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Les lombalgies

Mal de dos : comment l'éviter ?

La lombalgie - communément appelée « mal de dos » - est régulièrement représentée comme le mal du siècle. Il s’agit aussi d’un enjeu important de santé au travail puisqu’elle touche un grand nombre de salariés dans une multitude de secteurs. Les manutentions manuelles sont à l'origine de la très grande majorité des cas de survenue de la pathologie dans le cadre professionnel. Les actions de prévention en la matière doivent être multiples et associer à la fois l’organisation du travail, les aides techniques, les aspects psychosociaux ou encore la formation.

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Céline Ravallec - 22/02/2024
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Un salarié en situation de travail sur un table à hauteur.

Troisième cause d’invalidité des salariés du régime général et à l’origine de 30 % des arrêts de travail supérieurs à six mois, les lombalgies constituent un enjeu majeur de santé au travail. La lombalgie commune de l’adulte, qui se définit comme une douleur courante du bas du dos, est un motif fréquent de consultation médicale. Si la douleur n’est pas proportionnelle à la gravité, elle peut rendre toute activité physique pénible, voire impossible. Parmi les secteurs d’activité les plus touchés se trouvent l’aide et le soin à la personne, le transport et la logistique, le commerce, le tri et la collecte de déchets ou encore le BTP.

La survenue de lombalgies liées au travail résulte de divers types d’expositions, à commencer par les manutentions manuelles de charges lourdes et souvent répétitives, et les postures contraignantes qui sollicitent la zone lombaire. Ces dernières sont la cause de près de 85 % des lombalgies reconnues comme maladie professionnelle – sous l’intitulé « affections chroniques du rachis » dans le tableau RG 98. Les vibrations transmises à l’ensemble du corps, rencontrées principalement dans les postes de conduite embarquée (chariots, engins de chantiers, camions…) constituent également une cause importante à l'origine de ces pathologies – tableau RG 97, « affections provoquées par des vibrations du corps entier ». Selon les chiffres de l’enquête Sumer 2017, 5,4 % des salariés français – soit près de 1,5 million de personnes – seraient exposés à des vibrations transmises à l'ensemble du corps. Pour le régime général, celles-ci sont principalement rencontrées dans le BTP, le transport routier (de personnes ou de marchandises) ou encore la logistique.

Vue d'un salarié, équipé d'un exosquelette, en situation de travail.

Les chutes de plain-pied peuvent également provoquer des lombalgies aiguës. Dans les métiers tertiaires, ce sont les postures sédentaires ou un aménagement de poste de travail mal adapté qui peuvent contribuer à l'origine de ces douleurs. « La posture assise prolongée, sur un siège de bureau traditionnel, peut avoir un impact au niveau du dos, précise Kévin Desbrosses, responsable d’études à l’INRS. Il existe des contraintes mécaniques au niveau des vertèbres, du fait d’une courbure du dos qui n’est pas naturelle et d’une très faible sollicitation des muscles lombaires, réduisant leur efficacité dans la stabilisation du rachis. L’idéal reste donc de varier les postures, car aucune posture maintenue longtemps ne sera bonne. »

Agir sur l’organisation du travail

« Les lombalgies ont une origine multifactorielle, commente Laurent Kerangueven, expert d’assistance-conseil à l’INRS. Dans une démarche de prévention, il est nécessaire d’identifier et de bien prendre en compte l’ensemble des facteurs de risque professionnels afin de définir et d’orienter les actions collectives permettant de prévenir au mieux le risque de lombalgies. » Empêcher la survenue d’une lombalgie consiste à supprimer en premier lieu les facteurs de risque pour l’ensemble des salariés en agissant notamment sur l’organisation du travail. Identifier les situations à risque en entreprise, en observant et en interrogeant les travailleurs permet de cibler au plus juste les actions de prévention.

Vue d'un salarié en situation de télétravail.

Il est nécessaire de repérer tous les facteurs : postures contraignantes, efforts exercés, froid… « Car entre deux entreprises ayant la même activité et les mêmes postes de travail, les risques peuvent varier selon l’environnement de travail, estime Julien Tonner, ingénieur-conseil national à la Direction des risques professionnels : l'utilisation de chariots automoteurs, par exemple, n'aura pas les mêmes effets sur un conducteur avec un sol régulier dans un cas et un sol irrégulier dans un autre cas. C’est d’ailleurs l’intérêt du programme TMS Pros, dont la méthodologie est basée sur l’analyse et la priorisation des postes ou situations de travail. »

L'AVIS D'EXPERT...

Pre Audrey Petit, rhumatologue et médecin de pathologie professionnelle

« Nous observons une évolution des profils venant en consultation de pathologie professionnelle pour lombalgie chronique. Il y a dix ans, je ne rencontrais que des personnes exerçant des métiers physiquement pénibles. Au fil des années, tous types de profils sont apparus, même pour des postes sédentaires, et avec une forte diversification des catégories socioprofessionnelles. Ce qui est sûr, c’est que l’on rencontre davantage de gens en souffrance, ainsi qu’un rajeunissement des profils. Avant on ne recevait jamais de jeunes de 20 ans, alors qu’aujourd’hui, il peut nous arriver de recevoir de tout jeunes adultes. Nos consultations pluridisciplinaires montrent que risques psychosociaux et risques physiques sont le plus souvent intriqués, et intimement liés avec les conditions de travail, ce qui est un facteur qui empêche souvent le retour au travail et de sortir de la chronicité des lombalgies. Le contexte bio-psycho- socioprofessionnel est très important dans la survenue d’une lombalgie mais également dans sa prise en charge. »

Après analyse, l’approche collective consiste en premier lieu à agir en supprimant ou réduisant les sources de vibrations transmises au corps entier ou en diminuant les ports de charges ou autres actions de tirer-pousser. Cela peut ensuite se concrétiser par l’acquisition d’équipements tels que des aides techniques. « On observe d’ailleurs en entreprise une tendance à essayer de régler le problème par l’acquisition d’équipements plus qu’en questionnant l’organisation », regrette Julien Tonner. Les exosquelettes entrent dans la catégorie de ces aides à la manutention qui peuvent soulager certains efforts. « Les exosquelettes sont conçus pour une tâche spécifique. Or les personnes sont de plus en plus polyvalentes, d’où les limites de ces aides techniques », poursuit-il.

