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L'invité du mois

Hubert Mongon : « Il est nécessaire de démystifier la notion de QVCT »

Le 7 février 2022, l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) a signé avec trois organisations syndicales représentatives de la branche un accord portant sur la santé, la sécurité, la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), dont la mise en oeuvre a débuté le 1er janvier 2024. Hubert Mongon, délégué général de l’UIMM, détaille les implications sur le terrain de cet accord.

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Antoine Bondéelle, Céline Ravallec - 23/04/2025
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Portrait d'Hubert Mongon.

Travail & Sécurité. Le dispositif négocié autour de la QVCT par la branche de la métallurgie a pris la forme d’un accord. Pourquoi cette forme, plutôt que, par exemple, un article dans la convention collective unique de la branche également renégociée ?

Hubert Mongon. Par nature, les conditions de travail sont une matière vivante. À travers un tel accord, nous souhaitions pointer un certain nombre de priorités, avec la volonté de regarder dans la durée comment les choses évoluent, afin de pouvoir y retravailler et d’évaluer les outils. De notre point de vue – mais je pense que les organisations syndicales sont en phase avec nous sur ce point – c’est un accord qui fédère les trois piliers de l’UIMM : la dimension économique, la qualité du projet social et l’importance du dialogue social. Il n’y a pas de bon fonctionnement de l’entreprise si on n’intègre pas les questions de qualité de vie et des conditions de travail ainsi que la santé et la sécurité au travail. La QVCT permet de concilier la performance économique et le bien‑être des salariés. Et les solutions durables sont trouvées grâce au dialogue social. La métallurgie regroupe 42 000 entreprises, pour 1,5 million de salariés. L’UIMM représente 90 % de ce tissu économique. La majorité de ces entreprises compte entre 20 et 50 salariés. Les TPE/PME sont donc les entreprises les plus nombreuses, représentant la majorité du tissu industriel de la branche et pour lesquelles il existe un enjeu majeur de prévention : leurs moyens ne sont pas les mêmes que ceux des grands groupes. Notre mission est donc de les accompagner sur ces sujets et de leur faciliter les choses. C’est pourquoi il est nécessaire de démystifier ces notions qui peuvent paraître très théoriques, alors qu’elles renvoient à des actions pratiques, intéressantes tant pour l’entreprise que pour les salariés. Car on le sait : performances des entreprises et bonnes conditions de travail vont de pair. 

Portrait d'Hubert Mongon.

Pour autant, il ne faut pas mener ces actions de manière verticale. Nous avons d’ailleurs réalisé l’année dernière une enquête auprès de 1 300 entreprises de la branche sur leurs attentes en matière de QVCT : 85 % déclaraient que c’est un enjeu important, et que les principaux bénéfices d’une démarche QVCT identifiés étaient l’ambiance au travail, le bien-être au travail, la sécurité, l’attractivité et la fidélisation. Mais un certain nombre d’entreprises avaient encore du mal à identifier la façon de mettre en oeuvre concrètement une démarche QVCT. Les principaux besoins exprimés étaient : une information pertinente, des outils pratiques de mise en oeuvre, le partage de retours d’expériences. C’est pourquoi nous allons cibler ces premières entreprises pour leur apporter notre appui en priorité. En fonction des autres besoins identifiés, nous envisageons de relancer ultérieurement d’autres enquêtes.

Depuis sa mise en oeuvre au 1er janvier 2024, comment parvenez-vous à faire vivre cet accord au sein des entreprises ?

