Depuis le 1er janvier 2024, le tri des biodéchets à la source est obligatoire. Une mesure qui n’a pas déstabilisé la Communauté d’agglomération du Pays voironnais, en Isère, laquelle a instauré une collecte des déchets alimentaires des particuliers depuis 1999. « Nous avons toujours été précurseurs sur cette question, souligne Emmanuelle Bocquin, responsable qualité, sécurité et environnement (QSE) de la structure. Dès 2002, nous valorisions déjà ces déchets par compostage et, en 2006, nous proposions les premiers composteurs individuels à nos usagers… »
Pour assurer la collecte et le traitement de ces rebuts, la communauté d’agglomération, qui couvre 95 590 habitants répartis sur 31 communes, peut compter sur une régie dédiée d’une centaine d’agents. Chaque semaine, une collecte des déchets alimentaires a lieu, ce qui permet, à l’année, de collecter pas moins de 1 650 tonnes de biodéchets, soit environ 17 kilos par habitant. Un chiffre à mettre en regard des 14 000 tonnes de déchets résiduels encore produits annuellement. « Il reste une vraie marge de manœuvre pour diminuer ces déchets qui seront incinérés et ne pourront être valorisés », constate Emmanuelle Bocquin.
Des déchets particuliers
Afin de collecter les déchets alimentaires, la communauté d’agglomération a, en plus du bac de collecte jaune pour les recyclables, distribué aux particuliers un bac dédié aux biodéchets. « Les usagers peuvent ainsi jeter tous leurs biodéchets, sans avoir à les trier spécifiquement, à l’exception des végétaux, détaille Emmanuelle Bocquin. La seule obligation pour eux est de mettre un sac, entièrement compostable et que nous leur fournissons, dans le bac de collecte afin, entre autres, que nos agents ne soient pas en contact direct avec les déchets. » Pour que cette mesure soit respectée, les agents qui, lors du ramassage, constatent son non-respect, peuvent laisser une étiquette de rappel des bonnes pratiques.
DES CAMIONS NETTOYÉS AVEC SOIN
Chaque jour, une fois leur tournée achevée, les camions poubelles sont nettoyés par les agents dans une zone réservée à cette opération, avec récupération, traitement et recyclage des eaux usées. « Chaque équipe a son propre camion, ce qui responsabilise les agents quant à la propreté de leur engin », explique Jacky Cichetti. Durant une quinzaine de minutes, deux agents munis de jets à haute pression passent à grande eau l’intégralité de la benne, une vanne sous les compartiments de collecte permet l’évacuation des jus. « L’utilisation du jet à haute pression permet aux agents de se tenir suffisamment loin pour éviter les projections, constate Stéphane Roberget, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Globalement, on observe que l’organisation mise en place, de longue date, est efficace en termes de prévention des risques professionnels. »
« Si la situation se présente à nouveau, nos agents sont invités à nous faire remonter le problème afin que l’un de nos quatre ambassadeurs du tri, un correspondant de numéro vert ou un encadrant, prenne contact avec l’usager indélicat. » Ces précautions permettent d’éviter au maximum l’exposition des agents aux micro-organismes qui se développent dans les biodéchets et qui peuvent, pour certains, avoir des effets sur la santé : troubles digestifs, allergies…
Les camions poubelles disposent de deux compartiments étanches afin de bien séparer les déchets « classiques » des biodéchets. « Pour éviter le plus possible la production de jus – les biodéchets sont composés à 75 % d’eau –, les agents sont invités à ne pas trop compacter les déchets de ce compartiment, explique Jacky Cichetti, responsable de l’unité collecte. Compte tenu des quantités que nous ramassons, il est vraiment très rare d’avoir un compartiment à biodéchets plein. »
Autre moyen de collecte : le point d’apport volontaire. Ici aussi, la collecte s’effectue toutes les semaines à l’aide d’un camion benne doté d’une grue. « Ici, par rapport à la collecte porte-à-porte, l’agent est à distance de tout risque de contamination », pointe Emmanuelle Bocquin. En effet, à l’aide de commandes déportées, le chauffeur dirige le bras de la grue afin de soulever le bac de collecte, l’amener au-dessus de la benne et actionner la trappe d’ouverture.
