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Les engins de chantier

Anticiper et s'adapter à des travaux urbains

Dans le Var, le chantier de l’A57, confié par Vinci Autoroutes à plusieurs filiales du groupe NGE, consiste à réaliser, sur près de 7 km, des travaux impliquant des dizaines d’engins. Le tout dans un espace limité à la fois par des logements et le trafic autoroutier dense à l’est de Toulon. Circulation, choix des engins… tout a été anticipé avant le début du chantier, mais des ajustements continuent de se faire au quotidien.

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Corinne Soulay - 30/01/2023
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Un engin en fonction au bord de l'autoroute 57

À Toulon, dans le Var, le chantier de l’élargissement de l’A57 – à deux fois trois voies – ne passe pas inaperçu. Sur près de 7 km se succèdent plusieurs ateliers – véritables chantiers dans le chantier –, où d’imposants travaux sont menés de front : certaines infrastructures (ponts, échangeurs…) sont détruites, d’autres sont érigées provisoirement en attendant les ouvrages définitifs. Plus prosaïquement, des pelles nivellent le sol, tandis que des bulldozers centralisent les déblais dans une zone dédiée. Ailleurs, des grues mobiles lèvent les éléments nécessaires à l’aménagement de bassins de protection de la ressource en eau, des finisseurs terminent l’application d’enrobé… Chacune de ces opérations, à la direction desquelles se trouve Vinci Autoroutes, se déroule dans un espace contraint, d’un côté par la ville de Toulon – ses rues, ses habitations, une voie ferrée –, et de l’autre par un tronçon d’autoroute qui enregistre une moyenne de 110000 véhicules par jour. Autant de contraintes qui exigent une organisation au cordeau.

Une politique de sécurité exigeante 

Comme pour tous nos chantiers, nous imposons notre politique de sécurité “Maîtrise d’ouvrage zéro accident”, explique Michel Castet, directeur d’opérations A57 chez Vinci Autoroutes. Tout salarié ou intervenant sur le chantier doit passer la formation Apte’VA (autorisation pour travailler ensemble chez Vinci Autoroutes), pour savoir se repérer sur l’autoroute, identifier les risques liés aux travaux sous circulation, et connaître les règles pour accéder aux chantiers, y travailler et en sortir en toute sécurité. Chacun des 35 ateliers du chantier doit comporter un sauveteur secouriste du travail et des contrôles quotidiens sur les aspects de sécurité sont effectués à la fois en interne et par des prestataires extérieurs. »

Côté travaux, le groupement constitué de filiales du groupe NGE, à qui Vinci a confié la mise en œuvre des opérations, compte une cellule sécurité de quatre personnes, qui se relaient pour être présentes jour et nuit. Et la collaboration avec la Carsat Sud-Est a commencé très tôt. « Nous sommes intervenus dès l’installation de la base vie, précise David Bottreau, contrôleur sécurité à la Carsat. Et nous réalisons régulièrement des contrôles inopinés. » 

Point crucial, la gestion de la coactivité a été envisagée dès la préparation du chantier, en mars 2021, avec une délimitation précise des zones de travail des différents ateliers et un conducteur de travaux dédié à chacun, qui a défini les moyens à mettre en œuvre pour la réalisation. Une attention particulière a été portée aux engins. « Le contexte mi-autoroutier, mi-urbain, a été pris en compte dans leur sélection, note Olivier Chaumerlhac, assistant sécurité environnement Vinci Autoroutes. Compte tenu de l’exiguïté des lieux, les pelles ne font pas plus de 25 tonnes et les grues autour de 35 tonnes, ce qui est peu, sachant que certains modèles atteignent 750 tonnes. » Chaque engin de levage a fait l’objet d’un examen d’adéquation, formalisé par écrit, qui tient compte de ses caractéristiques techniques, de la tâche à réaliser, de la nature du terrain, de la place impartie, du poids des charges à transférer… Les conducteurs sont titulaires d’une autorisation de conduite et ont validé un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (Caces), lorsque celui-ci existe.

