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Risque chimique

Les Pfas, une pollution et des risques permanents

Les Pfas constituent un problème de santé publique qui touche également les travailleurs. Décryptage d’un sujet qui prend de l’ampleur, avec Myriam Ricaud, experte d’assistance-conseil à l’INRS.

3 minutes de lecture
Delphine Vaudoux - 04/04/2024
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Les situations d'exposition professionnelle aux Pfas - © Jean-André Deledda pour l’INRS/2024

Travail & Sécurité. Qu’est-ce que les Pfas, et quelles sont leurs propriétés ?

Myriam Ricaud, experte d’assistance-conseil à l’INRS. Les substances per- et polyfluoroalkylées (Pfas) sont des composés chimiques organiques fluorés de synthèse. Ils ont pour caractéristique de présenter une liaison chimique carbone-fluor particulièrement stable, ce qui fait qu’ils se dégradent très peu après utilisation ou rejet, et sont particulièrement persistants… D’où le nom qu’on leur donne de polluants éternels. Ils possèdent de nombreuses propriétés : antiadhésifs, ignifuges, antitaches, imperméabilisants, résistants aux fortes chaleurs… On en trouve dans des applications multiples et variées : les mousses pour éteindre les incendies, les vêtements de type Goretex, certaines poêles, les cosmétiques, les produits de nettoyage, les lubrifiants… Et comme ils sont persistants, ils peuvent rester dans l’environnement des décennies voire des siècles. C’est donc un problème de santé publique du fait d’expositions liées à la contamination de tous les milieux (eau, air, sol…), mais également un problème que l’on retrouve en milieu professionnel. Et les secteurs d’activité concernés sont nombreux : la chimie et la plasturgie bien sûr, mais aussi le nettoyage, l’énergie, la santé, la pharmacie, la gestion des déchets, le traitement des sites et sols pollués…

Quels sont les effets sur la santé ?

M. R. Les Pfas peuvent avoir des effets néfastes sur les systèmes reproducteur et hormonal, mais aussi sur le système immunitaire – ils diminuent la réponse immunitaire de certains vaccins. On a pu aussi voir des baisses de la fertilité, des faibles poids et tailles de naissance, de l’obésité, des retards de puberté, etc. Certaines Pfas sont d’ores et déjà classées cancérogènes de catégorie 2, et reprotoxiques de catégorie 1b. Les cancers visés étant ceux des testicules et du rein.

Leur utilisation est-elle réglementée ?

M. R. Des réglementations ont été mises en place à la fin des années 1990. Elles se poursuivent et visent soit à restreindre ou interdire l’utilisation de certaines Pfas, soit à en assurer une surveillance. Dans le cadre du règlement Reach, plusieurs Pfas sont considérées comme des substances extrêmement préoccupantes, et dans le cadre du règlement POP (polluants organiques persistants) d’autres sont interdites de production et d’utilisation. Des régle­­mentations orientées environnement ont également des conséquences sur la santé au travail. Par exemple, depuis juin 2023, les entreprises ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) doivent mesurer les Pfas présentes dans leurs rejets aqueux, donc identifier les Pfas qu’elles produisent, émettent et rejettent.

Combien de salariés sont exposés dans les entreprises ?

M. R. On a peu de données sur le sujet, car peu de méthodes permettent d’estimer les expositions des salariés dans l’entreprise. Mais l’INRS poursuit ses études sur le sujet pour identifier les Pfas mises en œuvre dans les entreprises et développer des méthodes pour caractériser l’exposition des salariés.

Comment s’en protéger ?

M. R. La première étape est de repérer toute la chaîne des Pfas : qui en produit, qui en utilise et qui en rejette… Ensuite, il faut chercher à les substituer, au cas par cas, car il n’y a pas de solution générique. Et lorsque cela s’avère impossible, il faut diminuer l’exposition des salariés au niveau le plus bas possible, mettre en œuvre des solutions de protection collective – ventilation, filtration – complétées par des EPI de type protection respiratoire. Il est également important d’informer et de former les salariés, notamment ceux en âge de procréer, et d’assurer un suivi médical des populations potentiellement exposées.

Pourquoi s’en occupe-t-on aujourd’hui ?

M. R. C’est un sujet qui est arrivé par la santé publique il y a quinze ou vingt ans et qui vient progressivement sur le champ de la santé au travail. C’est une pollution diffuse qui touche l’ensemble de l’environnement, mais qui provient bien d’usines. Il y a encore cinq sites de production en France et, jusqu’à présent, nous n’avions pas les méthodes de mesures… Ce sujet prend de l’importance, les pouvoirs publics s’en saisissent : il y a un plan Pfas 2023-2027 piloté par le ministère de la Transition écologique qui vise à acquérir des connaissances sur les Pfas, à accélérer la substitution et à limiter l’exposition.

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