
« Des câbles ? Il y en a plein sous la mer », explique Thomas Raynal, chef de secteur chez Bonna TP. Certains sont reliés à des data center, d’autres sont chargés d’amener l’électricité ou la fibre sur les îles… Et il faut les maintenir en état, les protéger. C’est là qu’intervient Bonna TP (pour Travaux pression) en ce mois de juillet. Cette entreprise est spécialisée dans la fabrication de tuyaux et la pose de canalisations. Elle a également développé une activité subaquatique pour réaliser des diagnostics, mais aussi construire, poser, protéger des ouvrages sous l’eau. Point d’orgue de ce chantier en mer : de nouveaux masques apportant plus de confort et de sécurité.
Le chantier en cours, réalisé pour le compte d’Enedis, consiste à poser des coquilles autour de câbles alimentant en électricité l’île du Frioul, au large de Marseille. « Ces câbles ne sont pas protégés. Notre mission est de les entourer de coquilles en fonte », poursuit Thomas Raynal. Un chantier de près de quatre mois en tout pour traiter les 700 m de câbles sous-marins. Quatre personnes travaillent sur ce chantier, dirigé par Paul Garbani, chef d’équipe et lui-même scaphandrier.
Le travail est physique
La barge leur servant de point de départ des plongées est mise à l’abri, tous les soirs. L’équipe part chaque matin depuis Marseille pour aller la chercher et la positionner là où les travaux se sont arrêtés la veille. « C’est simple, remarque le chef de secteur, on met une bouée là où nous nous sommes arrêtés pour nous positionner au mieux. On peut aussi s’aider du GPS. » Concrètement, les opérations se déroulent toujours selon le même protocole : deux scaphandriers plongent, tandis que les deux autres restent sur la barge, l’un en liaison radio avec les plongeurs et l’autre prêt à leur porter secours.
« Chaque coquille mesure 50 cm et pèse 10 kg, décrit Paul Garbani : On doit soulever le câble, glisser une première coquille dessous, reposer le câble dedans avant de l’enfermer avec une autre coquille, puis les boulonner ensemble. ». « C’est un travail physique, remarque Jean-Claude Stefani, ingénieur-conseil à la Carsat Sud-Est. Même si Archimède joue son rôle, la manutention des coquilles reste importante, avec parfois peu de visibilité. » Le chantier a été minutieusement préparé : des équipes du Castor, un navire à positionnement dynamique, ont installé, tous les dix mètres le long des câbles, des big bags remplis de coquilles récupérées sur un câble désaffecté.
« Les travaux subaquatiques sont réglementairement très encadrés : ils doivent être réalisés en utilisant un narguilé, c’est-à-dire un flexible alimenté en air depuis la surface (compresseur ou bouteilles tampon). Une technique parfaitement adaptée aux chantiers sédentaires, souligne Jean-Claude Stefani. Mais dès qu’on travaille sur un chantier mobile, l’utilisation d’un narguilé peut devenir compliquée et générer d’autres contraintes, limitant en partie les distances de déplacement des plongeurs. » Sur ce chantier, les plongeurs doivent se déplacer le long des câbles à protéger. L’entreprise a donc demandé une dérogation à l’inspection du travail afin de pouvoir plonger en scaphandre autonome, donc avec une bouteille. Autre contrainte importante : les deux scaphandriers doivent intervenir selon le même procédé de plongée.
C’est à l’occasion de cette demande de dérogation que l’utilisation d’un nouveau masque facial a été proposée, permettant une liaison audio avec la surface et entre les plongeurs. « On connaissait ce masque, remarque le responsable de secteur. Mais jusqu’à présent, nous n’avions pas trop eu l’occasion de l’utiliser car en zone portuaire, il y a trop de métal et ça empêche les communications de se faire correctement. De plus, ils sont assez fragiles. » Les deux plongeurs, Charles-Gervais Clément et Yoann Reininger, s’équipent : combinaison, chaussons, bouteille, masque et batterie, ceinture de plomb, puis palmes… mais aussi un masque et un détendeur de secours.
Un masque qui permet de communiquer
« Ce nouveau masque permet une liaison radio et il recouvre la bouche, ce qui peut être plus hygiénique, surtout quand on plonge dans des eaux polluées », apprécie Yoann Reininger. Les deux scaphandriers assurant la sécurité les aident à s’équiper et vérifient que tout fonctionne. Eux ont déjà plongé trois heures le matin, le maximum autorisé par la législation pour ces plongeurs. Les plongeurs se mettent à l’eau, avec une vingtaine de kilos sur le dos. L’un d’entre eux réclame le filet dans lequel il y a les boulons et les clés pour fixer les coquilles. Ils descendent à 16 m de profondeur.
Les échanges sont parfaitement audibles : « C’est comme un talkie-walkie, c’est très simple d’utilisation. Et ce qui est intéressant, c’est que les plongeurs peuvent aussi communiquer entre eux », remarque Paul Garbani. Après une quarantaine de minutes de plongée, il alerte les plongeurs : « Regardez vos manomètres ! » « Pour ce type de chantier, nos bouteilles sont remplies de Nitrox, un mélange enrichi en oxygène, précise-t-il. Avec l’utilisation de ce masque facial nous avons environ 20 % de d’autonomie en moins qu’avec l’utilisation d’un masque classique. »

Quelques minutes s’écoulent avant que l’un des plongeurs annonce : « On remonte ! » Ils reviennent à la surface à proximité immédiate de la barge, pour ne pas risquer de se faire heurter par un bateau – et ils sont nombreux dans la zone. Une fois sur la barge, ils ne cachent pas leur satisfaction : « Le masque est vraiment très confortable, il nous permet de communiquer avec la barge et entre nous. Son seul inconvénient, c’est sa consommation d’air. » Ils soufflent un peu, s’hydratent et changent de bouteilles – avec les mêmes rituels – et se remettent à l’eau.
Le chantier avance au rythme d’environ 100 coquilles posées chaque jour, soit 50 m de câble protégé. Sur la barge, Thomas Raynal a les yeux rivés sur son portable, car le vent commence à se lever. « Hier et avant-hier, nous n’avons pas pu plonger, il y avait trop de houle. Au-dessus de 15 nœuds, on n’y voit rien et on ne peut plus déplacer la barge. » Pour l’instant, ça passe : les plongeurs pourront effectuer trois heures de vacation sous l’eau, et le chantier progressera comme prévu.
FICHE D'IDENTITÉ
Chantier : pose de 700 m de coquilles autour de câbles d’alimentation électrique de l’île du Frioul
Durée : 4 mois
Plongée : à 16 m de profondeur, à raison de 3 heures par plongeur et par jour
Nom : Bonna TP, entreprise de 130 personnes, 24 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 4 pour l’activité subaquatique