Autre axe important d’action : les formations dédiées, notamment Prap (prévention des risques liés à l’activité physique), qui contribuent à informer et sensibiliser le personnel aux enjeux, et aux moyens d’action et de prévention, et à les rendre acteurs de la prévention. Comme pour la prévention des autres TMS, il est également nécessaire d’analyser en parallèle le contexte psychosocial d’une entreprise, qui peut s’avérer être un facteur aggravant dans la survenue d’une lombalgie aiguë ou le passage à une lombalgie chronique.

Le traitement par le mouvement

Car au-delà du caractère aigu – 90 % des cas d’épisode aigu évoluent favorablement en 4 à 6 semaines après leur survenue – le risque majeur de la lombalgie est de devenir chronique (douleur durant plus de trois mois), avec le risque d’aboutir à une incapacité au poste de travail. C’est pour cette raison qu’il est recommandé d’évaluer précocément les facteurs susceptibles de mener à une lombalgie chronique lors d'une poussée aiguë de lombalgie. Une prise en charge sur mesure et pluridisciplinaire de la personne lombalgique est donc souvent nécessaire. « Dans de nombreux cas, nous sommes face à des personnes qui ont des métiers physiques et peu de qualifications, insiste Audrey Petit, rhumatologue et médecin de pathologie professionnelle. Si elles n’ont plus leur corps pour travailler, elles n’ont plus de moyen pour travailler. » Et l’incapacité peut alors entraîner une désinsertion professionnelle.

« On rencontre davantage de gens en souffrance, ainsi qu’un rajeunissement des profils. »

Même si une lombalgie installée peut être perçue comme un échec de la prévention, une prise en charge individuelle de la personne lombalgique peut et doit être mise en œuvre pour contribuer à faciliter son retour au travail et éviter une désinsertion professionnelle à terme. « Un retour au travail rapide, avec une adaptation progressive du poste de travail fait partie intégrante de la prise en charge du salarié lombalgique, observe Laurent Kerangueven. Cela lui permet de continuer à travailler, ou a minima de limiter l’inactivité physique particulièrement préjudiciable. Le service de prévention et de santé au travail peut accompagner l’entreprise et le salarié dans cette démarche. » Un constat partagé par Audrey Petit : « Le maintien dans l’emploi est encouragé à travers des mi-temps thérapeutiques plus fréquents, des accompagnements au retour au poste beaucoup plus organisés et des médecins du travail mieux informés, constate-t-elle. Des aménagements passant par l’organisation du travail ou par l’achat de matériel semblent se faire plus tôt et se mettre en place plus facilement aujourd’hui en entreprise. »

Des salariés en situation de travail dans un entrepôt logistique.

Rappelons que dans le cas d’un accident du travail, la durée moyenne d’arrêt pour cause de lombalgie est de deux mois, et dans le cas d’une maladie professionnelle, celle-ci atteint en moyenne une année, entraînant des difficultés de retour au travail. Des durées qui pénalisent, et parfois désorganisent les entreprises. « Cela interpelle de constater que globalement les secteurs qui ont une sinistralité importante en matière de TMS et lombalgies sont ceux qui ont le plus de difficultés économiques, avec des problèmes récurrents de recrutement et de fidélisation, souligne Julien Tonner. Il est grand temps que les entreprises concernées s’interrogent sur leurs conditions de travail, car cela joue sur leur image et leur attractivité », conclut-il.

L'ESSAI ENCADRÉ

Le dispositif d’essai encadré de l’Assurance maladie, apparu dans le Code du travail dans le cadre de la loi du 2 août 2021 et d’un décret du 16 mars 2022, permet à un salarié en arrêt de tester la compatibilité d’un poste de travail avec son état de santé. Il est réalisé pendant l’arrêt de travail, sans perdre le bénéfice des indemnités journalières, et s’inscrit dans un objectif de retour à l’emploi. Ce dispositif permet d'essayer un nouveau poste ou un aménagement de poste de travail, de tester la capacité du salarié à reprendre son ancien poste ou, enfin, de rechercher des pistes pour un reclassement professionnel. La mise en oeuvre d’un essai encadré nécessite un accord du médecin traitant, une validation par la Caisse primaire d'Assurance maladie, l’accord du médecin du travail et une entreprise d’accueil (qui peut être l’entreprise d’origine du salarié ou une autre). Autre dispositif : la convention de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE). Il s’agit d’un outil de l’Assurance maladie destiné à faciliter le retour à l’emploi. Il s’adresse aux salariés déclarés inaptes ou pour lesquels le médecin du travail a identifié un risque d’inaptitude. Il permet aux assurés d’être formés à un nouveau métier dans l’entreprise d’origine ou dans une autre entreprise.

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