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Les cliniques et hôpitaux

Planter la première graine d’une culture de prévention

À Dijon, la clinique Bégnine Joly propose une large offre de soins aux patients. En dépit des difficultés actuelles du secteur, l’établissement a su tirer parti de son intégration au programme TMS Pros pour commencer à agir en faveur de l’amélioration des conditions de travail, semant les graines d’une culture de prévention en devenir.

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Damien Larroque - 14/03/2023
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Au secrétariat médical, une ergothérapeute discute avec les secrétaires.

La clinique Bénigne Joly, du groupe VYV 3, se compose de la clinique en elle-même, située à Talant, en Côte-d’Or, et du pôle santé Valmy, spécialisé dans les soins de suite et réadaptation (SSR), pour sa part sis dans le nord de Dijon. Avec plus d’une douzaine de services (bloc opératoire, ambulatoire, chimiothérapie, dialyse, gériatrie, nutrition…), les deux sites offrent un large éventail de soins. Chaque année, ce ne sont pas moins de 13 000 séjours en hospitalisation, 14 000 séances d’hémodialyse et 4 000 de chimiothérapie qui y sont réalisés. 330 équivalents temps plein se relaient auprès des malades et œuvrent dans les services supports. Comme dans la plupart des établissements de santé aujourd’hui, ces effectifs expriment régulièrement leur mécontentement par rapport à des conditions de travail rendues de plus en plus difficiles par le manque de moyens et par les difficultés de recrutement aggravés par la crise sanitaire.

Aussi, lorsque la Carsat Bourgogne-Franche-Comté propose à la clinique d’intégrer le programme TMS Pros en 2020, l’accueil est plutôt froid. « Dans le contexte actuel, la prévention des TMS n’apparaît pas comme la priorité numéro un pour des professionnels confrontés à d’autres sujets comme le déficit endémique de personnel, observe Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité à la Carsat. Impliquer l’établissement n’était pas du tout gagné au départ, mais un duo moteur a pris les choses en main. » Solène Liebelin Manfredi, responsable des ressources humaines, en fait partie. « Au milieu des problèmes de budget et de masse salariale, j’ai vu dans ce programme l’opportunité de porter un sujet positif et de faire évoluer les conditions de travail », explique-t-elle.

Identification

Aude Gonçalves, ergothérapeute, est nommée en novembre 2021 référent TMS Pros. Elle suit donc une formation de formateur à la prévention des risques liés à l’activité physique pour devenir personne ressource. « J’ai appris à mener une étude de poste, à construire et animer un groupe de travail intégrant les différentes composantes de l’entreprise…, raconte-t-elle. Outre les appuis précieux de Maryline Vannier et de ma formatrice pour mettre en œuvre ce que j’ai appris, je peux compter sur le groupe d’échange de bonnes pratiques que nous avons créé avec les autres stagiaires. »

L’identification des postes à risques a permis de définir des priorités d’action. Les douze spécialités et 50 à 60 interventions quotidiennes imposent aux salariés du service de prédécontamination une cadence soutenue. Ceux-ci avaient pour habitude de transvaser les instruments chirurgicaux dans un évier pour les récurer un à un. Aujourd’hui, seuls ceux qui sont creux ou démontables sont nettoyés de la sorte en portant gants, lunettes et blouse. Les autres instruments restent dans les bacs qui sont remplis de désinfectant à l’aide d’un système de distribution automatique. Pour ne plus avoir à surveiller le niveau de remplissage, un dispositif doseur va être installé pour couper automatiquement l’écoulement du liquide lorsque le volume choisi est atteint.

Chargement des chariot de transport pour le centre de stérilisation.

