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Exosquelettes, AGV et robots collaboratifs

« Un exosquelette n’est pas un couteau suisse »

Pascal Girardot est en charge de la prévention de l’usure professionnelle à l’OPPBTP. Il revient sur le développement des exosquelettes dans le secteur du bâtiment, leur intérêt et leur intégration.

3 minutes de lecture
Damien Larroque - 23/12/2024
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Vue d'une situation de travail dans le btp avec un salarié équipé d'un exosquelette.

Travail & Sécurité. Le recours aux exosquelettes s'est-il développé dans le BTP ?

Pascal Girardot. Avec une vingtaine d’années d’existence, les exosquelettes sont une technologie relativement récente. Sur les chantiers, ils ont commencé à faire leur apparition il y a seulement dix ans. Mais ils se démocratisent peu à peu, notamment grâce à une évolution technologique rapide qui leur permet de s’adapter à des situations de travail de plus en plus variées, même s’il est vrai que les dispositifs existants destinés à faciliter les manutentions manuelles n’ont pour le moment que peu d’intérêt pour le BTP. En effet, les manutentions ayant lieu à différents moments de la journée, il faudrait des modèles qui n’empêchent ni ne gênent la réalisation d’autres tâches afin de ne pas avoir à les enfiler et les retirer sans cesse. En revanche, les exosquelettes peuvent apporter un réel bénéfice lorsqu’il s’agit d’assistance au maintien de postures pénibles comme les bras au-dessus des épaules pour les peintres, plombiers ou électriciens. Une autre posture contraignante que des dispositifs actuels peuvent soulager : la flexion du tronc vers l’avant qui est à l’origine de douleurs chez les couvreurs et les carreleurs notamment.

Qu’est-ce qui pousse les entreprises du bâtiment à se tourner vers l’exosquelette ?

P. G. Alors que les troubles musculosquelettiques sont ultra-prégnants dans le secteur du bâtiment, les dirigeants d’entreprise ne savent pas toujours comment agir pour les prévenir ou estiment les solutions trop onéreuses. Aussi, lorsqu’un fournisseur propose un dispositif pas trop cher et vendu comme une solution clé en main, beaucoup peuvent se laisser tenter. Malheureusement, bien que motivés par de bonnes intentions, ces achats sans analyse préalable du travail réel débouchent très majoritairement sur l’abandon de l’exosquelette dans le camion. Même si certains professionnels semblent y trouver leur compte dans les premiers temps, s’il n’est pas assez adapté au travail demandé, l’utilisation du dispositif ne perdurera pas. Un équipement considéré comme gênant ne sera pas utilisé, quels que soient ses bénéfices.

Quels sont les critères de réussite d’intégration d’un exosquelette ?

P. G. Un exosquelette n’est pas un couteau suisse qui s’adapte à toutes les situations. Un dispositif égale une tâche. Or, dans le BTP, les tâches étant très variées, les ouvriers passent souvent de l’une à l’autre pour, à terme, en réaliser toute une gamme dans une journée. S’il faut s’équiper puis se débarrasser des exosquelettes sans arrêt, cela devient vite laborieux, contreproductif et amène les opérateurs à se détourner de leur utilisation. Il est donc primordial d’identifier des activités sur des périodes suffisamment importantes pour qu’enfiler l’exosque- lette en vaille la peine. Mais attention aux dérives ! Il ne s’agit pas pour autant d’imposer aux salariés trois heures de travail les bras en l’air pour justifier l’acquisition d’un dispositif en supprimant l’alternance de tâches qui contribue à limiter l'apparition des TMS. Changer l’organisation du travail pour mettre en œuvre la technologie peut être un piège, c'est quelque chose dont il faut avoir conscience. Autre écueil à éviter : l’incompatibilité entre les exosquelettes et l’environnement, les EPI et les outils. Par exemple, s’il faut passer par une trappe d’échafaudage en étant équipé du dispositif. Ou si un ouvrier effectue une tâche qui nécessite le port d’un harnais antichute, rares sont les exosquelettes compatibles sans générer un risque supplémentaire.

UNE FRAGILE ACCEPTABILITÉ

« Même lorsqu’il est intégré en définissant précisément les caractéristiques du poste et les besoins d’assistance en impliquant les salariés tout au long de la démarche, un exosquelette risque toujours de finir par être remisé si un suivi n’est pas mis en place. Il faut former, sensibiliser, informer, accompagner les équipes pour pérenniser son utilisation qui peut, dans le cas contraire, être rapidement remise en cause, à l’occasion du départ d’anciens et de l’arrivée de nouveaux compagnons, par exemple. Même lorsqu’au sortir d'une campagne d’essais, la satisfaction semble être au rendez-vous, l’acceptation de ces dispositifs est fragile. Il suffit parfois d’une simple moquerie de la part d’un collègue pour qu’un exosquelette soit délaissé. Avoir des leaders d’opinion parmi les opérateurs qui participent aux tests est un avantage certain pour la réussite de l’intégration et du déploiement de ces technologies », estime Pascal Girardot.

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