H. M. L’UIMM déploie et accompagne un réseau de 58 structures territoriales. Chacune anime un réseau d’entreprises de tailles et de métiers multiples sur son territoire. Avec le relais de ces UIMM territoriales, nous souhaitons créer des impulsions : échanges d’idées et de bonnes pratiques, identification de pistes d’innovation, de recherche, de dialogue, d’expérimentations, etc. En sachant que ce qui peut être vrai en Bretagne ne le sera pas forcément pour de multiples raisons (tissu local, configuration, histoire, métiers…) en Moselle ou en Auvergne. Nous nous refusons de « penser pour les autres ». Ce que nous souhaitons, c’est réfléchir et travailler ensemble. Ainsi, les UIMM territoriales se sont emparées de ces thèmes avec leurs propres moyens : la plupart d’entre elles dispose d’au moins un préventeur, chargé d’accompagner les entreprises en matière de prévention des risques professionnels et de donner l’impulsion aux démarches de QVCT auprès des différentes parties prenantes : entreprises, syndicats, partenaires institutionnels locaux tels que Carsat, directions déconcentrées de l’État, antennes régionales de l’Anact… Tous ces acteurs déclinent des actions en matière de prévention des risques. Nous nous appuyons sur cette dynamique pour nous inscrire dans une logique participative et transversale. Dans cet esprit, nous avons organisé un colloque national paritaire sur ces thèmes en début d’année. Il visait plusieurs objectifs : provoquer des réflexions et présenter les premiers travaux qui peuvent être déclinés, dans chaque territoire, à la main de chacun. Nous avons imaginé ce colloque comme le point de départ d’une impulsion plus globale.

Portrait d'Hubert Mongon.

Y a-t-il des actions concrètes qui ont déjà été mises en oeuvre ?

H. M. Parmi les actions déjà engagées, on peut citer l’exemple d’une démarche menée en Pays de la Loire : un diagnostic de QVCT a été construit avec les acteurs institutionnels et l’appui d’un cabinet de conseil, et diffusé auprès d’entreprises. Seize d’entre elles y ont participé, en menant un diagnostic complet et en s’inscrivant dans des plans d’action d’amélioration des conditions de travail, en interrogeant et en modifiant, le cas échéant, certaines organisations du travail. Une initiative similaire est en cours dans le Nord.

Outre la présence de préventeurs dans les UIMM territoriales, comment structurez-vous les actions en faveur de la prévention des risques auprès de vos adhérents ?

H. M. Il existe une instance paritaire pour la QVCT (IPQVCT), qui a notamment pour objet de mettre à disposition des outils qui pourront être déployés sur le terrain, comme un guide d’orientation à destination des entreprises de la branche. Cette instance paritaire, qui se réunit au moins deux fois par an, rassemble l’UIMM avec des représentants nationaux et locaux (préventeurs, secrétaires généraux…) et les quatre organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT-FO, CFE-CGC, CGT) de notre branche. Elle donne le cadre national, sans que celui-ci soit trop contraignant et sans apporter des solutions toutes faites qui ne conviendraient pas aux réalités diverses des entreprises. Nous envisageons un déploiement d’actions selon des plans pluriannuels aussi pragmatiques, souples et adaptables que possible. Un premier bilan des actions de l’IPQVCT sera dressé fin 2025, début 2026. Du côté des formations et du suivi ou du développement des compétences, nous avons élaboré au sein de la branche des certificats professionnels paritaires. Dans le cadre de l’accord, l’UIMM s’est engagée à en déployer un spécifique à la santé et la sécurité au travail, ainsi qu’à la QVCT. Nous jouons un rôle d’émetteur, pour promouvoir la démarche. En face, il faut des acteurs (salariés, employeurs, syndicats, organisations professionnelles) sensibilisés à ces sujets, capables de les comprendre pour leur donner du sens. Notre démarche s’inscrit complètement dans une logique de conduite du changement. De cette façon, on se concentre sur la mise en oeuvre et non sur les grands principes, déjà connus de tous.

REPÈRES

  • 1989-2001. Relations sociales et RH, Bouygues Construction (1989-1997) ; DRH, Valéo (division démarreurs, 1997-1999 ; division distribution, 1999-2001)
  • 2001-2016. DRH McDonald’s France (2001-2011) puis senior vice-président RH McDonald’s France et Europe du Sud (2011-2016) ; vice-président de l’ANDRH (2014-2016)
  • Depuis 2016. Délégué général de l’UIMM ; président du Conseil d’administration (CA) de Ceemet – European Tech & Industry Employers (représentant plus de 200 000 entreprises et 35 millions de salariés en Europe depuis 2021) ; membre du CA et du bureau de l’Unédic (depuis 2019) ; membre du bureau et du conseil exécutif du Medef ; vice-président du CA de France Travail (depuis 2018)
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