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Menuiserie

Un changement de culture en profondeur

Installée dans le Finistère depuis 1956, l’entreprise Le Nouy, spécialisée dans les menuiseries et fermetures en PVC et aluminium, a vu sa sinistralité baisser drastiquement en trois ans. Le résultat d’une refonte totale de l’organisation de la prévention des risques professionnels.

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Corinne Soulay - 28/10/2025
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Dans les ateliers de production, plusieurs postes sont dotés de tables automatisées pour retourner les fenêtres sans manutention manuelle.

L’entreprise Le Nouy, à Briec, dans le Finistère, va bientôt fêter ses 70 ans. Un anniversaire qui se fait sous de bons auspices. « Nous sommes passés de 19 accidents du travail en 2023, à 6 en 2024 et 1 seul, pour l’instant, en 2025 », se réjouit Alan Rannou, directeur amélioration continue. Cette progression est le fruit d’un plan entamé en 2022, pour trois ans, sous l’impulsion du directeur général, Gwenaël Le Viol. L’objectif était de réorganiser en profondeur la prévention des risques professionnels, dans cette entreprise de 180 salariés.

Le Nouy est spécialisée dans la fabrication de menuiseries en PVC ou aluminium. Ce qui implique des activités de découpe, d’usinage et d’assemblage, réparties sur quatre ateliers de production. « Ce sont les métiers les plus exposés aux risques, avec ceux de la logistique. Les principaux risques sont les chutes de plain-pied, ceux liés à la manutention manuelle ou aux machines et, dans une moindre mesure, aux agents chimiques et biologiques », précise Alan Rannou.

Pour mieux les prévenir, le projet de réorganisation s’est appuyé sur cinq principes : l’évolution des pratiques managériales ; la formation ; la prise en compte des retours d’expérience ; la communication ; et l’amélioration continue. Dans un premier temps, tous les managers – chefs d’équipe, responsables de production, de la maintenance… –, ainsi que les élus CSE, ont été formés à la santé et sécurité au travail. « Nous avons été associés à toutes les étapes du projet, souligne Pascal Noizet, élu et délégué syndical CFDT. Ce dialogue social était l’une des conditions de réussite. »

Parallèlement, un dispositif de communications ritualisées, intégrant la santé et la sécurité, a été formalisé. Trois types de rendez-vous ont ainsi lieu quotidiennement : les Top 5, quelques minutes d’échange entre les opérateurs et les chefs d’équipe, par îlot de production ; le Top 15, qui dure un quart d’heure, entre les chefs d’équipe, le responsable de production et les fonctions support (études, maintenance, qualité…) ; et le Top 30 qui réunit directeur industriel et responsables de production. « Cela permet d’autonomiser les différentes strates de production et de trouver ainsi des solutions plus rapidement », affirme Alan Rannou.

Place au Top 15

Illustration ce matin, dans l’atelier de fabrication de menuiseries PVC. Il est 9 heures, et c’est le moment du Top 15. Regroupés devant un tableau magnétique, les managers passent en revue différents sujets liés à la sécurité, mais aussi à la qualité, à la production et au personnel. Un tableau matérialise, par des post-it colorés, les actions à mener, en cours, terminées… Parmi les sujets abordés : il y a quelques jours, un opérateur s’est plaint de douleurs liées à une posture contraignante. Lorsqu’il intervient sur une machine spécifique, il doit, pour des raisons de sécurité, actionner au pied une pédale. Or, celle-ci est trop grande et située trop loin. Le problème est remonté lors d’un Top 5, puis discuté lors d’un Top 15 : il a été décidé de la remplacer par un modèle plus petit, placé plus près. Premier retour lors du Top 5 de 8h15 : l’opérateur est satisfait.

300 produits issus des ateliers de production sont livrés chaque jour, destinés à des chantiers de logements neufs, du petit collectif ou de la rénovation.

