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Les formations métiers en entreprise

Développer ses compétences grâce au tutorat

Chez Le Roy Logistique, des formations sur mesure ont été conçues pour trois métiers stratégiques du groupe : cariste-manutentionnaire, assistant logistique et affréteur-exploitant. Des parcours animés par un tuteur, qui intègrent une importante composante de terrain.

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Corinne Soulay - 27/03/2025
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Vue d'une situation de travail en entreprise.

Chez Le Roy Logistique, on l’appelle le « Dojo » (« lieu où l’on étudie », en japonais). Ici, pas de tatami, mais une structure cartonnée, modulaire, recouverte d’infographies, et installée au sein de l’entrepôt, à mi-chemin entre les quais de chargement et les racks de stockage. Cet espace dédié à l’apprentissage, aménagé au cœur même de l’activité, constitue l’une des étapes incontournables des parcours de formation des salariés, récemment repensés pour s’adapter au mieux aux besoins et réalités de l’entreprise.

« En 2021, la direction a souhaité mettre en place une Académie en interne pour répondre à trois objectifs : revoir l’intégration des nouveaux collaborateurs, tous profils confondus (métiers de la logistique et transport, fonctions supports…) ; mieux accompagner les alternants, avec la volonté de les fidéliser ; et proposer des formations sur mesure pour nos métiers majeurs, caristes-manutentionnaires, assistants logistiques et affréteurs-exploitants, en s’appuyant sur les bonnes pratiques », rappelle Émeline Bourgaud, responsable formation, développement ressources humaines et communication.

Le groupe de transport logistique, né en 1947, compte 45 entrepôts et plates-formes répartis dans toute la France, regroupant près de 1 000 salariés. Jusque-là, des formations existaient, mais les pratiques différaient selon les sites. Celui de Bourgbarré, près de Rennes, situé à proximité du siège à Saint-Jacques-de-la-Lande, disposait d’un local attenant à l’entrepôt de stockage, propice pour accueillir l’Académie Le Roy Logistique. Une « salle de classe » y est aménagée en 2022, ainsi qu’un espace de convivialité. Différents parcours de formation sont progressivement conçus, en fonction de la population ciblée, intégrant cours théoriques, e-learning et, pour tous, un passage par le fameux Dojo. « Cette structure, c’est l’Académie qui se délocalise sur la dalle, c’est plus pertinent d’aller sur le terrain pour comprendre l’activité », souligne Émeline Bourgaud.

Un à trois mois d'accompagnement

Concernant les formations métier, la construction des modules et outils d’apprentissage, débutée en mars 2023, aura nécessité plus d’un an de développement. « Nous avons souhaité cibler les caristes-manutentionnaires, les assistants logistiques et les affréteurs exploitants car nous constations des difficultés de recrutement sur ces postes, ainsi qu’un besoin de montée en compétences en homogénéisant l’ensemble des connaissances stratégiques pour notre activité », précise-t-elle encore. Pour élaborer les contenus, l’équipe dédiée à la formation a d’abord recueilli les bonnes pratiques dans différents sites, puis des groupes pluridisciplinaires ont été formés, rassemblant des opérateurs du métier concerné, mais aussi des animateurs QHSE et du personnel juridique.

LA PRÉVENTION S’ORGANISE

Chez Le Roy Logistique, la prévention des risques professionnels s’organise autour d’un responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité et environnement), d’un chargé de mission sécurité & environnement et de treize animateurs QHSE présents dans toutes les régions et couvrant ainsi tous les sites du groupe. Tous les collaborateurs suivent une formation QHSE à leur arrivée dans l’entreprise, avec un recyclage chaque année. « Nous mélangeons les profils pour améliorer la compréhension interservice, explique Dominique Aubert, le responsable, et nous nous appuyons sur des exemples d’accidents. Nous avons décelé un sujet autour de l’addiction, à l’origine de risques d’accidents chez les collaborateurs qui conduisent des chariots ou lors des trajets professionnels. Notre chargé de mission sécurité travaille actuellement sur les moyens de sensibiliser les salariés. Nous souhaitons aussi nous améliorer sur les remontées de terrain concernant les presqu’accidents, par la diffusion de flashs sécurité. »

