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Les cliniques et hôpitaux

Amélioration continue pour une atmosphère saine

Au laboratoire d’anatomo-cytopathologie du centre hospitalier de Dax, dans les Landes, la prévention des risques chimiques, liés notamment à l’utilisation du formaldéhyde, a été pensée dès la conception des locaux. L’évaluation régulière des performances aérauliques des dispositifs de captage et de ventilation a permis d’améliorer les installations et de réduire les expositions professionnelles.

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Grégory Brasseur - 14/03/2023
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Une salariée du laboratoire découpe des échantillons plongés dans du formol (formaldéhyde).

Comme chaque matin, les pièces anatomiques sont transférées depuis le bloc opératoire : prélèvements de colons, d’utérus, ou aujourd’hui d’un sein… « Mon travail consiste à échantillonner et mettre en cassette, explique Stéphanie Gourdon, technicienne au laboratoire d’anatomo-cytopathologie du centre hospitalier de Dax. Les échantillons seront déshydratés pendant une nuit et, demain, une collègue les mettra à l’imprégnation dans la paraffine pour la découpe et la préparation pour l’immuno histochimie. » Cette technique est utilisée pour le diagnostic et le suivi de cancers.

La table de stockage, sur laquelle est d’abord déposé le prélèvement, à l’entrée de la pièce, ainsi que la table de macroscopie, où il est manipulé, sont dotées d’un système de ventilation performant. L’échantillon est en effet conservé dans le formaldéhyde, classé comme agent cancérogène de catégorie 1B par l’Union européenne et égalment susceptible de provoquer des réactions allergiques. « Pour cette activité, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de produit de substitution aussi efficace et qui garantisse la même fiabilité de diagnostic, regrette Audrey Robert, cadre de santé au laboratoire. Un prélèvement fixé dans le formaldéhyde peut être utilisé 20 ans. » Le service travaille avec l’hôpital de Mont-de-Marsan dans le cadre d’un groupement hospitalier territorial. Les opérations pré- et post-analytiques sont gérées sur les deux sites, tandis que les phases analytiques (déshydratation, enrobage, coupe, coloration et immunohistochimie) ont lieu à Dax, où travaillent trois médecins, un interne, la cadre de santé, deux secrétaires et dix techniciennes.

Une surveillance des performances de ventilation

Sur la prévention des expositions au formaldéhyde, l’hôpital a bénéficié des conseils de la Carsat Aquitaine et en particulier du laboratoire interrégional de chimie de Bordeaux, intervenu à plusieurs reprises depuis la création des nouveaux locaux en 2014. Le Dr Yves Dauzan se souvient des laboratoires d’anatomo-cytopathologie à l’ancienne : « Quand j’ai commencé dans le métier, la macroscopie avait lieu dans une pièce non ventilée et on pleurait comme en épluchant des oignons. La Carsat nous a aiguillés, tant sur le schéma de principe du laboratoire que sur la ventilation, un sujet pour lequel la direction a accordé une rallonge de 150 000 euros par rapport aux devis initiaux. »

RISQUES CHIMIQUES ET ANAPATH

Les propriétés biocides du formaldéhyde lui valent une large utilisation en tant que désinfectant et conservateur dans le milieu de la santé. Il est en particulier très utilisé en anatomie et cytologie pathologiques en tant que fixateur de tissus. D’autres agents chimiques dangereux servent au cours des différentes étapes de travail : divers solvants (éthanol, méthanol, xylène…), des colorants, des acides, des produits d’inclusion ou encore l’azote liquide.

Après la mise en service, le laboratoire interrégional de chimie a réalisé des prélèvements d’atmosphère et demandé des actions correctives pour améliorer l’efficacité de certains dispositifs. « Ce n’est pas parce qu’une installation est neuve qu’elle est efficace et conforme à ce qui a été prévu, avertit Arnaud Blay, contrôleur de sécurité au laboratoire interrégional de chimie de la Carsat. À plusieurs reprises, nous sommes venus évaluer l’exposition professionnelle des opérateurs, vérifier les performances aérauliques des dispositifs de captage et de ventilation et la prise en compte des modifications demandées. Puis le service a gagné en autonomie. Une maintenance préventive des installations et des contrôles ont été planifiés annuellement (débit global, vitesses d’air au point d’émission des polluants, état de l’ensemble des éléments…). »

LES LIMITES SONT DÉCRÉTÉES

La VLEP du formaldéhyde a été fixée par décret en 2021 à 0,3 ppm, soit 0,37 mg/m3 pour la VLEP 8 h et 0,6 ppm, soit 0,74 mg/m3 pour la VLEP 15 min. Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 30 décembre 2021. Une période transitoire est prévue allant jusqu’au 11 juillet 2024, pendant laquelle la VLEP 8 h de 0,5 ppm (soit 0,62 mg/m3) est conservée spécifiquement dans les secteurs des soins de la santé, des pompes funèbres et de la thanatopraxie.