De nouveaux chariots à trois étages réduisent les manutentions en permettant de faire glisser les étagères supportant les caisses d’instruments prédécontaminés jusque dans les armoires de transport destinées à l’unité de stérilisation centrale commune à plusieurs établissements de santé. De plus, des réflexions sont en cours pour réorganiser le stockage des ustensiles propres afin de faciliter la conception des sets pour les opérations. L’idée est de disposer à hauteur les boîtes les plus lourdes et les références à forte rotation. Les moins usités et les plus légers des instruments occuperont les niveaux hauts et bas des racks de rangement.

UNE TÂCHE EMPÊCHÉE

Sur le site du pôle santé Valmy de la clinique Bénigne Joly, les horaires de passage des éboueurs obligent les agents de services hospitaliers à récupérer les conteneurs vides les vendredis soir et les veilles de jours fériés. Le bouton intérieur d’ouverture du portail ne libérant que le passage piéton de faible largeur, il leur fallait ensuite sortir taper un code pour l’ouvrir complètement et ainsi permettre le passage des bennes. L’une d’entre elles devait être placée dans l’axe du portail pour en empêcher la fermeture automatique et ainsi laisser le temps de récupérer les autres conteneurs. La pénibilité et la non praticité de l’opération dissuadaient régulièrement les salariés et, en l’absence des bennes restées à l’extérieur, le local voyait des monceaux de sacs s’entasser à même le sol. Aujourd’hui, une clé permet directement l’ouverture complète du portail qui ne se referme que lorsqu’elle est retirée.

Constatant ces évolutions concrètes et rapides, Aude Gonçalves se prend au jeu. Alors que l’engagement pris avec la Carsat ne demandait la réalisation que d’une étude de poste, elle en mène deux autres dans les locaux du SSR de Valmy. Volontairement, elle s’intéresse aux métiers administratifs, sans lesquels la clinique ne pourrait pas fonctionner. « Depuis que mon bureau a été éloigné de la fenêtre dont la luminosité me gênait, je n’ai plus de migraine », constate Vanessa Guijo, secrétaire médicale. Des bras porte-écran sur pieds réglables en hauteur ont été commandés ainsi que des kits piétons pour ne plus avoir à tenir le combiné entre la tête et l’épaule quand il faut simultanément taper au clavier et parler au téléphone. Enfin, des tests de souris ergonomique vont être réalisés.

« L’analyse que j’ai menée pour comprendre pourquoi les sacs de déchets étaient régulièrement retrouvés en amas directement sur le sol du local poubelle plutôt que dans les conteneurs a également débouché sur des améliorations, précise Aude Gonçalves. Les différentes solutions mises en place au SSR montrent bien qu’il est parfois possible d’agir sans pour autant investir des sommes conséquentes. » Et cela semble bien fonctionner (lire l’encadré page précédente). Le travail d’Aude est reconnu par les salariés. Certains d’entre eux la sollicitent d’ailleurs sur de multiples sujets comme si elle était le préventeur de l’établissement. « Un travail participatif s’est engagé avec les équipes pour agir plutôt que subir, malgré les difficultés du secteur. Cela renforce la culture de prévention initiée », se félicite Maryline Vannier.

POURSUIVRE LE PROGRAMME TMS PROS

Après avoir complété les trois premières étapes du programme TMS Pros – constat de la présence de troubles musculosquelettiques, identification des situations à risque, élaboration d’un plan d’actions de prévention – la clinique Bénigne Joly va boucler début 2023 la quatrième qui consiste à évaluer les améliorations. « Ce n’est pas une fin en soi. Le deal est rempli avec la Carsat, mais tout l’intérêt est de continuer à appliquer les bonnes pratiques en matière de prévention, de garder cette bonne dynamique pour faire évoluer progressivement les conditions de travail dans nos services », estime Solène Liebelin Manfredi, responsable RH. « D’autant que la méthode est transposable à d’autres risques. Il serait intéressant de nous pencher sur les RPS, se projette Aude Gonçalves, ergothérapeute et référente TMS Pros. Et j’espère bien que nos réflexions nourriront le projet de conception de nos nouveaux bâtiments qui doivent sortir de terre en 2026. »

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