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Exosquelettes, AGV et robots collaboratifs

La robotique collaborative pour réduire les manutentions

Le site Bel d’Évron, en Mayenne, s’est équipé à quelques mois d’intervalle d’un cobot et d’un AGV sur deux de ses lignes afin de réduire les manutentions. Des acquisitions bien acceptées par les équipes et qui recentrent les salariés sur leur cœur de métier.

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Céline Ravallec - 23/12/2024
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Vue d'une situation de travail dans l'entreprise Bel.

Nombreux sont ceux qui, enfants, se sont demandé comment était insérée la languette dans la cire rouge qui entoure les mini-fromages Babybel. La réponse se trouve quelque part dans l’usine Bel d’Évron, en Mayenne. Ce secret de fabrication bien gardé est né de l’esprit d’innovation et de l’inventivité des ingénieurs du groupe il y a plusieurs décennies. Innovation… Un mot entendu à maintes reprises auprès de différents collaborateurs, et qui régit de multiples projets en même temps qu’il semble guider de nombreuses décisions du groupe. Y compris en matière de sécurité au travail.

Comme souvent dans le secteur agroalimentaire, les principales causes d’accidents du travail et de maladies professionnelles sont les sols humides, à l’origine de glissades, les ports de charges qui exposent à des troubles musculosquelettiques (TMS) ou encore les activités de nettoyage des installations de production, impliquant la manipulation de produits chimiques. Depuis 1988, le site d’Évron est exclusivement dédié à la fabrication des mini fromages. Classique, goûts cheddar, gouda, brebis, chèvres, vegan… Plus de la moitié de la production mondiale sort d’ici. Actuellement, 630 salariés y sont employés, effectif complété par un volant d’intérimaires suivant les besoins. L’usine fonctionne en 3 x 8, 7 jours/7.

« Nous sommes en veille permanente, explique Vincent Letavasier, responsable santé sécurité du site, à travers la presse spécialisée, les salons professionnels, des échanges avec d’autres entreprises de Mayenne… » Comme en témoignent des pratiques récentes telles que le recours à un drone pour nettoyer les puits de lumière en toiture – qui supprime le risque de chute de hauteur – ou des partenariats avec le pôle de réalité virtuelle voisin Laval virtual sur la conception de nouveaux postes de travail. En matière de ports de charges, la direction de ce site ciblé dans le programme national TMS Pros se penche de longue date sur des solutions techniques pour réduire des manutentions.

Des robots pour lutter contre les maladies professionnelles

En 2014, un projet d’automatisation des opérations de palettisation a été lancé. Un an plus tard, trois robots étaient installés, pour remplacer des tâches qui se faisaient jusque-là manuellement. « La robotisation a permis de supprimer l’apparition de maladies professionnelles sur ces postes », souligne Léonard Didiot, le directeur du site. Dans le prolongement de cette action, de nouvelles réflexions ont porté sur les moyens de transférer les palettes du bout de la ligne à la zone de palettisation. « Les personnes à ce poste marchaient en moyenne 10 km chaque jour, évoque Hervé Nédélec, le responsable QSE (qualité, sécurité, environnement) qui auparavant a travaillé à la production. À partir de notre veille, le convoyage par robot a rapidement été envisagé comme une solution de remplacement. »

Vue d'une situation de travail dans l'entreprise Bel.

Et voici Maurice, l’AGV – il a été baptisé ainsi par l’équipe et tout le monde l’appelle par son nom comme un nouveau collègue – qui circule de façon autonome pour transférer les palettes depuis le bout de la ligne vers la zone de palettisation. « Il est configuré pour trois missions : la ligne des conteneurs, la ligne de restauration collective et l’acheminement de palettes vides vers la ligne des conteneurs », explique Laëtitia Rebours, adjointe au responsable de l’atelier conditionnement. Il a été choisi auprès d’un fournisseur ayant répondu le plus précisément au cahier des charges fonctionnel établi par l’entreprise. « Je ne sais pas comment c’était avant Maurice, je l’ai toujours connu ici, témoigne Mickaël Lesieur, un opérateur. Il nous dégage du temps qui peut être alloué à autre chose que le transfert des palettes. On est plus présent sur la ligne, moins dans la précipitation. Et techniquement, il n’est pas difficile à prendre en main. »