« Certains postes présentent une accidentologie spécifique comme les collisions engins-piétons pour les caristes. C’était important d’intégrer dans ces formations, en plus de l’apprentissage des compétences, la prévention des risques professionnels », ajoute-telle. De novembre 2023 à janvier 2024, une fois les parcours stabilisés, une phase de tests s’est déroulée sur le terrain, les retours d’expérience permettant d’améliorer le dispositif. Puis celui-ci a été déployé au niveau national en avril.

Comment s’articule cet accompagnement sur mesure ? Pendant un à trois mois, selon les besoins du salarié formé, celui-ci est accompagné par un tuteur chargé de l’apprentissage et de la validation des modules. « Ils sont choisis parmi des volontaires, chez qui nous avons décelé le goût de transmettre. Il n’y a pas que des chefs d’équipe, notre objectif est de diversifier cette communauté », poursuit Émeline Bourgaud.

Appeler, apporter et ancrer la connaissance

Ces tuteurs sont formés à la méthode DISC, qui consiste à adapter sa communication en fonction du profil de son interlocuteur, et des « 3 A » : « j’appelle », « j’apporte » et « j’ancre » la connaissance. Prenons l’exemple d’un cariste-manutentionnaire, nouvellement embauché. Rendez-vous au Dojo, première étape de toutes les formations. Le tuteur l’accompagne de panneau en panneau afin qu’il découvre l’histoire de l’entreprise, la répartition des sites dans l’Hexagone, les activités du groupe… Au sol, un schéma représente les différents flux et interactions entre les services : de la réception de marchandises à la préparation de commande et sa prise en charge par un transporteur.

L'AVIS DE...


© Grégoire Maisonneuve pour l'INRS/2025

Émeline Bourgaud, responsable formation, développement RH et communication

« Outre les formations métiers, la création de l’Académie s’est accompagnée d’une refonte du parcours d’intégration des nouveaux collaborateurs. Les salariés de la France entière, tous profils confondus, ayant validé leur période d’essai, sont conviés à Bourgbarré, par promotion de huit, pour deux jours de présentation et d’échange. Les alternants, quant à eux, bénéficient désormais d’un programme de trois semaines, pont entre l’entreprise et l’école, comprenant des formations et ateliers sur différents sujets, des focus sur les évolutions des métiers, etc. Nous avons aussi créé des supports pour les entreprises de travail temporaire, afin de mieux intégrer les intérimaires, qui bénéficient en outre d’une sensibilisation à la santé et sécurité avant leur prise de poste. »

La sensibilisation à la santé-sécurité au travail débute aussi ici, avec une infographie colorée, « la Roue de la Sécurité » qui reprend des principes de base. Risques principaux, marche à suivre en cas d’urgence ou d’évacuation, règles à respecter dans l’entrepôt… « Il ne s’agit pas d’énumérer des interdictions. Pour bien ancrer l’apprentissage, le tuteur explique les raisons de ces obligations. Par exemple, le téléphone portable est proscrit pour éviter les collisions ou les chutes, tout comme le fait de manger dans l’entrepôt qui pourrait être à l’origine d’une contamination. » D’autres illustrations abordent l’hygiène des mains et les règles de priorité dans l’entrepôt : le chariot (qui met plus de temps à freiner) prime sur le gerbeur, qui lui-même est prioritaire sur le piéton. Enfin, « le Miroir des EPI » permet, en se regardant dans une glace, de s’assurer qu’on porte bien tous les équipements de protection.

Pour le cariste, six totems en carton rigide, déplaçables, complètent le dispositif. Chacun est dédié à une situation de travail qui requiert de la vigilance : chargement/déchargement, déchargement manuel d’un conteneur vrac, préparation d’une palette complète, mise en stock… L’idée est de s’emparer du totem et de le transporter jusqu’au lieu où se déroule l’action pour former l’apprenant au plus près. Là, le tuteur interpelle le salarié pour connaître l’état de ses connaissances sur le sujet : a-t-il déjà réalisé cette tâche dans un précédent emploi ? Comment procéderait-il ? Voilà pour l’appel de connaissances.

