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Les formations métiers en entreprise

Monaco Marine : « Former nos salariés représente un projet de groupe »

Rares sont les PME à créer leur propre centre de formation en interne. Monaco Marine, entreprise de 220 salariés spécialisée dans la maintenance et la réparation de yachts sur la Côte-d’Azur, s’est néanmoins lancée dans ce projet afin de maîtriser l’enseignement des compétences nécessaires au bon déroulement de son activité. Et les formations à la sécurité sont adaptées aux métiers.

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Céline Ravallec - 27/03/2025
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Illustration d'un chantier naval.

Travail & Sécurité. Qu’est-ce qui vous a motivés à créer votre structure de pilotage interne des formations « sécurité » ?

Pierre Friedel, responsable hygiène, santé, environnement du groupe Monaco Marine. Nous sommes partis d’un constat : il existe très peu de diplômes sur nos métiers de maintenance et de réparation navale que sont le carénage, la manutention de portiques à bateau ou de remorques hydrauliques, et peu de formations sécurité. Pour embaucher et accueillir dans de bonnes conditions, il nous fallait structurer des formations adaptées à nos métiers et à nos environnements de travail.

Comment avez-vous décidé de structurer cette Monaco Marine University ?

Hervé Heimburger, University Director. Comme nous comptons neuf sites répartis entre Marseille et Monaco, nous avons décidé d’organiser tous les enseignements, dont ceux autour de la santé et sécurité au travail, au sein d’une seule et même entité transverse au groupe, dédiée aux formations. S’agissant des enjeux de sécurité, Pierre prend en charge ce pilotage global et le décline sous deux formes : des formations conçues avec des organismes de formation (OF) externes et des formations construites en interne. Pierre étant lui-même certifié formateur, il assure l’animation de certaines thématiques métiers.

P. F. Nous comptons de nombreux métiers chez Monaco Marine : mécaniciens, charpentiers, électriciens, magasiniers, caréneurs, manutentionnaires, grutiers, peintres, chaudronniers… et nous balayons un champ large de compétences. Il a donc fallu définir un panel de formations sécurité tout aussi large : conduite de nacelles, grues, portiques, remorques, montage démontage d’échafaudages, formations SST, risque électrique, espaces confinés… Il s’agit pour une part de formations classiques qui existent déjà, comme le Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (Caces) chariots élévateurs et nacelles élévatrices. D’autres formations, travaux en espace confiné, permis feu, etc., nécessitent un déroulé pédagogique adapté à notre environnement et à nos besoins. Ce sont en particulier ces formations qui sont créées et animées en interne. D’autres sont animées par un OF externe après contrôle du contenu pédagogique. C’est l’occasion d’apporter des éléments contextuels pour que ces formations correspondent le plus à notre réalité terrain. C’est le cas par exemple de formations qui abordent une mixité de thématiques : manutention, levage, portique à bateaux, remorques hydrauliques...

Comment sont définis et élaborés les contenus pédagogiques de vos différentes formations ?

P. F. Pour construire les contenus des formations, nous partons le plus souvent de référentiels existants (chariots, nacelles), de documents de l’INRS, du suivi et des évolutions de la réglementation. Il existe déjà beaucoup de matière de qualité, il n’est pas nécessaire de tout réinventer. En parallèle, de par mon activité transverse, depuis dix ans, j’ai collecté des anecdotes, des photos, qui permettent d’illustrer les propos. Dès que les participants reconnaissent un de nos sites, ou un collègue, on gagne leur attention et leur adhésion. Ça n’est pas de la théorie éloignée de leur quotidien.

H. H. Il ne s’agit jamais de formations « sur étagère ». Les contenus sont adaptés à nos métiers de la maintenance navale, pour être au plus près de nos besoins et de nos attentes. Ne serait-ce qu’en présentant des cas de figure concrets de notre quotidien. Les formations se déroulent sur chacun de nos sites. Nous avons l’avantage d’avoir des moyens d’accueil (matériel, salles de cours équipées) à disposition. De cette façon, c’est enseigné in situ, avec notre matériel, dans notre environnement de travail direct. Les apprenants sont dans de la pratique opérationnelle. Pour nous, c’est un point clé.

Qui est concerné par ces formations chez vous ?

