
« Heureusement, personne n’a encore inventé les toilettes pour vaches, plaisante Francis Arnoux, directeur de la Sermap, fournisseur de matériel agricole pour le transfert et l’utilisation des déjections animales. Il faut bien nettoyer les fermes, et notre mission est de simplifier la vie des agriculteurs dans la récupération et la transformation du fumier et du lisier, respectivement part solide et liquide des excréments du bétail, qui sont valorisés en fertilisant et en biogaz. » Installée à Pierrefontaine-les-Varans dans le Doubs, la Sermap commercialise ainsi sous les marques Miro, Maury et Heywang une large gamme de dispositifs pour l’évacuation (racleurs, robots de raclage, convoyeurs…), l’épandage (épandeurs à fumier, tonnes à lisier), le traitement et la méthanisation (pompes, mixeurs, broyeurs, agitateurs, séparateurs…).
Dès sa création en 1968, l’entreprise mise sur l’innovation. Le brevet qu’elle dépose sur un type de chaînes, plus résistantes que celles utilisées jusque-là, contribue à établir sa renommée en assurant le succès de ses racleurs. Si ces dispositifs, actionnés par des câbles ou des cordes pour débarrasser les fermes du fumier, sont toujours dans son catalogue, la Sermap propose aujourd’hui pour cette même tâche des robots autonomes capables de suivre des parcours complexes. Une volonté d’innover qui s’est aussi illustrée par l’acquisition, il y a quatre ans, d’un cobot de soudage pour son atelier.
FORMATION ET CONCEPTION
Si les salariés qui alimentent les cobots de soudage ne sont pas des soudeurs expérimentés, il n’est pas question de leur confier ce poste sans formation préalable. Deux stages de deux jours chacun sont nécessaires à la prise en main de ces dispositifs. Pour l’instant, cinq opérateurs ont acquis les compétences les autorisant à occuper ces postes. « Si aucun membre de notre bureau d’études n’a participé à ces sessions de formation, ils connaissent néanmoins les spécificités des cobots, souligne Francis Arnoux, directeur de la Sermap. Ils peuvent ainsi concevoir les nouvelles pièces destinées à être soudées par les automates en fonction des possibilités offertes par ces dispositifs, ainsi que des contraintes qui leur sont inhérentes. Ainsi, puisqu’ils sont inadaptés aux pièces de grand format, nos ingénieurs privilégieront par exemple plusieurs petits éléments plutôt qu’un seul plus imposant. »
« Nous avons commencé à cogiter sur ce sujet, en premier lieu, à cause des difficultés que nous rencontrions pour recruter des soudeurs, convient Francis Arnoux. Mais nous avons vite perçu les avantages qu’un robot collaboratif pouvait apporter du point de vue des conditions de travail. » En effet, en se chargeant des séries de petites pièces, pouvant aller jusqu’à 100 unités, l’appareil permet d’épargner aux soudeurs des gestes répétitifs et des positions contraignantes, tout en diminuant leur exposition aux rayonnements optiques et aux fumées de soudage.
Dans un premier temps, le projet a été présenté au CSE qui a donné son accord. « Nous avons ensuite travaillé à la définition des besoins avec les opérateurs et les collègues des méthodes pour rédiger le cahier des charges, indique Pascal Karas, responsable HSE (hygiène, sécurité, environnement). Pour que ce matériel réponde à la réalité du terrain et soit adopté, nous devions nous appuyer sur les premiers concernés. » Réceptionné en 2021, le cobot est constitué d’un bras articulé équipé d’une torche. Il se déplace autour d’une pièce, se rapproche, émet une gerbe étincelante avant d'aller au point de soudure suivant.
