérative U et le deuxième par sa taille. La cellule V3 crèmerie, charcuterie, ultra-frais, réunit plus de 120 personnes en trois équipes, et fonctionne 24 heures sur 24.

C’est ici notamment que l’on observe les premiers résultats de Perspectiv’Supply. Une démarche dans laquelle U Logistique s’est engagée en 2021 avec la Carsat Rhône-Alpes avec pour objectif la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) en agissant sur la chaîne logistique. Il s'agit de repérer sur le terrain des situations délétères ayant des causes externes (amont ou aval) et d'entrer en discussion avec les maillons concernés afin d’engager des actions concertées et bénéfiques pour chacun. L’entrepôt de Vendargues, l’un des cinq sites pilotes de l’enseigne pour cette action, a été l’un des premiers à faire remonter des situations prioritaires.

« Lactalis, ce sont trois livraisons par semaine : lundi, mercredi, vendredi. Mais depuis avril 2023, nous ne recevons plus de palettes où se mélangent toutes sortes de références », explique avec satisfaction Raphaël Van Cauteren, le responsable activité logistique. Cette évolution est le premier résultat concret découlant de la démarche Perspectiv’Supply. L’identification des parties prenantes, au sein même de l’enseigne, a mis en lumière le rôle-clé des approvisionnements. En agissant sur le paramétrage des commandes pour demander « l’arrondi couche » – à savoir des couches complètes d’un même produit sur les palettes – la livraison a été optimisée.

MUTUALISATION

Pour chaque action menée, l’idée est de se nourrir du retour d’expériences et de partager au sein du groupe les projets sur lesquels des résultats ont été obtenus. Sur certains sujets, des groupes transversaux U Logistique ont également été créés. C’est le cas pour les box, ces gros packagings promotionnels comprenant un grand nombre d’unités et qui occasionnent de fortes contraintes de manutention. Là encore, les solutions ne viendront que de la concertation de tous les acteurs de la chaîne logistique.

« Pour les bombes de chantilly, cela nécessitait un minimum de deux couches par palette. À partir d’un besoin remonté par les équipes, nous avons modifié nos façons de faire », précise Baptiste Martinez, responsable approvisionnements frais et surgelés U Enseigne de la région Sud. La solution répond aux besoins de l’entrepôt, en lien avec le fonctionnement des magasins et dans le respect des dates limites de consommation des produits. Elle facilite également la manutention chez le fournisseur.

« Désormais, les produits qui nous sont livrés sont séparés par des palettes intermédiaires. Ça évite un tri manuel quotidien, et donc de se baisser, de porter des colis qui, sur la gamme beurre et crème, sont parfois lourds », atteste Cédric Cablat, contrôleur pointeur. « En partant de ce que les équipes nous disent de leur métier, on donne du sens. Cette écoute est essentielle, affirme Clémentine Lecamus, responsable exploitation logistique. D’autant qu’au-delà de la charge physique, il ne faut pas négliger la pression psychologique qu’on se met tous les jours quand on doit faire face à de grosses contraintes. »

Faire dialoguer fournisseurs et entrepôts

Autre priorité identifiée : les produits de fin d’année et gros volumes, où sont mélangés deux types de flux : un flux à stocker, pour une préparation ultérieure, et un flux tendu, qui part directement sur le trieur. Et là, on en est encore au début de l’histoire. « Quand on reçoit une palette, on se met à quatre pour trier, réceptionner au niveau informatique et orienter les colis vers le bon flux », explique Fred Merlin, contrôleur pointeur. En conséquence : des manutentions de centaines de produits sur des temps courts, des déplacements de chariots, des risques liés à la coactivité et donc un certain nombre de situations délétères et potentiellement génératrices de TMS, voire de risques psychosociaux. Remonter l’information au niveau des achats a permis de séparer les deux types de commandes. Mais cette première étape n’a pas suffi. Il faut désormais comprendre quelles contraintes le fournisseur va rencontrer – ou pas – à générer ces commandes sur des palettes différenciées.

AVANCÉES

Il y a quatre ans, l’entrepôt a été doté d’un trieur frais : une aide à la préparation qui permet d’identifier et d’orienter les produits en bout de chaîne sur un convoyeur. Le dispositif a permis de réduire drastiquement les manutentions manuelles, les circulations de chariots et la coactivité des préparateurs.

Avec la Carsat qui fait le lien, les acteurs sont autour de la table. « Nous nous sommes pour le moment concentrés sur les deux fournisseurs principaux, Labeyrie et Guyader. Nous leur avons expliqué notre attendu. Il faut maintenant déterminer la faisabilité et en particulier quelles sont les bonnes conditions de traitement de ces informations pour que tout le monde y gagne », remarque Baptiste Martinez. Et c’est l’une des forces de la démarche. « Elle insuffle du dialogue social dans l’entrepôt et remet en lien les parties prenantes de la chaîne logistique. Quand on présente objectivement la situation de travail, si l’amont ou l’aval peut avoir des leviers, il est prêt à essayer », souligne Gilles Sospedra, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes.

Un salarié de l'entreprise U LOG en situation de travail.

« Notre rôle est de fédérer, de créer ces conditions d’échange et de dialogue, complète Cédryc Fernandez, également contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Il faut que les différents acteurs aient les moyens de traiter le flux d’information et qu’ils comprennent les mécanismes de la chaîne logistique. » Cela peut nécessiter un temps d’expé-rimentation pour s’accorder sur une gestion concertée de ces produits de fin d’année qui pourra être reconduite la saison suivante.

Avec Lactalis, les échanges ont duré un an. Avec les fournisseurs mixtes de gros volumes de produits stockés ou traités en flux tendu, l'objectif est de faire émerger des solutions répondant aux spécifi-cités de chacun. « On fait le même métier. Il ne s’agit pas de déplacer nos problèmes chez les fournisseurs, assure Clémentine Lecamus. Si l’on arrive au bout, on pourra envisager, au niveau de l’entrepôt, de réorganiser nos zones de déchargement des transporteurs pour limiter la manutention et le déplacement des produits ». Au quotidien, elle voit émerger de nouvelles priorités, avec l'objectif d'inscrire la dynamique dans le temps.

CHEZ U LOGISTIQUE, UNE ACTION NATIONALE

Quatorze entrepôts bénéficient de l’approche Perspectiv’Supply. Ils ont d’abord établi un prédiagnostic pour identifier les situations dont les leviers d’action relèvent de la filière. Puis cinq sites pilotes, dont Vendargues, ont réalisé un diagnostic des situations prioritaires, avec l’implication d’acteurs amont et aval. Gaëlle Allais, responsable zone Qualité Sécurité Environnement chez U Logistique, coordonne l’action au niveau national, en lien avec la Carsat Rhône-Alpes : « À Mulhouse, le dialogue avec une brasserie a permis de réduire d’une couche de bouteilles les palettes ; dans le Loir-et-Cher, nous travaillons avec une usine de volailles pour qu’ils améliorent la résistance de leurs cartons et le gerbage... L’échange avec les fournisseurs est essentiel, car souvent on réalise que les contraintes sont partagées : dans le dernier cas, l’usine avait des difficultés à cause des commandes qui pouvaient doubler d’un jour sur l’autre. Un travail sur le lissage des flux et les prévisions des commandes va être engagé. » En 2024, l’action se déploiera dans les neuf entrepôts restants.

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