P. F. Au final, beaucoup de nos collaborateurs sont concernés par ces formations sécurité. Certains par l’obligation de les suivre pour être habilités dans leurs activités métiers, d’autres pour être sensibilisés et devenir acteurs de la prévention. Prenons l’exemple de la réception d’échafaudages. Seules une ou deux personnes référentes par site sont aptes à réaliser la réception d’un échafaudage. Pourtant, cette thématique est enseignée aussi aux chefs de parc, coordinateurs de projets, chefs de projet, direction… Ainsi, un large panel d’acteurs prend conscience de la notion du risque associé à la réception d’un échafaudage. Cela contribue à améliorer la sécurité à différents niveaux : les achats sauront commander correctement un échafaudage, un chef de parc saura reconnaître si le montage est correct, jusqu’à identifier une situation dangereuse. Plus on est nombreux à avoir un minimum de connaissances sur les dangers présents, mieux ils seront pris en compte et les accidents évités. On fait aussi de la même manière des sensibilisations au risque électrique. Même si tous les chefs de projets ou coordinateurs travaux par exemple ne seront pas amenés à réaliser des travaux d’électricité, ils auront les notions de base et seront ainsi en position de proposer et d’échanger avec les intervenants, tant internes qu’externes.

PORTAIL DE FORMATIONS

Monaco Marine s’est équipé en juillet 2024 d’un outil de gestion des formations et d’un espace d’e-learning. Rarement utilisé par une entreprise de seulement 200 salariés, cet outil fournit aux collaborateurs un espace individuel dédié. Chacun peut s’y connecter et y retrouver son parcours de formations : ses habilitations en cours, la période de validité restante. Les managers ont également une vision globale sur les habilitations des membres de leur équipe. L’outil présente aussi l’avantage de fournir un tronc commun standard à tous (réglementation, culture entreprise, sécurité) pour que, malgré la diversité des métiers et des sites dans le groupe (le plus petit site compte trois collaborateurs quand le plus grand en compte 80), tout le monde ait une base commune. Il contribue à faciliter le parcours d'intégration des nouveaux arrivants, par la mise à disposition de documents (livret d’accueil…) dans les jours qui précèdent l’arrivée dans l’entreprise.

N’y a-t-il pas un risque de se retrouver juge et partie à délivrer ainsi des formations soi-même ?

H. H. C’est vrai qu’on pourrait imaginer que c’est un biais d’internaliser les formations. Mais justement, le fait que Monaco Marine University pilote cette activité au niveau du groupe permet de ne pas se retrouver dépendant des enjeux de nos sites, et ainsi de rester à la fois garant de nos obligations réglementaires et référent sur ces enjeux de sécurité.

P. F. Il m’est déjà arrivé de retirer une habilitation à un collaborateur, ou de faire repasser leur évaluation à des personnes. Et, au-delà des périodicités réglementaires (cinq ans pour les chariots, deux ans pour les sauveteurs secouristes, trois ans pour l’électricité…), on se donne aussi le droit de reformer une personne si on estime cela nécessaire. Il en va de la sécurité des collaborateurs et de la qualité du travail.

Quel volume représentent toutes les formations sur une année ?

P. F. Une formation dure entre un et cinq jours, et une sensibilisation entre deux heures et deux jours. Si on prend uniquement la thématique sécurité, cela représente une quarantaine de formations par an pour environ 400 participations d’apprenants. Planifier les sessions est un véritable casse-tête, car cela mobilise les collaborateurs et immobilise le matériel de production le temps des formations. De plus, il faut composer des groupes cohérents et multisites.

H. H. Un tiers du budget de formation du groupe est dédié aux formations sécurité. Ce budget est sanctuarisé pour garantir la pleine réalisation de l’ensemble de nos obligations d’habilitation. Et au-delà, former représente un véritable projet d’entreprise pour notre groupe. Nous sommes encore sur une démarche assez récente – l’Université est lancée sous sa forme actuelle depuis un an – et nous restons réalistes sur nos moyens tout en gardant une forte ambition.

LA QUESTION DES DIISOCYANATES

Une directive européenne interdit désormais l’emploi des diisocyanates, sauf si l’utilisateur a fait l’objet d’une formation sur le sujet. Pierre Friedel avait suivi auprès de l’Ametra 06, le service de prévention et de santé au travail qui suit Monaco Marine, une première formation sur le sujet en 2024. À l’issue, il a été décidé d’internaliser cette formation au sein de Monaco Marine. Pour ce faire, Pierre Friedel conplètera sa formation en avril 2025 par une formation de formateur sur le sujet afin de concevoir et animer auprès des collaborateurs cette obligation de formation. « La réglementation définit 25 points à aborder dans le cadre de cette formation, souligne Cosmin Patrascu, coordinateur de la cellule risque chimique et industriel à l’Ametra 06. Souvent, ce type de formation se limite à une formalité visant à répondre aux exigences réglementaires, sans répondre aux besoins des utilisateurs. C’est pourquoi nous avons développé cette formation sous forme d’atelier participatif, favorisant les interactions et les partages d’expériences entre les participants. »

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