Des cobots pour souder
À la différence du robot qui, un peu plus loin dans l’atelier, soude des pièces de grandes tailles, sa tâche lui a été « enseignée » par un opérateur. Pour ce faire, il suffit de débrayer le dispositif à l’aide d’une pédale au sol puis de positionner successivement le bras au niveau de chaque point de soudage. « C’est plus intuitif et plus rapide que la programmation classique, estime Cédric Hottinger, technicien robot. Il n’est pas nécessaire d’être soudeur pour accompagner le cobot, mais la formation de base que j’ai suivie est un plus pour choisir l’angle le plus adapté avec la torche. »

Les trois tables de soudages installées pour le cobot sont, à intervalles réguliers, perforées sur toute leur surface. Plusieurs pièces identiques peuvent ainsi y être disposées avec des espacements précis autorisant la machine à enchaîner les soudages, en répétant les mêmes mouvements après s’être décalée. « Au départ, l’idée était d’installer des pièces tandis que le cobot, isolé derrière des rideaux anti-rayonnement, en soudait d’autres. Puis de récupérer ces dernières pour charger les suivantes et ainsi de suite, explique Francis Arnoux. Mais notre installation était sous-dimensionnée pour être vraiment sûre et efficace. Pour pouvoir mettre en œuvre cette organisation pendulaire, nous avons acheté un second cobot en 2023. »
Comme le premier, celui-ci a fait l’objet d’un contrat de prévention avec la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. « Mais pour en bénéficier, une nouvelle condition a été apportée. Des barrières immatérielles ont été ajoutées aux deux installations, se remémore Bruno Combasson. Ce n’était pas en raison des risques de heurts, puisque le cobot est conçu et programmé pour se déplacer lentement et s’arrêter en cas d’obstacle, mais à cause des torches de soudure. Même si le risque d’accident est infime, il s'agit d'une précaution supplémentaire qui va dans le sens de la prévention. »
Moins d'expositions aux risques
On pourrait croire que les soudeurs n’apprécient pas de se faire déposséder d’une partie de leurs prérogatives, mais il n’en est rien. Ils ont la possibilité en effet de se concentrer sur des pièces plus intéressantes, plus grandes ainsi que sur des prototypes. « Tenir les postes “cobotisés” ne les intéresse pas trop au premier abord. En revanche, ils en reconnaissent l’intérêt dès que le travail est répétitif et les séries de pièces pénibles », remarque Cédric Hottinger. Autre avantage, même si les torches aspirantes et le port de masque réduisent considérablement l’exposition aux fumées de soudage, ne plus souder manuellement une partie de la production diminue encore ce risque.
Les hottes aspirantes qui chapeautent chacun des cobots ont, dans un premier temps, été raccordées au réseau existant. Mais les mesures réalisées par Bureau Veritas ayant mis en évidence une vitesse d’air insuffisante, le diamètre des tuyaux d’évacuation a été élargi et une centrale d’aspiration dédiée a été installée… à l’extérieur pour éviter une source sonore supplémentaire dans l’atelier. « On voit que cela fonctionne parfaitement, se félicite Bruno Combasson en regardant la fumée de son fumigène être happée par l’une des hottes. Même en dehors du périmètre que délimitent les barrières immatérielles, le nuage de vapeur est capté par le système. »
ROBOTS DE RACLAGE
Hauts de 45 à 60 cm, les robots de raclage de la Sermap ressemblent à une version bodybuildée d’un aspirateur autonome de particulier. À cela près qu’ils sont équipés de longs appendices orientables permettant de ratisser le fumier. Pour être en mesure de pousser, selon les modèles, de 500 à 900 kilos sur un sol rendu glissant par les déjections animales, ces mécaniques sont lestés de plusieurs centaines de kilos pour les ancrer au sol. Les premiers modèles étaient maintenus sur une trajectoire rectiligne par des glissières taillées dans le sol, se contentant d’allers-retours, mais les générations suivantes, filoguidées, peuvent effectuer des virages. Quant au dernier né, connecté, il peut prévenir d’un dysfonctionnement par SMS. « Nos robots ne sont pas dangereux pour les bêtes qui s’y habituent rapidement, affirme Francis Arnoux, le directeur de la Sermap. Elles les contournent sans hésiter puisqu’ils ne se déplacent que de quatre à six mètres par minute. »