Chez Malézieux, entreprise lorraine spécialisée dans l’assainissement, il y a un « avant » et un « après » Covid. « La crise sanitaire nous a permis de remettre à plat nos procédures d’hygiène, explique Astrid Lauber, responsable du service QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement). C’est important car celles-ci constituent l’un des principaux maillons de la prévention du risque biologique qui est inhérent à tous nos métiers : nos agents réalisent des interventions à tous les niveaux du réseau, du débouchage de toilettes chez des particuliers, au nettoyage des canalisations pour les collectivités locales, en passant par la 3D (dératisation, désinsectisation, désinfection) ou encore la valorisation des déchets issus du curage… »
Cet état des lieux a conduit à la création de fiches « flash sécurité » pour rappeler les principes à respecter, et à la mise en place de communications régulières sur le sujet, auprès des salariés. La direction a également décidé de doter tous les camions d’un point d’eau pour le lavage des mains au savon. « Nous avons défini un cahier des charges pour nos véhicules, que nous faisons évoluer au fil de nos réflexions sur la prévention et qui doit être respecté par le fabricant pour tous nos nouveaux achats, pointe Pierre Latourte, directeur général adjoint de Malézieux. Communiquer c’est important, mais il faut aussi simplifier la tâche des salariés sur le terrain afin qu’ils puissent intégrer la procédure d’hygiène à leur travail. »
À chaque situation, sa méthode de travail
Outre l’hygiène, Malézieux insiste sur l’importance de la méthode de travail. Objectif : limiter au maximum le contact avec les agents pathogènes. Exemple à Metz, où, à la demande d’un syndic de copropriété, Adrien Doerrer, technicien au service hygiène et maintenance immobilière, doit intervenir pour déboucher un évier. Avant d’agir, le jeune homme prend le temps d’évaluer la situation afin de choisir la meilleure technique à utiliser – furet électrique ou jet haute pression – et les EPI adaptés. Pour cette fois, le tapis de graisse à l’origine de l’obstruction n’est pas trop épais : le furet suffira. L’opération prendra quelques minutes et, à aucun moment, Adrien n’aura mis les mains dans les canalisations.
Même principe pour les agents chargés de la dératisation : ils suspendent leurs appâts aux échelles sous les regards d’égout, sans jamais descendre dans les conduits souillés. « Outre les risques infectieux liés aux bactéries fécales, il y a le risque de leptospirose, une maladie susceptible d’être transmise par l’urine de rats. Sur ce sujet, la médecine du travail a conclu que, compte tenu de nos méthodes de travail, des EPI utilisés, des mesures d’hygiènes prises et des contaminations connues actuellement, la vaccination n’était pas nécessaire », précise Astrid Lauber.
MALÉZIEUX : LA FAMILLE S’EST AGRANDIE
Fondée il y a 70 ans par Jean Malézieux, l’entreprise familiale, qui compte 200 salariés répartis sur dix agences en Lorraine, était à l’origine spécialisée dans le débouchage de fosse septique. Progressivement, elle s’est diversifiée autour de trois activités : l’entretien et le nettoyage du réseau (curage, nettoyage des avaloirs, des stations d’épuration…) pour des collectivités, la maintenance et le nettoyage industriels (vidange d’installation, enlèvement et transfert de produits et déchets pulvérulents, liquides et pâteux…) et, depuis une dizaine d’années, des travaux d’hygiène immobilière (débouchage-dégraissage, détartrage de colonne de chute, dératisation, désinsectisation, désinfection…) à destination des particuliers, bailleurs sociaux, syndics de copropriété… La société historique a donné naissance à un groupe composé de onze sociétés, qui opèrent en Alsace, en Champagne-Ardenne et au Luxembourg.
Plus globalement, tous les chantiers font l’objet d’une préparation scrupuleuse. Avant de débuter, le responsable d’agence ou le chef de chantier, avec l’équipe d’intervention, réalisent « une analyse des risques à 360° ». S’il s’agit d’une opération classique, des procédures standard ont été établies, sous forme de tableaux qui indiquent les EPI associés à chaque tâche (types de combinaison, gants, masques…). Mais s’il y a des difficultés particulières, des échanges peuvent se faire avec le service QHSE pour mettre en place un mode opératoire spécifique. « Par exemple, s’il faut nettoyer un vide sanitaire rempli d’eaux usées, on peut décider de doter les salariés d’appareil respiratoire isolant ou de mettre en place un système de ventilation… », illustre Astrid Lauber. « Dans tous les cas, si les conditions de sécurité ne sont pas réunies, on arrête le chantier », insiste Pierre Latourte.
