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Piscine

Des mesures multiples pour faire la chasse à la trichloramine

Dans les piscines, usagers et salariés peuvent être exposés à la trichloramine, un sous-produit de désinfection particulièrement irritant. La communauté d’agglomérations Valence Romans Agglo (Drôme) a fait de la lutte contre cette substance une priorité. Plongée dans la piscine Jean-Pommier, à Valence.

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Corinne Soulay - 08/09/2025
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Les maîtres-nageurs présents toute la journée près des bassins sont particulièrement exposés à la trichloramine.

Tous les midis, en semaine, la piscine Jean-Pommier de Valence, dans la Drôme, accueille des dizaines d’habitués qui viennent faire des longueurs à la pause déjeuner. Petit à petit, le bassin sportif se remplit… Parallèlement, un boîtier placé à proximité, délivre des chiffres qui varient avec l’augmentation de la fréquentation. C’est le Triklo’live, un dispositif portable, reposant sur un principe breveté par l’INRS et commercialisé par l’entreprise Syclope, mis en service depuis un an, qui mesure en continu et en temps réel la concentration en trichloramine dans l’air.

Explications : la réaction entre le chlore, utilisé pour désinfecter les eaux de baignade, et les matières organiques d’origine humaine, qu’on retrouve dans les bassins (sueur, peaux mortes, urine…), forme des sous-produits appelés chloramines. Parmi elles, figure la trichloramine qui se retrouve facilement à l’état gazeux et qui est susceptible d’avoir des conséquences sur la santé : très volatile, elle peut provoquer des irritations des yeux et des voies respiratoires voire de l’asthme.

Le problème est pris au sérieux par la communauté d’agglomérations Valence Romans Agglo, qui gère l’établissement. « En 2016, nous avons lancé un “plan piscine”, qui visait à construire et rénover plusieurs piscines sur la communauté d’agglomérations, de sorte que nous en avons aujourd’hui six en gestion et une en concession. Dans le même temps, nous avons décidé de nous focaliser sur la qualité de l’eau et de nous attaquer aux principaux polluants, les chloramines et la trichloramine », explique Yves Boulinguez, directeur des sports de Valence Romans Agglo. Leur présence est notamment très liée au nombre de nageurs et à leurs pratiques.

Limiter l’apport de matières polluantes

« Les créneaux sur lesquels les clubs s’entraînent, par exemple, sont particulièrement propices à la formation de la trichloramine, car plusieurs facteurs se combinent : les sportifs sont nombreux dans les bassins, ils fournissent un effort qui les fait transpirer donc ils libèrent de l’urée, un déchet azoté. Et leurs battements de bras et de pieds énergiques ont tendance à amplifier le phénomène de dégazage », poursuit Yves Boulinguez.

Première solution envisagée : agir à la source en limitant au maximum la formation de chloramines. Pour ce faire, l’une des stratégies consiste à limiter l’apport de matières polluantes par les baigneurs en misant sur l’hygiène. Dans les deux nouvelles piscines de la communauté d’agglomérations, des pédiluves ont été aménagés à la fois à l’entrée des vestiaires et des bassins. Ici, des kakémonos sont installés à des endroits stratégiques pour rappeler les bonnes pratiques : apporter son maillot dans un sac et l’enfiler sur place, se doucher au savon avant d’entrer dans l’eau, porter un bonnet de bain… « Pour les scolaires qui sont nombreux à fréquenter la piscine, des vidéos de sensibilisation leur sont diffusées avant leur visite et nous travaillons sur une maquette pour leur montrer comment est traitée l’eau des bassins », ajoute Anthony Dos Santos, le responsable technique des piscines.

Les taux de trichloramine, issue de la réaction entre le chlore, utilisé pour désinfecter les eaux de baignade, et les matières organiques d’origine humaine, sont plus élevés lorsque les sportifs sont nombreux dans les bassins.

Autre action privilégiée : le traitement des chloramines, en plusieurs phases. D’abord, la piscine dispose d’un bac tampon, situé dans un local technique en sous-sol, qui récupère le trop-plein d’eau, en fonction de la fréquentation. À cette étape, un système de strippage (cascade) permet d’extraire une partie significative de la trichloramine de l’eau, qui est alors aspirée et rejetée à l’extérieur. Avant d’être réintroduite dans le bassin, l’eau est, par ailleurs, filtrée de ses impuretés. « Ici, elle passe par de grandes cuves pourvues de filtres de sable, mais ceux-ci saturent rapidement et laissent passer les éléments dont les dimensions sont inférieures à 20 à 30 microns. Dans les nouvelles piscines de la communauté d’agglomérations, nous avons amélioré cette étape en optant pour des médias filtrants plus fins comme les billes de verre, la diatomée ou la céramique », précise Yves Boulinguez. Pour terminer, l’eau subit un dernier traitement UV, dans un déchloraminateur.

Des résultats inattendus liés au nettoyage

Pour compléter ces différentes actions, la communauté d’agglomérations a récemment acquis l’appareil de mesure en continu et en temps réel Triklo’Live. Dans un premier temps, le dispositif a permis d’améliorer les connaissances de l’équipe sur l’exposition à la trichloramine. « Auparavant, nous disposions d’une machine, au protocole assez lourd à mettre en œuvre. Elle ne donnait pas de mesure instantanée, mais seulement une moyenne sur la journée. La seule solution pour avoir des relevés ponctuels et éventuellement visualiser des pics, était de le faire manuellement, ce qui était contraignant », expose Anthony Dos Santos.

136 754 baigneurs ont fréquenté la piscine Jean Pommier en 2024

Outre les pics liés à la fréquentation, l’appareil a mis en lumière un phénomène inattendu : une hausse de la concentration en trichloramine au moment du nettoyage des « plages » (rebords de la piscine) par les agents d’entretien. « Les produits chlorés utilisés réagissent avec les matières organiques présentes sur le sol, explique Yves Boulinguez. Nous réfléchissons à substituer ces substances par des enzymes. Nous commençons un test en septembre pour le nettoyage des sanitaires et des vestiaires. Si celui-ci est concluant, nous le testerons pour l’entretien des “plages”. »

Au quotidien, disposer de ces variations en temps réel permet aussi aux maîtres-nageurs d’adapter au mieux les actions correctives. En cas de pics de trichloramine, ils peuvent actionner les ouvrants de la toiture pour renouveler l’air. Et si la hausse perdure, ils commandent le renouvellement d’une partie de l’eau. « L’idéal serait évidemment de supprimer le problème à la source, concède Yves Boulinguez. Il faudrait trouver une alternative au chlore pour la désinfection des bassins, mais c’est compliqué car il y a des normes de qualité de l’eau à respecter. Nous avons le projet d’échanger avec l’ARS pour travailler en ce sens. » Le sujet n’est pas près de se clore… 

IDENTITÉ

Nom : piscine Jean-Pommier, construite en 2012 et gérée par Valence Romans Agglo
Nombre de salariés : 16 (personnel administratif, pisciniers, maîtres-nageurs, agents d’entretien)
Activité : accueil des scolaires, du public et des clubs, 7 jours sur 7
Équipements : un bassin sportif de huit lignes d’eau (25 m x 20 m), un bassin de natation de six lignes d’eau (25 m x 15 m) et un bassin ludique (15 m x 10 m)

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