Ce site est édité par l'INRS
Les engins de chantier

Relever les défis des travaux en altitude

Une nouvelle télécabine doit être mise en service fin 2023 pour arriver à plus de 3 100 mètres d’altitude sous le sommet de Bellecôte, sur les hauteurs de La Plagne, en Savoie. L’accès au site et le travail sur place nécessitent une gestion rigoureuse des engins de chantier.

5 minutes de lecture
Céline Ravallec - 30/01/2023
Lien copié
Un camion monte au chantier de la télécabine de la G1, à La Plagne.

Sur un parking de la station de La Plagne, en Savoie, un chauffeur routier pose des chaînes au tracteur de son semi-remorque. Son chargement comporte une dizaine de tonnes d’éléments de la « G4 », future gare d’arrivée de la nouvelle télécabine de La Plagne, qui se situera à plus de 3 100 mètres d’altitude. Arrivant du Jura, le chauffeur en est à sa 7e livraison en cette mi-octobre. Principalement des engins de chantier qu’il s’agissait d’acheminer sur le lieu des travaux. Il connaît bien l’itinéraire. « Ça prend autour de 2 h 15 pour monter, explique-t-il. Je chaîne, car les deux dernières rampes sont bien raides. Aujourd’hui, c’est un petit chargement, de l’ordre de 10 tonnes. Mais les précédents pouvaient atteindre 50 tonnes. » Ce témoignage illustre les particularités des terrains montagneux, qui viennent ajouter des contraintes aux plus traditionnels risques présents dans le secteur de la construction.

« Le projet de réaménagement du secteur glacier comporte un nouveau point d’arrivée à 3 100 mètres d’altitude, avec deux tronçons de télécabines, explique Jacques Chaudan, directeur technique à la Société d’aménagement de La Plagne, le maître d’ouvrage : l’un en lieu et place de l’existant, et le second, complémentaire, sur un nouvel itinéraire. » Au total, trois gares sont prévues : celle de départ, qui remplacera l’ancienne à 2 700 mètres ; une gare intermédiaire en contrebas à 2 500 mètres ; et celle d’arrivée en altitude. Les accès en altitude constituent une contrainte forte de cette opération.

25° d’inclinaison, c’est la plus forte déclivité que peut atteindre la piste menant au site de construction de la gare d’arrivée. Un véhicule léger classique ne peut y circuler.

Car tout le matériel – des engins de chantier et de levage aux matériaux de construction – est acheminé par voie terrestre, essentiellement par semi-remorques dont certains sont à quatre roues motrices. La piste est en terre, sans glissières de sécurité. La route est étroite et les virages serrés, souvent en épingle à cheveux. Certains d’entre eux ont été élargis pour faciliter la rotation des poids lourds, ainsi que leur croisement. Sur une portion de la zone la plus difficile d’accès, à l’approche de la gare d’arrivée, une piste a été spécialement créée. Un plan de cheminement a été organisé, avec un sens unique (l’un en montée, l’autre en descente) sur un tronçon.

Formation à la conduite en terrain accidenté

Comme le souligne le Plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGC), « l’opération est située en haute montagne, elle demande une attention particulière vis-à-vis des modes opératoires de chacune des entreprises, que ce soit en livraison, en construction, en déplacement du personnel, en manutention », poursuit le directeur technique. Aucun véhicule léger n’est autorisé, le PGC impose l’accès en 4 x 4. De cette façon, il faut une heure pour accéder à la gare d’arrivée, et de 2 heures à 2 heures 30 pour les convois exceptionnels. Une formation dédiée à la conduite en terrain accidenté a été délivrée au personnel par Domaines skiables de France. « Nous faisons aussi appel à des transporteurs locaux, qui connaissent bien la circulation sur des terrains accidentés », précise Jacques Chaudan.

19 semi-remorques ont été nécessaires pour acheminer les différents éléments constitutifs des grues au niveau de la gare d’arrivée, à 3 100 mètres d’altitude.