En parallèle, des mesures d’exposition sont régulièrement réalisées par un organisme de contrôle. Récemment, en 2022, la Carsat Aquitaine a accompagné, dans le cadre du programme de prévention Risques chimiques Pros, les laboratoires d’anatomo-pathologie privés et publics sur la prévention des risques liés au formaldéhyde. Une nouvelle campagne de mesures a alors eu lieu.

« Pendant une journée, j’observe l’activité réelle », explique Arnaud Blay. Concernant la table de macroscopie, par exemple, les vitesses d’air ont été vérifiées en entrée de l’ouverture frontale avec la vitre abaissée (configuration de travail prévue par le fournisseur), puis vitre levée. Si dans la première configuration, la table est conforme aux recommandations de l’INRS (aucun point de mesure inférieur à 0,4 m/s et vitesse moyenne supérieure à 0,5 m/s), la protection n’est plus optimale quand la vitre est levée. « Il me faut pourtant travailler de cette façon pour manipuler les gros prélèvements », signale Stéphanie Gourdon. « L’idéal serait d’avoir un système de détection lorsque la technicienne soulève le capot et un débit variable du ventilateur. Il aurait fallu le prévoir dans le cahier des charges à la conception, car il est plus difficile d’agir après coup », note le contrôleur de sécurité.

Des espaces distincts

Pour la table de stockage sur laquelle sont déposées les pièces anatomiques en attente, une réduction de la surface d’aspiration, par exemple avec l’ajout de lamelles, a été préconisée afin d’optimiser l’équipement. Un peu plus loin, les résidus de formaldéhyde sont déversés sous une hotte de vidange. Le contrôleur a demandé l’ajout d’un plexiglass rabattable, pour réduire l’ouverture en façade lors de phases de travail certes courtes, mais avec un fort risque d’exposition aux polluants. Les dernières mesures réalisées par la Carsat Aquitaine au niveau des voies respiratoires des opérateurs sont toutes très inférieures à la valeur limite d’exposition professionnelle de 0,37 mg/m3 en formaldéhyde. Ce qui témoigne de l’efficacité des protections collectives en place et des pratiques professionnelles. Pour rappel, l’objectif est d’atteindre des niveaux d’exposition les plus bas techniquement possible.

Coloration des échantillons sur plaque de verre pour interprétation.

Dans une autre pièce, les techniciennes réalisent des colorations sous hotte ventilée. Les machines contenant des solvants (notamment le xylène) sont connectées au réseau d’extraction. « À notre demande, une grille d’air de compensation a été ajoutée dans le local. On a pu constater qu’elle permet un meilleur fonctionnement de la hotte », précise Arnaud Blay. Cette zone, comme la salle de macroscopie, est bien séparée de la pièce technique où les techniciennes ne manipulent pas de produits chimiques. « Partout, on a des ouvertures sur l’extérieur, des portes vitrées garantissant une bonne visibilité d’une salle à l’autre », constate Laurent Brauner, contrôleur de sécurité à la Carsat Aquitaine. Cela permet aussi d’éviter les accidents, en particulier lors des déplacements avec des bidons de formaldéhyde. n G. B.

FORMALDÉHYDE : CANCÉROGÈNE ET ALLERGISANT

Le formaldéhyde est un gaz incolore, d’odeur piquante et suffocante. Responsable d’allergies (eczéma, asthme…), il est fortement irritant pour la peau, les yeux et les voies respiratoires. Le règlement européen CLP classe le formaldéhyde comme agent cancérogène de catégorie 1B (substance dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est présumé) et mutagène de catégorie 2 (substances suspectées d’induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains). Ce classement s’applique depuis le 1er avril 2015 dans tous les pays de la Communauté européenne. En France, les travaux exposant au formaldéhyde sont soumis aux règles particulières de prévention des risques d’exposition aux agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) depuis 2007. Le formaldéhyde est également classé cancérogène de groupe 1 pour le Centre international de recherche sur le cancer (Circ).

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