Le projet de réorganisation a aussi été l’occasion de refaire l’évaluation des risques à chaque poste de travail et de réactualiser le Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP). Un travail mené par Martine Le Normand, la responsable HSE (hygiène, santé, environnement), qui a pu bénéficier de l’accompagnement du service de prévention et de santé au travail et de la Carsat Bretagne, en cas de besoin (recherche de solution, documentation…). « Nous avons choisi d’opter pour un DUERP collaboratif. Un document partagé, en ligne, où les risques, les évaluations et les plans d’actions sont visibles par tous, et que les managers peuvent aussi modifier. Là encore, cela permet d’impliquer le plus grand nombre. Le document suscite beaucoup de connexions », se réjouit Martine Le Normand.

Dans l’atelier, aménagé sur le principe de la marche en avant, pour éviter les croisements de flux, les efforts menés pour réduire les manutentions manuelles et le port de charge sont visibles. De nombreuses opérations ont été automatisées grâce à une centrale de découpe et d’usinage, mais aussi d’un convoyeur, ou d’un bras robotisé pour la pose de petits éléments métalliques sur les menuiseries. Pour transporter les fenêtres, parfois imposantes, les opérateurs bénéficient de plusieurs types de chariots, dont des transbordeurs guidés par un rail qui viennent se positionner en sortie du centre d’usinage pour transférer les produits aux postes suivants.

Pour les opérations manuelles, plusieurs postes sont dotés de pupitres pour travailler debout, à hauteur, de tables automatisées pour retourner la fenêtre sans avoir à la manipuler manuellement, ou encore d’un palonnier à ventouse. Des conditions de travail qui favorisent la mixité. « Il y a quelques années, la proportion de femmes plafonnait à un taux très bas. Désormais, elles sont 35 % », note Pascal Noizet.

Des opérateurs impliqués

Autre changement découlant du projet : la réorganisation du secteur logistique. « Auparavant, l’intérieur, comme l’extérieur, était très encombrés, une situation héritée de la Covid, une période pendant laquelle nous avions accumulé des stocks, explique Martine Le Normand. Résultat, la circulation des camions était entravée par la présence de palettes et, à l’intérieur, il n’y avait pas de zones définies pour préparer les chargements. Les opérateurs s’installaient où ils pouvaient. » Désormais, à chaque quai correspond une travée, aux dimensions du camion, afin que l’opérateur puisse disposer les colis dans l’ordre de chargement.

Un sens de circulation a été instauré pour limiter les risques liés à la coactivité et les piétons sont exclus de la zone. Une rampe d’accès vers l’extérieur, réservée aux caristes, a été aménagée. « Cela a permis de supprimer 60 passages quotidiens de chariots élévateurs sur les quais », souligne Alan Rannou. Dehors, une plate-forme de stockage de 4 000 m2, organisée par secteur de livraison, a été installée, en retrait de la zone de circulation des camions. « Tout cela est le fruit de groupes de travail, incluant les opérateurs, rappelle Gaby Peron, responsable de la logistique. Aujourd’hui, l’activité est plus sereine, plus fluide. »

Dans le même temps, l’entreprise a adhéré au projet Act’Supply, porté par l’association Bretagne Supply Chain (BSC) et la Carsat Bretagne, dont le but est d’encourager le dialogue entre les maillons de la chaîne logistique pour améliorer les conditions de travail. « Nous avons créé un département Supply Chain qui regroupe les achats, les approvisionnements, l’ordonnancement, la logistique afin de coordonner tous ces acteurs », explique Alan Rannou.

Aujourd’hui, le projet est terminé mais les dispositifs mis en place perdurent. « La culture de prévention se retrouve à tous les niveaux de l’entreprise, souligne Alan Rannou. Bien sûr, il reste toujours des actions à réaliser. Par exemple, nous allons lancer des visites de terrain : des managers issus d’autres ateliers, du commerce ou de l’administratif, pouvant être accompagnés d’un élu CSE, viendront visiter six fois par mois les ateliers. Cela permettra d’apporter un regard neuf sur la prévention. L’objectif est l’amélioration continue. » 

IDENTITÉ

Nom : Le Nouy

Lieu : Briec (Finistère)

Activité : fabrication de menuiseries et de fermetures (fenêtres, portes, volets roulants et portes de garage…) en PVC et aluminium.

Nombre de salariés : 180

Chiffre d’affaires : 27 millions d’euros en 2024

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