PAROLE D'EXPERT

Thierry Hanotel, expert d’assistance-conseil à l’INRS

« Pour manœuvrer la plupart des engins de chantier, le Code du travail impose d’avoir suivi une formation adéquate et d’être titulaire d’une autorisation de conduite, délivrée par l’employeur sous trois conditions : un examen d’aptitude médicale, une validation des connaissances et du savoir-faire sur l’engin, et, enfin, la connaissance des risques liés à la zone dans laquelle l’engin va évoluer. Pour remplir la deuxième condition, l’opérateur peut se prévaloir d’un certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (Caces), un dispositif animé par le réseau Assurance maladie-risques professionnels. Il ne s’agit ni d’une formation ni d’une autorisation de conduite, mais d’un certificat obtenu à l’issue d’un test composé d’épreuves théoriques et pratiques. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais, en cas d’accident, l’employeur doit pouvoir justifier que le test sur lequel il s’est appuyé était équivalent. »

Des engins adaptés au site

Au quotidien, ces arbitrages n’échappent pas à un œil averti. « Regardez cette pelle mécanique, lance David Bottreau, en arpentant l’un des ateliers, situé en bord de route. Sur d’autres chantiers, l’arrière de la cabine aurait été allongé, et aurait donc dépassé de la chenille en cas de rotation de l’engin. Là, l’arrière est compact, il reste dans l’emprise de la chenille et ne risque donc pas de mordre sur la circulation. » Cent mètres plus loin, une pelleteuse munie d’une pince de démolition, en forme de mâchoire oblongue, grignote la glissière en béton armée qui délimite l’actuelle autoroute. « Ce serait allé plus vite avec un brise-roche hydraulique (BRH), admet Christophe Junca, responsable sécurité du groupement NGE. Mais les automobilistes passant très près, le BRH aurait provoqué des éclats de béton dangereux. »

Alors que l’engin entame une marche arrière, une alerte sonore, moins stridente que les bips de recul habituels sur les chantiers, retentit. « Là encore, nous avons dû nous adapter à l’environnement urbain, ajoute-t-il. Les avertisseurs de tous nos engins ont été remplacés par des modèles type “cri du lynx ”, afin de réduire les nuisances sonores. » Chaque atelier est délimité par des barrières grillagées qui le rendent hermétique. Mais les frontières du chantier sont modifiées au gré de l’avancée des travaux, ce qui demande une adaptation constante. « Un planning général et un plan de circulation ont été déterminés avant le début des opérations, rappelle Olivier Chaumerlhac. Ils sont ensuite affinés à six mois, puis à cinq semaines, en fonction du phasage. Et tous les vendredis, le nouveau plan d’accès est diffusé car certaines bretelles provisoires disparaissent et d’autres sont aménagées. »

Un engin en progression sur un talus.

En outre, les observations quotidiennes des différents acteurs de la sécurité font régulièrement évoluer les mesures de prévention. « De même, tous les salariés sont amenés à faire remonter les événements liés à la sécurité via une fiche dédiée, détaille l’assistant sécurité environnement. Tous les trois mois, ils sont analysés lors d’un CISSCT1 , qui inclut tous les partenaires. » Il y a quelques mois, un accident a justement eu lieu: une pelle qui alimentait une zone de remblai s’est retournée. Plus de peur que de mal pour le conducteur… La décision de la cellule sécurité a été immédiate : l’engin a été changé par un modèle sur chenilles, plus stable. « Le risque de renversement d’engin est un point sur lequel nous sommes très vigilants, confie David Bottreau. La Carsat Sud-Est, avec l’Assurance maladie et l’OPPBTP, a d’ailleurs publié une brochure sur le sujet, basée sur des analyses d’accidents survenus dans la région Paca et Corse. » Pour l’heure, cette organisation au millimètre a permis au chantier d’avancer sans autre incident. Mise en service prévue pour 2025.

LE CHANTIER EN CHIFFRES

  • 7 km, la longueur du chantier, dans chaque sens de circulation.
  • Entre 400 et 500 personnes œuvrent pour le chantier au quotidien tous métiers confondus, depuis le début du chantier en mars 2021.
  • 110000 véhicules par jour sur le tronçon d’autoroute qui longe le chantier. Un trafic dense dans un contexte hyperurbain, entre mer et montagne.
  • 3 communes concernées : Toulon, La Valette-du-Var, La Garde.
  • 5 reconfigurations d’échangeurs prévues, 210000 tonnes d’enrobés déployées pour le revêtement de la chaussée et 180000 m3 de déblais seront générés par le terrassement.
  • 4 ponts, 8 km d’écrans acoustiques de 2 à 4 m de hauteur et 13 bassins (dont 10 enterrés) seront construits.
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