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Paroles de terrain

Système U : les coulisses d'une stratégie nationale

L’enseigne Système U a mis en place une démarche d’accompagnement sur mesure auprès des 103 magasins concernés par le programme TMS Pros. Celle-ci s’appuie sur un parcours de formation spécifique de personnes ressources vouées à conduire un projet de prévention des TMS et à mettre en place des plans d’action. Le fruit d’une collaboration entre Cédryc Fernandez, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes, et Ludivine Notarianni, responsable qualité, santé, sécurité, environnement chez Système U. 

5 minutes de lecture
Corinne Soulay - 31/03/2023
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Une salariée de l'enseigne U devant le magasin de Couëron.

[Cet article est un complément exclusif web du dossier Grande Distribution d'avril 2023]

Travail&Sécurité. En quoi consiste cette démarche ?

Ludivine Notarianni (Système U). La formation est au cœur du dispositif, avec comme clé de voûte le référentiel de l’INRS. L’idée est de faire monter en compétence à la fois les dirigeants – des associés, propriétaires de magasin - et des personnes ressources, par le biais de cinq jours de formation collective, auxquels sont ajoutées des interventions en magasin. Nous avons ainsi organisé des sessions de formations réservées aux magasins, animées par un prestataire, qui les guide et favorise une approche apprenante. Une première journée est consacrée à la formation dirigeant. L’objectif est de déconstruire avec eux les préjugés sur les TMS – qui sont souvent réduits à leur composante biomécanique -, de rappeler leur multifactorialité et la nécessité d’avoir une approche pluridisciplinaire. Ensuite, ils sont formés à la conduite de projet, avec la notion d’étapes et de livrables, c’est-à-dire de résultats intermédiaires à délivrer tout au long de la démarche. C’est parfois assez déroutant pour ces chefs d’entreprise qui ont plutôt l’habitude d’agir dans l’immédiateté, selon le principe « action-réaction » ! La formation est axée sur un projet de prévention qui fait sens pour eux, c’est l’une des clés de la réussite de ce programme qui a fait que les associés sont restés impliqués tout au long du dispositif.

Cédryc Fernandez (Carsat Rhône-Alpes). À ce stade, ils sont aussi invités à identifier une personne ressource dans leur supermarché qui ait une bonne connaissance de l’organisation du magasin, qui soit capable d’analyser objectivement les situations de travail et de mener le projet. Cela peut être par exemple quelqu’un des ressources humaines, ou un opérationnel, avec un profil plus technique – un responsable de drive, un employé de mise en rayon… – mais qui connaît bien l’activité et qui est reconnu par ses collègues, ce qui sera un atout pour pouvoir engager une approche participative.

Une fois cette personne ressource identifiée, quelle est la suite du parcours ? 

C. F. Cette personne suit deux premières journées de formation, destinées à développer les connaissances sur le risque TMS et aborder des fondamentaux concernant la conduite d’un projet de prévention sur le sujet. C’est aussi l’occasion d’évoquer les premiers éléments nécessaires à la réalisation d’un état des lieux et utiles aux premières orientations liées au projet magasin. Le magasin va ensuite bénéficier d’un accompagnement individuel avec la visite de l’organisme de formation. C’est vraiment là que se déclenche l’action : la personne ressource et la direction vont présenter les premiers éléments de cadrage du projet, partager  les différentes données qui pourraient justifier l’intérêt d’un sujet en particulier et bénéficier d’apports complémentaires afin d’aider à consolider ce premier travail.
 
L. N. Ensuite, deux nouvelles journées sont organisées pour travailler le versant participatif de la démarche : comment observer et analyser une situation de travail ? Comment mener à bien les entretiens par poste de travail, faire émerger la parole du salarié ? Comment prendre la parole et animer des temps d’échange avec son équipe ? Travailler en collectif, c’est interroger les gens sur leurs difficultés, mais aussi collecter les retours sur ce qui fonctionne bien, et co-construire les solutions qui permettront de mieux faire son travail. 

