
« Cette nuit, nous avons traité presque 4 millions de mètres cubes, contre 1,5 million en temps normal. » Quelques heures après un fort épisode pluvieux, Stéphanie Aubinel, la responsable du service prétraitement et décantation de l’usine Seine Aval, loue la flexibilité de l’installation. Occupant 600 hectares sur les terrains des communes de Achères, Maisons-Laffitte et Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines, il s’agit de la plus grande des six usines du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (Siaap), qui transporte les eaux usées, les eaux pluviales et les eaux industrielles de l’agglomération parisienne. Seine Aval comprend une unité de traitement des eaux et une unité de production de boues déshydratées.
Mise en service en 1940, elle fait l’objet d’un vaste chantier de modernisation depuis 2009. Une refonte globale pour gagner en technicité, améliorer les capacités de traitement, limiter les nuisances pour les riverains et renforcer la sécurité des agents. « Les eaux usées collectées dans les égouts s’écoulent jusqu’à la station d’épuration. Cinq grosses canalisations viennent alimenter l’usine, précise Stéphanie Aubinel. La zone de prétraitement comprend le dégrillage – les eaux passent à travers des grilles qui retiennent les déchets les plus volumineux –, le dessablage et le dégraissage. Les eaux sont alors dirigées vers la décantation physicochimique qui donnera les premières boues. » S’ensuit un traitement biologique par des bactéries et autres micro-organismes qui consomment les polluants carbonés et azotés. Après un traitement thermique, les boues issues des différentes étapes sont valorisées sur des terrains agricoles et l’eau traitée rejetée dans la Seine.
L’un des risques majeurs sur le site est lié aux émissions de gaz, notamment l’hydrogène sulfuré (H2S), extrêmement toxique, qui provient de la décomposition des matières organiques. « Le Siaap est mobilisé sur la prévention de ce risque depuis des années. En amont des usines, on injecte du nitrate de calcium dans le réseau pour limiter la formation d’H2S. Sur le site, les eaux transitent par un bassin ouvert, où une phase de stripping permet d’extraire à nouveau ce gaz avant le prétraitement », reprend la responsable. « Même si beaucoup de phases sont automatisées, les opérateurs amenés à circuler et intervenir dans l’usine sont équipés de détecteurs portatifs quatre gaz (hydrogène sulfuré, méthane, oxygène, monoxyde de carbone). En fonction de l’évaluation des risques dans chaque bâtiment, des détecteurs fixes sont également en place », explique Fabien Pasquier, le responsable du service santé et sécurité au travail.
Intervention sur les dégrilleurs
L’unité de prétraitement, où s’est amorcée la refonte de Seine Aval, a été conçue pour améliorer les conditions de travail en s’appuyant sur le retour d’expériences. « Nous avions fait des mesures d’endotoxines - des molécules libérées par certaines bactéries et pouvant entraîner des problèmes respiratoires - dans l’atmosphère de travail qui témoignaient de concentrations élevées et pouvant présenter des risques pour les agents, au niveau du dégrillage et lors d’opérations de nettoyage au jet d’eau », évoque Fatima Yadani, chercheure en santé en environnement au Siaap. À la conception de l’installation, le choix a été fait de tout confiner dans les ouvrages, pour limiter l’exposition aux effluents et aux déchets.
« Nous avons un dégrillage grossier pour extraire des déchets qui pourraient endommager les installations aval. Ces déchets sont poussés sur un tapis et évacués vers le traitement des refus. De nombreuses installations sont capotées, précise Fabien Pasquier. Pour assainir l’ambiance de travail, nous avons mis en place une ventilation par aspiration localisée au plus près de la source d’émission, puis un traitement de l’air vicié avant rejet à l’extérieur. L’apport d’air neuf dans le bâtiment est assuré via des centrales de traitement d’air et des gaines souples. »
Parfois, des interventions de maintenance préventive sont nécessaires pour garantir le bon fonctionnement des équipements. « Lors du dégrillage, un système de câbles relève une poche le long d’une grille pour remonter les déchets qui sont évacués sur un convoyeur. Certains déchets s’entortillent autour du câble, comme sur une broche à kebab », décrit Hassan Debouz, qui observe le phénomène à l’occasion d’une ronde. Pour éviter une panne, ils doivent être détachés. Il communique au poste de contrôle vouloir intervenir. Clara Rodrigues, sa collègue, récupère la télécommande pour piloter localement l’installation. Ils sont désormais les seuls à avoir la main. Équipés de gants étanches, d’un casque avec visière intégrée, ils nettoient le câble avec un outil mécanique, pour éviter tout contact manuel et risque de blessure.

« L’organisation mise en place vise à éviter les projections et la remise en suspension d’aérosols », souligne Fatima Yadani. Lorsque le nettoyage d’une installation doit se faire au jet d’eau, seuls des jets d’eau basse pression sont utilisés. L’opérateur en charge est équipé de vêtements couvrants, de gants étanches, d’une visière et d’un appareil de protection respiratoire de type FFP3. Toute autre personne est tenue à l’écart de la zone pendant l’intervention. « On essaie d’anticiper à la conception les situations d’exploitation, de maintenance et de nettoyage. Y compris en sécurisant les accès par des trappes avec garde-corps intégrés et en permettant le travail de plain-pied. Les procédures sont strictes, mais quand un déchet est coincé quelque part, il faut y aller ! », remarque Fabien Pasquier.
Son équipe effectue des visites régulières et intervient en support et conseil aux agents à leur demande. Parfois, une mesure transitoire, notamment avec des équipements de protection individuelle, devra être mise en place. Mais la finalité reste de trouver une solution de protection collective pérenne pour les évolutions futures. Une position qu’adopte Fatima Yadani pour l’ensemble des usines du Siaap : s’appuyer sur le terrain et le retour d’expériences pour accumuler les connaissances, agir de manière transversale sur l’organisation du travail et réduire les expositions professionnelles.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : Seine Aval
Lieu : Achères, Maisons-Laffitte et Saint-Germain-en-Laye (Yvelines)
Activité : traitement des eaux usées d’une partie de l’agglomération parisienne et production de boues déshydratées.
Effectif : 750 personnes sur Seine Aval, avec beaucoup d’équipes en roulement. Le Siaap emploie 1 800 salariés.