Les quatre bras de l'Ergotable permettent de soulever la porte en cours d'assemblage, de la retourner, de la faire tourner puis de la glisser vers le convoyeur qui l'amène au contrôle qualité.
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© Guillaume J. Plisson pour l’INRS/2025
Rarement une personne n’aura aussi bien porté son titre. Sami Bertikizi est technicien amélioration continue chez Sogal. Nous l’avions rencontré il y a quelques années à l’occasion d’un travail sur un poste d’assemblage de châssis à galandage, et il nous avait dit poursuivre sa réflexion sur d’autres sujets… Aujourd’hui, le résultat est là.
Le site Sogal de Portes-lès-Valence, dans la Drôme, fabrique des portes de placards, aménagements d’intérieurs, verrières… Il appartient au groupe CMAI qui emploie 1 500 personnes, dont une centaine à Portes-lès-Valence. « On reçoit deux semi-remorques de panneaux par jour et réalisons 1 300 vantaux quotidiennement, sur mesure, explique le responsable du site, Jean-Luc Ruiz. Avec une promesse : livrer le client une semaine après la réception de la commande. » L’imposant site de 12 000 m2 est organisé en îlots : assemblage, montage, contrôle qualité, emballage et expédition, la logistique étant intégrée, pour tenir les délais.
Ciblé TMS Pros par la Carsat Rhône-Alpes en 2014, le site a bien progressé sur ce sujet. Ainsi, le poste d’assemblage des châssis à galandage, qui avait fait l’objet d’un travail conséquent pour réduire les gestes contraignants (NDLR : voir à ce sujet la vidéo en ligne sur www.travail-et-securite.fr), est désormais considéré comme un poste vert. « Un poste vert est un poste sur lequel on peut envisager de faire travailler des personnes en restriction médicale, notamment pour des problèmes d’épaule », précise Jean-Luc Ruiz.
Depuis septembre 2024, le technicien amélioration continue suit une formation en alternance en mastère « management de l’amélioration continue » à l’Ecam LaSalle de Lyon, au rythme de trois semaines en entreprise et une semaine à l’école. « Ma licence était un peu juste pour prendre des postes stratégiques, explique-t-il. Il me manquait une formation sur le management et l’acceptation du changement. » « Après avoir terminé toutes les étapes de la démarche TMS pros, le site a poursuivi, conscient de l’importance du sujet, relève Philippe Morand, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Car les maladies professionnelles restent encore assez présentes. »
Acceptation du changement
L’objectif du projet : monter les portes de placard (15 à 45 kg) sans les porter et en limitant les déplacements – donc les manutentions manuelles –, afin de réduire la sinistralité liée aux TMS, ainsi que les occurrences de non-qualité. « Je me suis appuyé sur le terrain et mon expérience pour identifier ce qui était perfectible, évoque Sami Bertikizi, notamment les irritants, l’accompagnement des managers ou encore la maintenance. »
Puis le projet à proprement parler a débuté en 2024, en s’appuyant sur la méthode d’amélioration continue progressive Kaizen associée au lean (plus d’informations sur www.travail-et-securite) avec la constitution d’un groupe projet composé de monteurs ayant des profils très différents. « Cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu de projet dans le secteur alu, les participants étaient un peu sceptiques. Il a fallu les convaincre et les associer le plus possible », remarque le responsable du site. Première étape : rédiger le cahier des charges, en interne, en s’appuyant sur l’équipe avec des plans en 2D et 3D, du poste et de son environnement. Une étape primordiale, selon le contrôleur de sécurité.
10 fois moins
de manutentions sont réalisées par le monteur grâce à la table.
Pour analyser le poste et trouver des solutions, Sami Bertikizi a réalisé des vidéos de montages de portes et des schémas de déplacements qu’il a soumis aux monteurs pour donner du sens à la démarche et les inciter à faire des propositions : « La vraie difficulté est de ne pas influencer et de sans cesse susciter des questionnements. » « C’est intéressant car il a inclus l’environnement de travail et les approvisionnements », note le contrôleur de sécurité. Une fois ces éléments recueillis, le cahier des charges a été envoyé à trois entreprises. Sami Bertikizi a livré des pièces « type » à celle qui a été retenue en juillet 2024 et a régulièrement présenté l’avancement du projet aux opérateurs et aux membres du CSE (dont il fait lui-même partie).
En décembre dernier, la machine appelée Ergotable est livrée chez Sogal pour être testée par les monteurs. Un journal est mis à disposition pour que chacun puisse y noter ses remarques qui seront soumises à la maintenance… au total, une vingtaine de points seront résolus en interne. « Une fois que tous les monteurs auront assemblé tous – ou quasiment – les types de portes à l’aide de cette table, et que tous les irritants auront été traités, je ferai passer l’Apave pour la conformité de la machine », précise le technicien amélioration continue.
En bas, à gauche, le nouveau poste de travail avec l'Ergotable. Les autres postes accueilleront la nouvelle table quand celle-ci aura été totalement validée par les monteurs.
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© Guillaume J. Plisson pour l’INRS/2025
Concrètement, l’Ergotable a été emboîtée sur l’une des neuf tables élévatrices du montage alu. Ainsi, chacun peut la régler. Aujourd’hui, c’est Geoffrey Bessy le monteur qui l’utilise. Il pousse un chariot pour aller récupérer toutes les pièces nécessaires. « C’est l’ordinateur qui me les indique, explique-t-il en désignant l’écran qui surplombe le poste de travail. Grâce à ce chariot, je ne porte plus. Il est très pratique car il dispose de plusieurs rayonnages sur plusieurs hauteurs. » Philippe Morand s’étonne qu’il doive encore mémoriser les éléments avant de partir dans les allées. « Il est prévu de les équiper de tablettes », répond Sami Bertikizi.
Une fois revenu devant l’Ergotable, Geoffrey Bessy s’attelle rapidement au montage. Plus besoin de tourner plusieurs fois autour de la table pour chercher de la quincaillerie, ou avoir des gestes contraignants. Télécommande autour du cou, le monteur peut élever la table, la faire tourner sur elle-même, tandis que lui reste à proximité de la quincaillerie dont il a besoin. Cela permet de diviser le temps de manutention quotidien par 10. Une fois le montage terminé, l’opérateur déclenche les bras qui retournent la porte en douceur. Il n’a plus qu’à coller l’étiquette d’identification sur la face visible – une demande du service commercial.
« Cette table nous évite de soulever la porte qui peut peser 45 kg.Mais ce que j’apprécie surtout, insiste Geoffrey Bessy, c’est que tout ce qui est autour a été également pensé : le chariot, l’envoi de la porte au poste de contrôle qualité, la quincaillerie à portée de main, le grand écran, le tapis antifatigue… le soir, je suis nettement moins fatigué. » Lorsque l’Ergotable sera validée par tous, cinq autres exemplaires rejoindront le secteur alu. « En parallèle, nous avançons sur d’autres projets… Il faut bien nourrir le technicien amélioration continue », conclut, dans un sourire, le responsable du site. n
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : Établissements Sogal (groupe CMAI)
Lieu : Portes-lès-Valence (Drôme)
Activité : réalisation sur mesure de portes d’intérieur, portes de placards, aménagements intérieurs, verrières…
Effectif : 100 personnes environ sur le site drômois
Chiffre d’affaires du site : 30 millions d’euros