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Les cliniques et hôpitaux

Médicaments bien ordonnés, risques diminués

L’hôpital de Fourvière qui domine tout Lyon accueille des personnes âgées sur un site historique, près de la basilique. À l’une de ses extrémités, sa pharmacie gère plus de 1 000 références de médicaments et doit fournir chaque jour les dix services de l’établissement. Elle a été entièrement réorganisée dans le cadre d’une démarche de prévention des risques professionnels.

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Delphine Vaudoux - 14/03/2023
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Des préparatrices dans les rayonnages de médicaments.

« Mon nouveau poste de travail est vraiment plus agréable… Je n’ai notamment plus besoin de me baisser », explique Catherine Tourneur, préparatrice en pharmacie. « J’ai tout à portée de main, c’est très pratique », remarque Julie Daunis, également préparatrice en pharmacie. On pourrait penser qu’elles parlent du même poste, mais non. Chacune teste le poste de travail qu’elle a aménagé. Le fruit d’une démarche toujours en cours sur l’amélioration des conditions de travail de la pharmacie de cet hôpital spécialisé en gériatrie.

Sur les hauteurs de Lyon, dans un havre de verdure, l’hôpital de Fourvière emploie 300 personnes. « Nous sommes un établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic). Nous sommes une association loi 1901 avec délégation de service public », explique Patricia Traversaz, la directrice des ressources humaines (DRH) de l’hôpital. L’établissement, dont une grande partie des murs datent du XIXe siècle, propose 264 lits et places. « Cette pharmacie fait environ 200 m2, explique Catherine Pic, pharmacienne gérante. Ce qui est dans la norme puisqu’on considère qu’il faut au minimum 1 m 2 de pharmacie par lit. »

Pour nous faire comprendre la situation d’avant, la DRH nous montre des photos de stockage au sol, de cartons empilés, ressemblant un peu à la tour de Pise. En 2019, l’une des préparatrices se blesse en voulant retenir une pile de cartons. Elle revient au travail avec une restriction d’activité, due à une pathologie articulaire. Après des échanges avec le service de prévention et de santé au travail (SPST), une intervention de son ergonome est décidée. Celle-ci tombe à pic. « L’établissement était ciblé TMS Pros par la Carsat, souligne Marjorie Poupet-Renaud, contrôleuse de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. C’est donc ce service qui a fait l’objet d’une analyse des risques. »

L’HÔPITAL DE FOURVIÈRE EN CHIFFRES

  • L’hôpital de Fourvière est un établissement de santé privé d’intérêt collectif.
  • 300 personnes y travaillent.
  • Il comprend 10 services (6 services de médecine et SSR (soins de suite et réadaptation) et 4 services de soins longue durée) et a une capacité de 240 lits ainsi que 15 places d’accueil de jour et 10 places d’hôpital de jour SSR.
  • Quatre préparatrices

Un groupe de travail, animé par Isaline Lichère, ergothérapeute et formatrice Prap à l’hôpital, réunit deux préparatrices en pharmacie, une pharmacienne, le magasinier en charge des achats – également membre du CSE – ainsi que la responsable du service social, membre de la CSSCT. Il est dans un premier temps sensibilisé aux TMS par l’ergonome de l’AST, puis formé à l’analyse des situations de travail. Point de départ de la réflexion : organiser toute la pharmacie en suivant le principe de la marche en avant, depuis la réception des médicaments jusqu’à leur distribution aux patients, dans les différents services.

Tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, des dizaines de palettes ou cartons sont déposés dans le sas de livraison, certains cartons pouvant atteindre 13 kg. Ils sont désormais posés sur des chariots à fond constant, de façon que les médicaments puissent être déballés sur une table, sans avoir à les porter. Car « ceux qui appartiennent aux listes 1 et 2 vont devoir être sérialisés, explique Catherine Pic. C’est-à-dire que, pour vérifier leur authenticité, nous devons scanner chaque code-barres ou QR code. Une liaison informatique avec une plate-forme européenne permet la validation instantanée. » Un travail fastidieux, qui va devenir obligatoire et qui peut prendre plusieurs heures chaque jour. Une table, équipée d’un poste pour accueillir un ordinateur portable, et réglable en hauteur, a ainsi été acquise.