Structurer le parcours d'intégration

Puis, aidé du totem qui résume les éléments clés, il passe à l’apport de connaissances, détaillant les tâches successives à réaliser, en débutant, chaque fois, par les points de sécurité à connaître, puis les étapes du process en termes de qualité et enfin les performances attendues. Pour ancrer les connaissances, il invite ensuite le salarié à les mettre en pratique. Une dernière étape consiste en un quiz, au dos du totem.

« Il ne s’agit pas de faire tous les totems en une journée. Au contraire il faut prendre son temps et ne pas saturer le salarié », insiste Émeline Bourgaud. Pour structurer le parcours, le tuteur dispose d’un plan de suivi avec différents modules à valider. Une fois que le salarié s’est suffisamment approprié une tâche, après une semaine en moyenne, le tuteur évalue ses compétences par un test. Un module, pris en charge par un animateur QHSE (qualité, hygiène, sécurité et environnement), est consacré spécifiquement à la sécurité au travail.

Vue d'une situation de travail en entreprise.

Si pour les caristes, la formation se fait essentiellement sur le terrain de l’entrepôt, ce n’est pas le cas pour les assistants logistiques, par exemple, qui ont un rôle de coordination. « Une grande partie de ma formation se fait via une plate-forme de e-learning, notamment pour la prise en mains des outils informatiques, explique Julie Ropert, qui a commencé il y a une semaine. Mais, le premier jour passé au Dojo m’a permis, grâce à des supports pédagogiques, de mieux comprendre comment mon métier s’inscrivait dans l’écosystème de l’entreprise. C’est toujours stressant de débuter un nouveau travail. Là, on se sent bien accompagné : en cas de problème, je sais que je peux m’adresser à ma tutrice. »

Une semaine plus tard, la voilà de retour au Dojo. Aujourd’hui, grâce aux totems, elle va découvrir l’activité des caristes afin d’acquérir une connaissance plus fine du fonctionnement de l’entrepôt et des flux de marchandises. « C’est important de se mettre à leur place pour comprendre de quoi les caristes ont besoin et ce qu’ils attendent des assistants logistiques, pour pouvoir bien faire leur travail, en sécurité », précise Françoise Crépiat, tutrice de Julie, et responsable logistique du site de Bourgbarré. Pour consolider ses apprentissages, le salarié dispose de fiches mémo illustrées, récapitulant les points clés de chaque module.

Le Dojo est désormais déployé sur l’ensemble des agences de l’entreprise, qui bénéficient donc de ces formations métier sur mesure. Les retours d’expérience continuent d’enrichir et d’améliorer le dispositif. « Ce principe de formation au plus près du terrain est très intéressant, note Pierre-Yves Le Calonnec, contrôleur de sécurité à la Carsat Bretagne. Il s’inscrit dans la démarche globale de cette entreprise qui vise l’amélioration continue. »

QUI FAIT QUOI ?

  • Les caristes-manutentionnaires sont chargés de réceptionner et de décharger les marchandises, puis de les transporter, grâce à des chariots ou gerbeurs, au sein de l’entrepôt, pour la mise en stock. Ils s’occupent aussi de la préparation de commandes (palettes complètes ou détail) et du chargement pour la livraison.
  • Les assistants logistiques s’occupent de coordonner les différents maillons de la chaîne logistique : interactions avec les clients, prises et gestions des rendez-vous avec les transporteurs, accueil des chauffeurs et attribution des quais…
  • Les affréteurs-exploitants sont dédiés à la partie transport. Ils organisent et gèrent l'acheminement de marchandises pour le compte des clients en s’appuyant sur un réseau de transporteurs permanents ou, si besoin, sur des bourses de fret.
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