
Travail & Sécurité. Vous allez ouvrir un centre de formation intergénérationnel (CFI) à la rentrée 2025. Comment est né ce projet ?
Christophe Ragot. Nous sommes partis de plusieurs constats, le principal étant les difficultés récurrentes de recrutement dans tous nos métiers : soin, hôtellerie, lingerie. Et nous ne sommes pas les seuls : un rapport du Sénat de 2024 montrait que 61 % de l’ensemble des Ehpad (publics et privés) étaient confrontés à ces problèmes. Par exemple, pour un poste d’aide-soignant disponible, nous comptons aujourd'hui une vingtaine de postulants, parmi lesquels en moyenne une personne diplômée – mais souvent en poste et pas disponible immédiatement – une personne tout juste diplômée, sans expérience et sans idée précise du travail en Ehpad, le reste étant des personnes motivées mais sans qualification ni formation. En parallèle, nous sommes confrontés à la difficulté pour trouver des personnes aptes à encadrer les nouveaux arrivants, avec une bonne fibre pédagogique, tout en assurant la continuité de service. Une situation potentiellement dérangeante pour tous, car cela peut mettre en difficulté à la fois les apprenants, les professionnels et les usagers. Il y a clairement une passerelle défaillante entre demandeurs d’emploi et formations, que nous cherchons à combler.
Concrètement, quelles formations seront proposées ?
C. R. Nous visons l’ouverture des formations à trois diplômes : un titre professionnel (TP) assistant de vie aux familles en septembre 2025, diplôme d’état d’aide-soignant en janvier 2026, puis TP d’agent de service médico-social, qui regroupe des modules hôtellerie et lingerie, en septembre 2026. Pour tous ces diplômes, des référentiels de formation existent, mais l’idée est de les dépoussiérer en intégrant les enseignements au cœur du soin et au contact des usagers. On veut sortir des enseignements statiques en salle et aller vers des situations réelles, avec un côté très pratique. Pour bien intégrer la théorie, il n’y a rien de tel que la mise en pratique. Il s’agit de former de futurs techniciens, c’est important d’être sur le terrain. Nous prévoyons d’aménager des salles de travaux pratiques, avec une chambre témoin, et de mettre à disposition du matériel de l’établissement, tout en encourageant un maximum d’échanges directs avec les usagers sur les bonnes pratiques au quotidien.
Quelle est la place de la prévention des risques professionnels dans ces enseignements ?
C. R. Tout est cadré selon les protocoles officiels. La formation aide-soignants compte ainsi un module de 35 heures consacré à l’ergonomie. Une journée est aussi dédiée à la prévention des risques. Et, surtout, lors des cours et des mises en pratique, sont systématiquement intégrées l’organisation du travail et les bonnes pratiques pour prévenir les TMS. Il est question des manutentions, avec intégration de l’ensemble du matériel à disposition : rails au plafond, lève-personne mobile… C’est un gros avantage dans l’apprentissage du métier, et le faire en côtoyant des professionnels accentue l’immersion. Nous avons aussi la chance d’avoir des professionnels de santé ayant des compétences spécifiques et qui interviennent occasionnellement : Prévention des risques liés à l’activité physique – secteur sanitaire et social (Prap-2S), soins palliatifs, éthique…, ainsi qu’un référent handicap pour aller vers une pédagogie inclusive. Les risques psychosociaux (burnout, agressions…) sont également abordés au travers du repérage des fragilités, de la communication autour de la gestion des comportements agressifs et de la prévention du burnout chez les aide-soignants. Ces sujets occupent une place prépondérante, car pour avoir de bons soignants, il est nécessaire de les maintenir en bonne santé.
UNE OUVERTURE VERS L’EXTÉRIEUR
Sorti de terre en 2019, l’Ehpad intercommunal Le Clos du Moulin, situé à Boeschèpe, dans le Nord, compte 65 résidents pour 51 équivalents temps plein. Son projet de création de centre de formation intergénérationnel (CFI) vise à répondre plus largement aux besoins locaux. « Il est nécessaire de changer le regard des gens sur les Ehpad, véritables lieux de vie, qui doivent devenir des centres de ressources témoignant de leur utilité pour les usagers, souligne Christophe Ragot, cadre de santé et directeur du CFI. Il est important de développer l’attractivité autour des métiers du grand âge. » Afin de faire connaître ses métiers, l’établissement a accueilli une trentaine de demandeurs d’emploi à travers des ateliers qui présentaient ses différentes activités. Dans le cadre du projet de CFI, la direction a entamé des démarches auprès de France Travail, de la région Hauts-de-France, du département, de la mission locale. Des recherches de subventions complémentaires sont en cours pour boucler le budget.