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Les lombalgies

Tester avant d'adapter les postes de travail

Dans le cadre du programme national TMS Pros, l’entreprise Innov’ S.A. a effectué des aménagements de postes pour réduire le risque de survenue de troubles musculosquelettiques. L’un d’eux, le poste de montage, exposait particulièrement au risque de lombalgies. Il a fait l’objet de plusieurs modifications pour réduire les sollicitations du dos.

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Céline Ravallec - 22/02/2024
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Deux salariés de l'entreprise Innov’ S.A en situation de travail.

Cocoon, Luxe, No stress… Les gammes de fauteuils meublants fabriqués par l’entreprise Innov’ S.A., à Barberey-Saint-Sulpice, dans l’Aube, appellent au confort et au bien-être. Leur fabrication n’est néanmoins pas toujours synonyme de tranquillité ni de facilité. L’activité, encore largement manuelle, s’avère en effet éprouvante pour les salariés. « L’entreprise a été intégrée dans le programme TMS Pros en 2019, car l’activité expose à des troubles musculosquelettiques, majoritairement des membres supérieurs, des cervicales et des lombaires », explique Fanny Frappin, contrôleuse de sécurité à la Carsat Nord-Est.

Le site, qui emploie au total une trentaine de personnes avec les administratifs et le bureau d’études, fabrique environ 8 500 fauteuils par an, soit une moyenne autour de 35 à 40 par jour. Le cycle de fabrication de ces fauteuils se résume simplement : collage, garnissage avec des fibres ouatées siliconées, montage-assemblage, contrôle et expédition. Au cours de la réalisation, chaque poste fait appel à des gestes minutieux ou, au contraire, à la force physique, et ce, de façon répétitive. L’assemblage des sièges en particulier, où se rencontrent des éléments lourds, expose à des risques de lombalgies. Un des salariés au poste, Jérémy Vieville, a d’ailleurs souffert de douleurs lombaires par le passé.

Réduire les sollicitations du dos

Dans le cadre de TMS Pros, une étude ergonomique a été réalisée sur ce poste par un cabinet spécialisé. Elle s’est appuyée sur une captation précise du mouvement des opérateurs amenant à une visualisation sous format vidéo des contraintes physiques et à une cotation en temps réel de l’exposition aux contraintes biomécaniques. La restitution a permis d'identifier les parties du corps les plus exposées, les tâches les plus éprouvantes, et de définir des actions correctives. « La mécanique d’un fauteuil pèse environ 30 kg, remarque Sébastien Miot, responsable d’atelier. Auparavant, au montage, les opérateurs devaient la porter à quatre reprises. C’était fastidieux et contraignant. Nous avons donc réfléchi à un réaménagement du poste de montage. »

AUTRE APPROCHE SUR UN AUTRE SITE DU GROUPE


©Gaël Kerbaol/INRS/2024

Un autre site d’Innov’ S.A., situé à Bar-sur-Seine – où étaient produits les fauteuils médicalisés des gammes Liberty/Starlev, Flex, Mistral/Essentiel –, a été détruit par un incendie, le 3 août 2022. Pour parer au plus urgent, un plan de repli de l’activité a été organisé sur le site de Barberey. Au bout de trois mois, un autre bâtiment a été trouvé à Troyes, dans le quartier des Écrevolles, pour accueillir l’activité. « Ça a été un vrai bouleversement en six mois », décrit Sébastien Petitjean, directeur industriel du groupe. L’occasion de repenser sur ce nouveau site l’implantation des lignes, les flux, la réduction des ports de charges. Trois lignes de montage (correspondant aux trois gammes de produits) ont été installées en forme de U. Le temps d’assemblage moyen d’un fauteuil est actuellement d’environ 30 minutes. Un nouveau bâtiment va bientôt être reconstruit sur l’ancien site de Bar-sur-Seine. Une partie de l’activité y sera réintégrée, et le renouvellement de la gamme permettra de compléter l’équilibre entre les sites.

