Ce site est édité par l'INRS
Le risque machine

Prestataires, acteurs internes... Des règles de sécurité communes à tous

Afin d’augmenter sa capacité de production, l’entreprise Wepa vient de se doter d’une nouvelle ligne de fabrication de mouchoirs en papier. Impliquant différents prestataires, pour différents types de machines, ce projet a nécessité une prise en compte de très nombreux risques, mais plus particulièrement des risques incendie et mécaniques, ainsi que ceux liés aux énergies (électrique, hydraulique, pneumatique), sans négliger ceux relatifs à la maintenance…

5 minutes de lecture
Céline Ravallec - 14/08/2024
Lien copié
Un salarié de l'entreprise Wepa en situation de travail.

À côté de la ligne F08 qui produit des mouchoirs en papier, un chantier est en cours. Des barrières délimitent le périmètre où s’activent une dizaine de personnes autour d’une succession de machines flambant neuves. On y entend parler anglais, italien, français… C’est la dernière ligne droite de l’installation de la toute nouvelle ligne de production de mouchoirs jetables, nommée F11, chez Wepa. Cette entreprise, basée à Torvilliers, dans l’Aube, emploie environ 350 salariés. Elle est spécialisée dans la production de papiers à usage unique (papier hygiénique, mouchoirs, essuie-tout).

« Face à l’augmentation du marché des mouchoirs ces dernières années, nous avons décidé d’investir dans une ligne de transformation plus moderne et d’une plus grande capacité », explique François Roposte, le directeur du site. Possédant jusqu’alors, pour la fabrication de ces produits, deux lignes qui atteignaient le maximum de leurs capacités (autour de 4 000 tonnes/an chacune), le site champenois a décidé de remplacer l'une d'elles par une nouvelle d’une plus grande capacité. « Si le process reste le même, il faut en appréhender les nouvelles dimensions. C’est comme passer de l’ascension d’une colline à celle du Mont-Blanc : cela demande de la préparation », compare-t-il.

Depuis le chargement au pont roulant des bobines de papier jusqu’à l’expédition des produits finis, une ligne est composée d’un ensemble de quasi-machines, comprenant une dizaine d’éléments : dévidoir, calandre, plieuse, étuyeuse, encartonneuse... Les assembler pour garantir un fonctionnement optimal et en sécurité pour les salariés a nécessité une grosse préparation. L’entreprise, accompagnée de la Carsat Nord-Est, a réalisé cet important travail en interne. « Nous avions déjà travaillé avec la Carsat lors de l’installation de la ligne F01 (NDLR : ligne de fabrication d’essuie-tout) en 2022, explique Julie Schmit, ingénieure hygiène, sécurité, environnement (HSE). Ce retour d’expériences nous a été très utile pour anticiper l’installation de la F11. »

Anticiper pour réduire le risque d'erreurs

Comme le présente Jordane Malézé, responsable projets, « notre méthode de gestion de projet s’est appuyée sur le guide de prévention Réception des machines neuves, rédigé par la Carsat Bretagne. Ce document propose une méthode reconnue, factuelle et complète, avec des textes sourcés auxquels on se réfère s’il faut étayer nos exigences auprès des fournisseurs ». Selon lui, cette approche présente l’avantage de standardiser la méthode entre les différents fournisseurs – la rendant applicable et reproductible sur différentes lignes de production –, ce qui facilite la communication et procure un gain de temps, tout en réduisant le risque d’erreurs.

Un salarié de l'entreprise Wepa en situation de travail.

La vigilance sur la conformité machine a été une préoccupation constante, du fait que les fournisseurs viennent de différents pays (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas). « Nous avions tiré divers enseignements de l’installation de la F01, qui provenait des États-Unis et sur laquelle les protections électriques étaient différentes, témoigne Pierre-Alain Crusson, le responsable de la maintenance électrique. Cela nous a sensibilisés aux anticipations à prévoir par rapport aux réglementations en vigueur à l’étranger. » En complément de cette démarche, « un groupe de travail dédié à la conformité des machines, transversal à différents sites Wepa, a permis de définir une méthodologie commune en bénéficiant de l’expérience de chacun pour aborder la conformité machine en amont, puis tout au long des projets » , explique Lidwine Dugas, la responsable HSE.

ZOOM

Le groupe Wepa compte quatorze sites à travers l’Europe, dont trois en France, et emploie près de 4 000 salariés.