Après la collecte, le compostage
Une fois la collecte terminée, direction le site écologique de La Buisse, qui dispose d’un important centre de compostage. « Nous avons ici en permanence treize agents, avec une activité soutenue sur tout ce qui concerne les déchets verts, explique Christian Guillemin, responsable d’unité traitement. Pour ce qui est du compostage des déchets alimentaires, dont le volume est plutôt modéré, c’est quelque chose que nous avons l’habitude de traiter suivant un calendrier bien établi sur le temps long. » Après avoir été déposés dans une zone de stockage dédiée, les déchets alimentaires sont mélangés une fois par semaine ce qui permet de garantir un approvisionnement suffisant en oxygène et donc de prévenir le début de la fermentation.
L’opération est réalisée à l’aide d’une des cinq chargeuses du site : toutes sont dotées de cabines mises en surpression à l’aide d’une installation spécifique - l’air entrant est filtré à l’aide d’un préfiltre type P1, en complément d’un filtre P3. « Les agents ne sont jamais en contact direct avec les déchets. Toutes les opérations sont réalisées à l’aide des engins, ce qui limite le risque de contamination », détaille Christian Guillemin. Chaque semaine l’ensemble des déchets collectés sont passés dans le broyeur afin d’assurer un mélange parfaitement homogène.
La matière récupérée est ensuite déposée dans l’un des deux sas à fermentation, une installation dimensionnée pour recevoir jusqu’à 4 000 tonnes de biodéchets. « Chaque sas dispose de rampes de soufflage d’air au sol afin d’assurer une bonne aération du compost sans intervention des agents, précise Christian Guillemin. Le système de ventilation est équipé de biofiltres (qui eux aussi contiennent des micro-organismes) afin que l’air rejeté à l’extérieur soit exempt de toute pollution. »
Le compost passe alors systématiquement plus de quinze jours dans le sas à fermentation, où une montée en température naturelle jusqu’à 70 °C permet son hygiénisation. Une fois cette opération réalisée, le compost est déposé sur une nouvelle aire de stockage, avec toujours soufflage d’air au sol pour environ trois mois, avant d’être passé au criblage. « Dès le début de notre production en 2002, notre compost était conforme à la norme NF U44-051, puis il a obtenu son agrément sanitaire en 2012, explique Christian Guillemin. Cela implique un premier criblage à 20 millimètres, puis un second à 10 millimètres. Une fois cette opération réalisée, le compost n’est plus considéré comme un déchet mais un produit à part entière. »
À l’issue de toutes ces opérations, plus un apport en déchets verts, environ 200 tonnes de compost sont proposées à la vente, chaque année, aux habitants du Pays voironnais. « La totalité de la production est écoulée en à peine un mois, entre mars et avril en fonction des années, ajoute Christian Guillemin. Nous avons de vrais habitués qui ne tarissent pas d’éloges quant à la qualité de notre compost. »
DES AGENTS BIEN DOTÉS EN EPI
© Gaël Kerbaol/INRS/2024
« Nous mettons un point d’honneur à ce que nos agents aient des équipements de protection individuelle (EPI) efficaces et confortables », indique Emmanuelle Bocquin, la responsable qualité, sécurité et environnement. Gants, chaussures de sécurité, blousons, t-shirts et pantalons… tous les rippeurs disposent d’une panoplie personnelle et complète de vêtements de travail. « Le linge sale est collecté dans des bacs à l’entrée des vestiaires. Les équipements sont dotés d’une étiquette avec les nom, prénom du propriétaire. Un suivi du nombre de lavages est effectué afin que les vêtements, notamment ceux à haute visibilité, puissent être remplacés régulièrement. »