Désormais, l’opérateur saisit les armatures métalliques positionnées sur des portants à bonne hauteur, à proximité du poste. Il y a encore, à ce stade, besoin de porter la charge, mais sans se baisser pour la soulever. La posture est plus adaptée. Le salarié dépose ensuite sa charge sur la table élévatrice, ajustée en hauteur. Un plateau tournant y a été installé pour pouvoir pivoter l’armature sans effort afin d'y positionner les différents éléments du siège : assise, accotoirs, accoudoirs, dossier… « Nous n’avons pas trouvé de solution pour basculer le fauteuil et simplifier la pose des accotoirs, malgré différents essais », observe Sébastien Miot, d’où des efforts encore présents. Mais les réflexions se poursuivent. « Ce que je constate, c’est que je ne me suis pas fait mal au dos depuis qu’on a mis en place cette organisation », témoigne Jérémy Vieville.

Une fois le montage terminé, ce modèle pèse 72 kg. Pour le transférer, l’entreprise s’est dotée d’un chariot élévateur. Celui-ci est positionné dans la continuité de la table à la même hauteur. Jérémy fait appel à son collègue immédiat pour pousser à deux le fauteuil sur le chariot, qui est ensuite positionné dans une zone dédiée où a lieu le contrôle qualité avant l’expédition. Auparavant, des palettes s’entassaient autour du poste d’assemblage. Leur disposition a été revue pour libérer de l’espace dans cette zone. Cela permet ainsi au personnel et au chariot d’évoluer plus librement, et supprime par la même occasion d’éventuels risques de chute ou de heurt.

Des solutions testées et adaptées aux besoins

Les réflexions pour adapter le process font principalement appel aux compétences des quatre membres du bureau d’études interne. Lors de notre venue, un membre de l’équipe est d’ailleurs dans un coin de l’atelier, en train de dégrafer un canapé pour étudier comment ajuster le garnissage d’un futur modèle. Parmi les aménagements envisagés pour simplifier les flux et réduire les manutentions manuelles, un système de chemin de rouleaux courant tout le long de la ligne de production a été testé. Il aurait facilité le déplacement du produit, permis d’intégrer des tables élévatrices à chaque poste, réglables par chacun. Mais le dispositif n’a pas donné satisfaction : l’armature métallique se bloquait dans les rouleaux et, de fait, cela accentuait encore les efforts de tirer-pousser.

Un salarié de l'entreprise Innov' S.A. en situation de travail.

Même si les essais n’ont pas été concluants, ces réflexions illustrent que les équipes sont en permanence en recherche de solutions adaptées à leurs besoins. « Nous sommes dans des métiers en perpétuelle évolution, qui changent en fonction des nouveaux produits, souligne Sébastien Miot. La clé est que l’équipe décide après avoir testé des solutions. Si ça convient, ils l’adoptent. Si ça n’apporte pas satisfaction, on ne va pas plus loin. »

Autre aménagement, réussi cette fois : pour simplifier l’alimentation en pièces détachées des différents postes, certains chariots ont été remplacés par des portants métalliques en structures tubulaires fabriqués en interne. Ils sont ajustables aux volumes de pièces nécessaires et permettent d’opter pour des hauteurs en adéquation avec la taille des opérateurs. Ces structures tubulaires ont d’ailleurs été utilisées massivement pour aménager les postes de travail sur l’autre site de l’entreprise, à Troyes (lire l’encadré ci-dessous). Chaque évolution de process suscite ainsi des idées pour adapter et améliorer les conditions de travail à chaque poste.

DES PORTANTS MÉTALLIQUES TUBULAIRES


©Gaël Kerbaol/INRS/2024

Les fauteuils fabriqués sur l’usine de Troyes sont des dispositifs médicaux remboursés par l’Assurance maladie. Ils doivent répondre à un cahier des charges très strict. Or les caractéristiques changent fréquemment, ce qui remet immédiatement en cause le process de fabrication et les conditions de travail qui en découlent. Pour plus de flexibilité, l’organisation des postes repose ici majoritairement sur l’utilisation de portants métalliques tubulaires, également présents sur le site de Barberey. Le côté modulable à l’infini et sur mesure de ces structures a permis de concevoir des postes adaptés aux différentes tâches, à la taille et à la morphologie de chaque personne. « C’est beaucoup moins physique, on marche moins et on porte moins désormais, témoigne Annabel Felizot, au contrôle en sortie de ligne. Avant, les palettes étaient au pied des postes, on portait, c’était beaucoup plus physique. C’était différent. Même si ça n’a pas été facile à adopter dans les premiers temps, c’est beaucoup mieux aujourd’hui. »

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