Chantier bien préparé, sécurité assurée
Pour l’opération qui se déroule ce matin, dans un quartier pavillonnaire d’Hagondange, en Moselle, pas de protocole particulier : le but est de nettoyer 800 m de canalisations afin de permettre au robot-caméra de la société Inera Grand Est, spécialisée dans le diagnostic, de progresser sans encombre dans les conduits pour vérifier l’état du réseau. Le combiné hydrocureur rose et blanc de Malézieux est stationné dans une ruelle, l’arrière au plus près du regard où est plongé le tuyau guidé par une potence et le flexible de jet haute pression en fonctionnement. Au-dessus du trou, se forme une brume susceptible de comporter des agents pathogènes. Avec sa télécommande, l’opérateur, muni d’une visière protectrice et de gants longs en PVC, manipule le dispositif à distance. Là encore, la méthode de travail, en déport, évite la contamination.
À intervalle régulier, le salarié est néanmoins contraint de stopper la machine et de couper la haute pression pour dégager, à la perche, des objets encombrants qui ne peuvent être aspirés dans le tuyau. Aujourd’hui, seulement quelques pavés et tiges en bois… Mais, lorsqu’on leur demande ce qu’ils peuvent y trouver, les agents se lancent dans un inventaire à la Prévert : morceaux d’enrobés, objets en plastique, outils, agrégat de lingettes, tuyaux, cadavres de chat ou même vélo… Certaines de ces « trouvailles » exigent un protocole spécifique. Les animaux morts, par exemple, nécessitent un double ensachage avant d’être envoyés à l’équarrissage.
D’autres éléments obstruants peuvent être sources d’accident. « Les lingettes jetables sont un vrai problème. Elles s’accumulent et s’agrègent dans les canalisations, formant des cordes compactes qu’on retrouve parfois jusqu’aux stations d’épuration », alerte Pierre Latourte. En 2021, lors du nettoyage d’un poste de relevage, un salarié a dû manipuler à la main l’un de ces amas pour le déloger. Il s’est fait piquer par une seringue usagée coincée à l’intérieur, avec un risque viral. « À chaque accident, nous faisons une analyse, via l’arbre des causes, afin d’améliorer la sécurité, note le directeur général adjoint. Celui-ci nous a menés à mettre en place un protocole spécifique en cas d’accident exposant au sang (AES). »
Trois catégories de risques biologiques
Des actions de sensibilisation ont été réalisées dans toutes les équipes, à la fois celles amenées à intervenir dans les canalisations et celles œuvrant au centre de valorisation des déchets où des seringues peuvent aussi se retrouver dans les dégrilleurs. La trousse de secours a été complétée par une lingette spécifique et une fiche récapitulant la conduite à tenir en cas d’AES est à disposition dans tous les véhicules d’intervention et sur le site du centre de tri.
« Cela nous a aussi permis de faire évoluer le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), remarque Astrid Lauber. Chez nous, dès qu’on repère un risque spécifique, on ajoute une entrée. Nous avons ainsi aujourd’hui plusieurs catégories de risques biologiques. »
LES REMONTÉES DE TERRAIN, AU CŒUR DE LA PRÉVENTION
Pour faire progresser la prévention des risques professionnels, le service QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) de Malézieux mise aussi sur un système de remontées de terrain par le biais de fiches à disposition des salariés et d’audits réguliers auprès des chefs de chantier. Si un sujet revient régulièrement, des actions sont alors prévues. Dernièrement, plusieurs salariés ont alerté sur l’inconfort généré par l’un de leurs EPI. « Ils trouvent que les gants en PVC, à manchettes longues, ne sont pas pratiques car ils sont très épais et glissent, résume Astrid Lauber, responsable du service QHSE. Nous allons donc sélectionner deux ou trois modèles alternatifs que nous leur ferons tester. L’idée étant de trouver le bon équilibre entre sécurité, étanchéité, dextérité et confort de travail. » Le modèle retenu sera ensuite présenté au CSE pour être validé.