
Travail & Sécurité. Le décret 2024-307, paru le 5 avril 2024, a introduit dans le Code du travail de nouvelles règles de traçabilité des expositions des travailleurs aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). Quelles sont les nouvelles obligations des employeurs en la matière ?
Annabel Maison. L’employeur doit désormais établir, en tenant compte de son évaluation des risques, une liste nominative et actualisée des travailleurs susceptibles d’être exposés à des agents chimiques CMR. Cette liste doit mentionner, pour chacun des travailleurs, les substances concernées et, si elles sont connues, des données relatives à son exposition. D’autres documents de traçabilité des expositions aux agents chimiques dangereux se sont succédé ces dernières décennies (fiche d’exposition aux agents chimiques dangereux, fiche « pénibilité » ...) – avant d’être abrogés. Néanmoins, des dispositifs réglementaires perdurent, comme la fiche d’exposition à l’amiante.
Quelles sont les substances visées ?
A. M. Elles sont de deux types :
- il y a tout d’abord les substances classées CMR de catégorie de danger 1A ou 1B selon les règles de classification du règlement CLP (règlement européen définissant les règles de classification, d’étiquetage et d’emballage des produits chimiques), que cette classification ait déjà fait l’objet d’un vote au niveau européen – cette classification officielle figure alors dans l’annexe VI du règlement CLP – ou non. Dans ce dernier cas, la classification est définie par le fournisseur de la substance. Il peut s’agir de substances pures ou de substances présentes dans des mélanges, qu’ils soient classés CMR 1A/1B ou non, mais elles sont produites, utilisées ou libérées dans le cadre de l’activité professionnelle ;
- ensuite, les substances figurant dans la liste des substances, mélanges et procédés cancérogène de l’arrêté du 26 octobre 2020 modifié (exemples : travaux exposant aux poussières de bois inhalables, à la poussière de silice cristalline alvéolaire issue de procédés de travail, aux émissions d’échappement de moteurs diesel) sont également concernées.
Quelles sont plus précisément les informations que l’employeur doit faire figurer dans cette liste et à qui doit-il la faire parvenir ?
A. M. Ce sont celles concernant la nature de l’exposition (description de la tâche de travail, voies d’exposition…), sa durée et son degré. La description du degré d’exposition peut s’appuyer sur des résultats d’évaluation quantitative (par exemple, mesures des expositions réalisées) ou sur une évaluation qualitative (résultats de l’évaluation des risques transcrite dans le Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), résultats d’évaluation obtenus via l’utilisation d’outils tels que le logiciel Seirich…). À noter que pour l’élaboration de cette liste, aucune trame réglementaire n’est prévue. Elle doit avoir été établie en date du 5 juillet 2024, sans qu’il n’y ait d’effet rétroactif des expositions. Cette liste nominative et actualisée doit être communiquée aux services de prévention et de santé au travail (ou aux services de santé au travail en agriculture) qui doivent la conserver au moins 40 ans après la cessation de l’exposition. Ses informations alimentent le dossier médical en santé au travail des travailleurs concernés. L’ensemble des informations figurant sur la liste est tenu à disposition des travailleurs et des membres du CSE dans une version anonymisée. Les travailleurs directement concernés ont accès aux informations qui leur sont propres. Les conditions de communication des informations concernant un travailleur temporaire sont précisées dans la réglementation. Une note d’accompagnement apportant des précisions sur ces nouvelles dispositions réglementaires, notamment sur les documents sur lesquels peut s’appuyer l’employeur pour y répondre, a été mise en ligne par le ministère en charge du Travail sur le site travail-emploi.gouv.fr.