Des formations pour s'adapter aux nouvelles technologies

L’arrivée de l’AGV, en 2020, a néanmoins modifié certaines règles en interne : le piéton est devenu non prioritaire vis-à-vis des engins, ce qui a nécessité de changer certaines habitudes. Mais l’acceptation s’est faite rapidement. Chaque arrivée d’une nouvelle technologie dans l’entreprise s'accompagne de formations délivrées aux opérateurs et au personnel de maintenance. Un bon moyen de limiter les appréhensions qui peuvent apparaître face à l’arrivée de toute nouvelle technologie et d’en faciliter l’appropriation. « Sur des gros projets de ce type, le CSE et la CSSCT sont informés en amont et suivent leur avancement, avec des visites des chantiers en cours », précise Vincent Letavasier.

OUTIL POKA

En matière de nouvelles technologies, un outil de communication ascendant et descendant a été déployé au sein de l’usine, appelée Polka. Parmi les fonctionnalités offertes, des tablettes permettent de prendre des photos sur les lignes de production pour remonter instantanément des anomalies ou des situations inhabituelles, risquant d’exposer le personnel à de potentiels accidents. « Nous faisons en sorte qu’une remontée du terrain soit traitée dans les 24 heures, explique Vincent Letavasier, le responsable santé sécurité. Le responsable maintenance du secteur est informé en premier. Soit le problème se règle à son niveau, soit il relaie l’information à une autre personne qui traitera le problème rencontré. » En partageant instantanément le même niveau d’information, un tel outil améliore les échanges et l’interaction entre opérateurs. De plus, il favorise la réactivité des décideurs.

En bordure d’allées, des balises GPS noires délimitent la zone où l’AGV est susceptible de passer, à vide ou avec son chargement. Au niveau de la dernière balise s’active un bras articulé, qui empile sur une palette des cartons scellés par trois. La présence de ce cobot résulte aussi de réflexions qui ont été menées pour réduire les contraintes physiques de la mise sur palette au poste de restauration collective. Tâche répétitive, hauteur de travail inadaptée en fin de palette… ce poste était tout désigné pour faire l’objet d’un aménagement.

Christian Lesage, conducteur de la cellophaneuse, confirme le bénéfice du cobot à ce poste. « J’ai eu des problèmes d’épaule, car c’était un poste qui tirait beaucoup sur le dos et le haut du corps. Cette aide m’a permis de rester au poste, elle facilite le maintien dans l’emploi. » Et valorise également la nature même du travail. « Dans l’atelier, on aime bien les nouveautés, l’innovation, souligne Laëtitia Rebours. À travers ces nouveaux équipements, on valorise aussi les compétences. On est davantage dans la technique, dans de la conduite de machines. »

Depuis quatre ans, ces outils font partie du quotidien. Une enquête de satisfaction a été menée a posteriori auprès de 170 personnes pour évaluer la perception par les équipes de ces outils. Les résultats obtenus ont été positifs : réduction de la pénibilité des postes de travail par la diminution du nombre de déplacements, suppression de certains ports de charges et satisfaction de travailler dans un atelier où l’innovation est au cœur de la préservation de leur sécurité. Une intégration bel et bien réussie de l'avis de tous.

EN CHIFFRES

  • 5 millions de mini-fromages sont produits chaque jour par l’usine d’Évron : trois lignes sont dédiées au fromage classique (95 % de la production), une ligne aux fromages à goût (emmental, cheddar…) et une ligne aux fromages vegan.
  • 540 000 litres de lait sont livrés chaque jour de l'année, en provenance de 326 producteurs exclusifs basés dans la Sarthe, la Mayenne et l’Orne. Un kilogramme de fromage nécessite 10 litres de lait.
  • 32 personnes constituent le réseau de pilotes et de référents sécurité au sein de l’usine. Ils contribuent à alimenter le document unique d’évaluation des risques, à diffuser les bonnes pratiques ou encore participent à des enquêtes internes.
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