Au cours des réflexions, la sécurité et les conditions de travail ont été prises en compte. « Certaines non-conformités ont été discutées très en amont du projet, par exemple l’ajout de carters de protection ou le positionnement de certains éléments comme des coffres électriques afin de prendre en compte l’ergonomie au poste pour les techniciens de maintenance, souligne Fanny Frappin, contrôleuse de sécurité à la Carsat Nord-Est. Une vigilance particulière a également été apportée sur les lieux d’accumulation de la matière, réelle source d’incendie. » Des visites chez les fournisseurs ont eu lieu tout au long de l’année. Des membres de la CSSCT, l’infirmier du travail et des opérateurs et techniciens ont été associés tout au long du projet.

Comment prendre en compte le risque incendie ?

Et les améliorations s’avèrent multiples en matière de conditions de travail. « Au niveau de la calandre – là où convergent les deux bobines de papier – chaque changement de production nécessite un réglage des angles des cylindres, remarque Julien Mallet, le responsable technique. Avant, il fallait entrer dans la machine, effectuer les manipulations à la main, avec des outils. Aujourd’hui, tout est automatisé et réglé à distance. » Ce qui réduit les interventions, donc les risques. À la plieuse, la machine est encoffrée pour limiter les nuisances sonores dans l’environnement de travail, et le coffrage est équipé de sprinklers pour limiter le risque incendie, un des plus grands risques dans l’activité.

UN PROJET DANS LE PROJET

Éviter tout accident pendant l’installation de la ligne était une autre des grandes préoccupations de ce projet. Du fait d’un chantier sur site occupé et sans interruption de la production dans le reste de l’usine, avec présence de plusieurs fournisseurs de nationalités différentes, des mesures d’organisation étaient indispensables. « Nous avons défini un plan d’action avec les prestataires, souligne Julie Schmit, adjointe HSE. Il y a eu de nombreux échanges avant, beaucoup de visites sur site avec une check-list pour bien définir les objectifs et les moyens d’y parvenir. » Plan de circulation, gestion de la coactivité, mise à disposition des nacelles… Chaque matin, une réunion de chantier s’est tenue à 8 h 30 avec les principaux acteurs de Wepa (responsable technique, responsable projet, responsable maintenance électrique, service HSE, responsable production) et les acteurs des entreprises intervenantes pour aborder ensemble les problèmes rencontrés, les besoins à venir, les contraintes.

Autre enseignement tiré d’une expérimentation sur la ligne F01, il est prévu d’installer des caméras en différents points de la ligne. « Elles aident à surveiller ce qui se passe derrière les machines, où on ne peut accéder. Elles permettent également un diagnostic rapide en cas d’incident, ça nous change la vie », insiste Julien Mallet. Sur le système de filtration d’air, deux filtres à cartouche – beaucoup plus simples à remplacer que les précédents modèles – ont été installés. Ce système, pensé dès l’origine, pourra être dupliqué à l’avenir sur d’autres lignes.

En parallèle, un gros effort a été fourni sur la formation des opérateurs et des équipes de maintenance pour une bonne maîtrise de cette nouvelle ligne. Dans un premier temps, une dizaine de personnes sont allées se former en Allemagne, afin de se familiariser au fonctionnement des machines. Et à la phase de démarrage de la ligne, « un accompagnement de deux à quatre semaines par les fournisseurs a été organisé sur site pour faciliter la prise en main des machines », souligne Jordane Malézé. « Avec un budget sécurité intégré, ce projet contribue à mettre le groupe Wepa dans un cercle vertueux, en plaçant la sécurité à un degré d’exigence supérieur, et en capitalisant des acquis qui pourront à l’avenir être dupliqués sur d’autres projets », conclut Lidwine Dugas.

CHIFFRES

  • 7,5 millions d’euros, c’est le budget global de l’installation de cette nouvelle ligne de fabrication. Huit semaines auront été nécessaires entre le démontage de l’ancienne ligne et le montage des éléments de la nouvelle ligne.
     
  • + 30 %, c’est l’augmentation de la vitesse de croisière de fonctionnement de la ligne de transformation de papier en mouchoirs. La dimension des bobines de papier a été doublée entre la nouvelle ligne F11 et la précédente F09.
     
  • x 2, avec tous les investissements et aménagements effectués depuis le rachat du site en 2015, la capacité de l’usine de Torvilliers va être doublée en dix ans.
     
  • 15, c’est le nombre de personnes maximum qui se sont trouvées simultanément sur le chantier d’installation de la nouvelle ligne de production F11.
Partager L'article
Lien copié
Les articles du dossier
Le risque machine

En savoir plus