Inconnue du grand public, la stéarine est un acide gras qui intervient dans la création de nombreux produits du quotidien : savons, bougies, cosmétiques, préparations alimentaires… Depuis sa création, en 1820, la Stéarinerie Dubois s’est spécialisée dans la formulation de ces esters d’acide gras pour en proposer aujourd’hui plus d’une centaine à plusieurs milliers de clients, avec une dominante d’esters à destination de l’industrie cosmétique. L’entreprise est restée familiale, et sa direction générale est actuellement assurée par la 7e génération. « Bien entendu, en deux cents ans d’histoire, notre activité s’est beaucoup transformée, nos procédés se sont perfectionnés et nos installations ont été modernisées », relate Damien Lux, le directeur du site de production implanté à Ciron, dans l’Indre.
« Une partie de ces évolutions est d’ailleurs visible grâce aux bâtiments qui composent notre unité, poursuit-il : certains étaient déjà là, lors du déménagement de l’entreprise de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, vers Ciron en 1965. Certains sont beaucoup plus récents, d’autres portent la trace de différentes rénovations… Globalement, notre activité se développe bien ! Nous employons 150 salariés et, pour répondre aux demandes de nos clients, la production fonctionne 24 heures sur 24 et 6 jours sur 7. Nous disposons également de notre propre site logistique pour fluidifier les envois. »
Force est de reconnaître que lorsque l’on embrasse du regard l’intégralité des constructions de la stéarinerie, installée sur une surface de quatre hectares, il est aisé d’appréhender son rendement impressionnant. « Pour fabriquer des esters, il faut beaucoup de chaleur pour fondre les produits à environ 200 degrés, explique Damien Lux. C’est pourquoi nous sommes équipés de plusieurs chaudières qui viennent alimenter nos lignes de réacteurs d’estérification. »
Conditionner sans porter
Si autrefois la stéarine était conditionnée sous forme de pains plus ou moins volumineux, elle est désormais vendue en petites pastilles. « Le pastillage permet à nos clients une plus grande facilité d’utilisation du produit : ils n’ont plus à fondre de gros volumes pour ensuite récupérer la quantité souhaitée pour leurs préparations. » L’entreprise dispose ainsi de lignes de pastillage. « Même si le rythme n’est pas réellement soutenu, en raison des besoins de refroidissement de la machine, nous avions identifié des contraintes liées au port de charges sur le poste de conditionnement, explique Aurélie David, la coordinatrice hygiène, santé et environnement (HSE) de l’entreprise. En effet, l’envoi de la stéarine se faisait par colis de 25 kg, en sacs ou en cartons qui devaient être portés pour être posés sur une palette. Aujourd’hui, les colis sont uniquement en cartons et le poids a été baissé à 20 kg. »
INVESTISSEMENTS ET ATTRACTIVITÉ
Près de 250 000 euros ont été investis par l’entreprise pour s’équiper du robot de palettisation. « Il s'agit d'une somme qui peut sembler importante, mais nous sommes vraiment encouragés par notre direction centrale dans la voie de l’amélioration des conditions de travail, explique Damien Lux, le directeur du site de production. Si cela est nécessaire pour la santé et la sécurité de nos salariés, cela nous permet également de renforcer notre attractivité au sein d’un bassin d’emploi qui n’est pas illimité. » L'industrie représente 17 % des emplois locaux du département de l'Indre (contre 13,3 % au niveau national). L’entreprise a également pour projet la construction, à l’horizon 2025, de nouveaux laboratoires dédiés à ses équipes de recherche et développement ainsi qu’à son service qualité.
Julien Grayon, opérateur au conditionnement depuis sept ans, se souvient : « À la longue, c’était assez pénible… Le soir, j’avais mal au dos. J’ai même dû être arrêté pendant trois mois à cause d’une sciatique. » Après une étude ergonomique du poste réalisée par l’ergonome du service de prévention et de santé au travail, tout a changé avec l’installation du robot de palettisation, « une solution intuitive qui facilite l'apprentissage, la conduite, et la maintenance », selon Driss Charafi, le responsable travaux neufs, qui a supervisé le choix et l’installation du robot de A à Z. « Maintenant les conditions sont royales, ça n’a plus rien à voir . » Un constat partagé par son collègue Julien Brejard, récemment embauché : « Je n’imaginerais pas faire le boulot sans le robot. Aujourd’hui, on se concentre sur la fermeture et le conditionnement des colis, c’est très bien. »
Ainsi, si le procédé de remplissage reste le même – les pastilles tombent d’une trémie par gravitation depuis l’étage supérieur dans un emballage plastique contenu dans un carton – les opérateurs ont ensuite juste à contrôler le poids du colis et le fermer, lui apposer une étiquette d’identification et faire glisser le carton sur un convoyeur. « L’opération d’étiquetage ne peut malheureusement pour le moment pas être automatisée, indique Aurélie David. En effet, les étiquettes doivent toutes être visibles sur la palette sans avoir à manipuler les colis. Seuls les opérateurs sont en capacité de savoir où coller les étiquettes en fonction de chaque colis. »
En bout de chaîne, les ports de charges ont disparu grâce au robot de palettisation totalement sécurisé, encagé et disposant de barrières immatérielles qui stoppent le mouvement du bras en cas de franchissement. « Nous utilisons le robot à 35-40 % de ses capacités puisque le rythme de production des pastilles est assez “lent” pour un tel robot industriel. Mais peu importe, l’essentiel est que cette solution convienne parfaitement à nos besoins et aux opérateurs », explique Driss Charafi.
Multiplier les aides à la manutention
« Pour aller jusqu’au bout de la démarche, nous avons investi également dans un dépileur automatique de palettes, qui doit être installé très prochainement, ajoute Aurélie David. Ainsi, les opérateurs n’auront même plus à manipuler les palettes. C’est vraiment la touche finale à la réflexion qui a été menée sur ce poste. » Pour autant, la prévention des lombalgies ne s’est pas cantonnée au conditionnement puisqu’aux postes de chargement des cuves d’alimentation en matières premières, des palans sur rails ont été installés.
« Les cuves sont désormais chargées à l’aide de big bags de 500 kg, explique Damien Lux. Nous avons dû demander au fournisseur des palans de les adapter à la forme de nos big bags, et c’est réussi puisqu’ils donnent pleinement satisfaction. » Ce dispositif d’aide à la manutention est un vrai plus pour Luis Dos Santos, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre Val de Loire : « Cette installation est d’autant plus exemplaire qu’un double rail a été installé et que les capacités de charges ont été dimensionnées aussi pour les besoins de manutention sur les cuves, qui peuvent peser plusieurs tonnes, lors de certaines opérations de maintenance. »
TROPHÉE FRANCE CHIMIE 2023
©Fabrice Dimier pour l'INRS/2023
L’association professionnelle France Chimie décerne chaque année les trophées « Chimie responsable ». Ceux-ci aident et incitent les entreprises de la chimie à valoriser leurs démarches, actions ou réalisations remarquables en matière de santé, sécurité et environnement. En 2023, la Stéarinerie Dubois a remporté le trophée dans la catégorie santé pour la mise en oeuvre d'un robot de palettisation : « Nous avons tous été agréablement surpris d’avoir été sélectionnés, indique Damien Lux. Si nous étions tous convaincus en interne de cette démarche, ce trophée vient confirmer son intérêt pour tous les acteurs de la chimie sur un risque parfois considéré comme secondaire. »