« La piste, en terre, se dégrade vite, commente encore le directeur technique. Une équipe de travaux publics en interne tient en permanence des pelles à disposition, à proximité pour intervenir, maintenir le sol, ou reboucher les ornières. » Une dégradation qui est très dépendante de la météo. Par mauvais temps, les interventions d’entretien peuvent être quotidiennes. Un bulldozer peut également être utilisé pour tracter certains engins en montée ou, au contraire, pour les retenir lors de la descente. Un planning de livraison permet d’échelonner les arrivées de camions et ainsi limiter la coactivité. Une signalétique et la présence d’un homme trafic ont été décidées afin d’organiser les différents flux autour de la plate-forme de construction.

Entretenir la piste

Sur le site de la future gare d’arrivée, les engins présents sont ceux que l’on retrouve de façon classique sur un projet de construction : tombereaux, pelles mécaniques, camions toupies pour l’alimentation en béton, foreuses pour réaliser les fondations de génie civil… D’autres, moins fréquents, ont été précisément choisis pour s’adapter aux caractéristiques du terrain montagneux et accidenté. Pour réaliser les pylônes entre les gares, faute de route d’accès, l’héliportage s’est imposé. Les pelles araignées qui, grâce à leurs vérins hydrauliques, adaptent leur stabilité à tous les terrains rencontrés, ont aussi été privilégiées.

UNE FENÊTRE DE TIR LIMITÉE

Cinq mois, c’est, chaque année, la période au cours de laquelle il est possible d’atteindre la gare d’arrivée. La présence de neige restreint en effet fortement les possibilités d’accès sur les hauteurs. Après le passage des dameuses en fin de saison hivernale, l’accès par voie terrestre est possible à partir de fin mai début juin pour un repli de chantier au plus tard fin octobre.

L’opération fait également appel à des engins spécifiques de levage : un camion-grue, propriété du maître d’ouvrage, d’une capacité de levage de 5 tonnes, est utilisé pour les petites opérations de levage, et des prestataires interviennent pour les opérations plus conséquentes. Une grue à tour a ainsi été montée pour le génie civil de la gare. Un plan d’aménagement par rapport aux charges à lever a été élaboré en conséquence. La Carsat Rhône-Alpes accompagne également le maître d’ouvrage, plus particulièrement sur les questions d’accès et de protections collectives pour les opérations de maintenance, une fois que l’ouvrage sera en exploitation.

Pelleteuses à godet sur le chantier des fondations du futur "chalet des moutons" à La Plagne.

« Concernant les grandes règles de la phase chantier, nous n’avions pas grand-chose à apporter. Tout était bien organisé, commente Olivier Tompa, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Nous avons plus travaillé sur les phases ultérieures d’intervention sur ouvrage. » En particulier sur les accès aux zones de maintenance impliquant l’installation de protections collectives. « Il y a une vraie volonté de progresser sur la sécurité au travail, conclut Jacques Chaudan. Depuis une dizaine d’années, on constate une évolution des mentalités, l’idée que les accidents sont dus à la fatalité – qui était très ancrée dans la culture “montagne” – a été cassée. La survenue d’accidents mortels par le passé y a aussi malheureusement contribué. Sur ce type de chantier, qui reste délicat, tout a été mis en œuvre pour éviter tout accident. Et à ce jour, les efforts paient. »

UN PROJET D'AMÉNAGEMENT SUR TROIS ANS

  • 2021 : génie civil des pylônes, terrassement et création de la plate-forme qui accueillera la future gare d’arrivée (G4), fondations de la gare d’arrivée avec micropieux forés dans le permafrost.
  • 2022 : génie civil de la gare d’arrivée, montage des pylônes des remontées mécaniques par héliportage.
  • 2023 : démolition de l’existant (la télécabine Bellecôte et les télésièges), second œuvre de la gare d’arrivée. La mise en service de la télécabine de 10 places est prévue en décembre.
Partager L'article
Lien copié
Les articles du dossier
Les engins de chantier

Sur le même sujet