Une préparation sur le poste de cueillettes.

Les solutés et le matériel d’oxygénothérapie sont stockés dans la première salle, tandis que la nutrition, les tubulures et autres perfuseurs sont dans la suivante. « Avant, on essayait de remplir l’espace, en empilant le plus de cartons possibles, remarque Isaline Lichère. Aujourd’hui, nous avons mis des étagères partout, tout en veillant à ne rien mettre – ou seulement des médicaments ou du matériel qui tournent très peu – sous les 40 cm ou très haut. » Une Pirl (plate-forme individuelle roulante), acquise sur les conseils de la chargée des achats, trône en plein milieu de l’une des salles, permettant d’atteindre les étagères les plus hautes.

Une activité qui nécessite de la concentration

En ce vendredi, la pièce suivante est en effervescence : trois préparatrices réalisent les piluliers des 200 patients, pour les trois prochains jours, à savoir du vendredi soir au lundi midi. Tout doit être prêt pour 15 h 30. Les postes de cueillette et les piluliers – ceux des préparatrices – ont été installés dans des coins de la salle principale. « Ces tâches demandent beaucoup de concentration, explique Catherine Pic. L’interruption de tâche a été identifiée comme un problème majeur. » Isaline Lichère nous présente un tableau répertoriant le nombre d’interruptions sur une semaine, un chiffre qui peut grimper jusqu’à 40 quotidiennement. Une nouvelle organisation a vu le jour, avec les postes de cueillettes installés loin de l’accueil, et l’instauration d’un roulement entre les préparatrices, pour répondre aux sollicitations, qu’elles soient physiques ou téléphoniques. De plus, les postes ont été revus, avec les médicaments à la fois classés par service et par ordre alphabétique.

Chaque préparatrice a la latitude d’organiser son poste. Vanessa Berlet, préparatrice en intérim, a eu l’occasion de tourner sur plusieurs postes : « Pour ma part, je préfère le poste de Julie. » « Idéalement, précise Isaline Lichère, il faudrait que l’on harmonise les aménagements et qu’ils soient modulables et adaptables. » Dans le reste de cette vaste pièce, des étagères inclinées, avec des tiroirs dynamiques, ont été achetées. « Elles permettent une optimisation des stockages, et donnent une impression d’espace alors que les quantités stockées sont identiques, remarque Marjorie Poupet-Renaud. Et les préparatrices peuvent atteindre le fond des tiroirs sans postures contraignantes. »

« C’est nettement mieux, confirme Julie Daunis. Il faut juste avoir en tête qu’il faut tout repenser lorsqu’une nouvelle référence arrive : on ne peut plus se contenter de pousser les cartons pour lui trouver une place… » Quant aux postes administratifs, ils ont été regroupés en îlot, à la demande des préparatrices. « On sait qu’ils sont perfectibles », reconnaît la pharmacienne gérante. Une réflexion est en cours…

LE TÉMOIGNAGE DE...

Isaline Lichère, cheffe de projet du groupe de travail sur l’amélioration des conditions de travail à la pharmacie.

« Mon rôle a été assez opérationnel : je devais organiser les réunions, veiller à la disponibilité de chacun. J’ai dû également relancer le projet qui a subi de plein fouet la crise sanitaire. J’ai aussi dû m’adapter à des départs et des arrivées dans le service. Nous avons travaillé de façon méthodique et cohérente, en prenant du temps pour séquencer l’analyse de chaque activité. Pour libérer la parole, il n’y avait pas de représentant hiérarchique des préparatrices au sein du groupe de travail. La pharmacienne gérante a assisté à la présentation des préconisations. Pour la mise en oeuvre du projet, nous avons constitué un autre groupe de travail dont elle en a été partie prenante. Aujourd’hui, les résultats sont là, visibles, même s’il nous reste encore un peu de travail ! »

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