Que se passe-t-il après ce quatrième jour de formation ? 

C. F. Un deuxième accompagnement est organisé au sein du magasin. L’occasion d’approfondir certains aspects méthodologiques, d’aborder plus finement l’analyse réalisée et d’apporter des compléments, si nécessaire. Cela permet également de guider la personne ressource dans les prémices de son plan d’action et de stabiliser des leviers d’action sur lesquels elle va pouvoir travailler, avec l’implication des collaborateurs, pour réduire ou supprimer les contraintes identifiées. Enfin, un dernier jour est organisé avec l’ensemble des magasins qui vise à dresser un bilan global pour chaque établissement.

Quels types de projets ont été menés ? 

C. F. Ce qui est intéressant – et ce à quoi les associés ne s’attendaient pas forcément –, c’est que les propositions de solutions coconstruites avec les acteurs du magasin ne vont généralement pas vers des investissements, mais plutôt des modifications dans l’organisation du travail, modification de planning, pilotage des flux… Un exemple : une équipe a mis en lumière l’existence d’un goulot d’étranglement à 5h du matin dans les réserves, source de tension pour les équipes dû à un agencement des réserves qui complexifiait le traitement simultané des livraisons et du retard lors de la mise en rayon. Dans ce cas, des mesures uniquement techniques auraient eu des effets très limités sur le sujet. Le plan d’action a consisté à repenser l’organisation de la réserve de manière à intégrer l’ensemble des contraintes identifiées et de travailler avec les équipes sur une nouvelle implantation des marchandises, pour que la mise en rayon soit facilitée et que chacun puisse travailler plus sereinement. Ce premier travail a permis par la suite d’identifier des besoins complémentaires avec l’acquisition de matériel plus spécifique. 

L. N. D’autres projets portaient sur les drives avec picking en magasin. Des plans d’action ont été mis en place pour améliorer l’organisation et la préparation de commandes, notamment en revoyant les zones de stockage afin de placer les produits les plus lourds en bout de chaîne par exemple… On a vu aussi des analyses sur l’encaissement avec une réflexion sur les plannings, sur les sièges de caisses ou encore le changement de position de l’imprimante…

C. F. La démarche nous permet aussi d’agir sur les facteurs de risques psychosociaux en lien notamment avec l’organisation du travail. Les associés sont parfois frileux à l’idée d’aborder ce risque car celui-ci peut paraître complexe à appréhender et le champ des solutions difficile à cerner. Or, là, les personnes ressources, par les compétences développées et leur capacité à impliquer les salariés, peuvent aider à identifier des difficultés rencontrées par les équipes au quotidien et proposer des réponses organisationnelles coconstruites et adaptées, faciles à mettre en œuvre.  

Quels sont les retours des magasins ? 

C. F. Ils sont très positifs. Quatre mois après le dernier jour de formation, un bilan est réalisé par l’organisme de formation pour faire un point sur le travail réalisé et poser la continuité de la démarche. Et la plupart ont entamé – ou envisagent – d’autres projets dans le sillage de leur premier plan d’action.  Avec ce dispositif, des jalons ont été posés : les associés et les personnes ressources se sont appropriés la démarche, ont développé le réflexe de se questionner et d’impliquer les salariés… Si, dans quelques mois, ils ont prévu des travaux d’aménagement ou bien de développer une nouvelle stratégie commerciale avec des modifications d’implantation, ils seront prêts à se réinterroger et à relancer une démarche pour préserver la santé et la sécurité de leurs collaborateurs lors de ces changements. Ce dispositif permet d’installer une culture de l’amélioration continue du travail.

L. N. Aujourd’hui, plus de 70 magasins ont terminé le parcours. Pour nous, c’est riche d’enseignement aussi. Ce dispositif national nous permet d’identifier des magasins qui pourraient être pilotes sur certains sujets. Nous allons également pouvoir capitaliser sur toutes les études qui ont été faites et voir si ces plans d’action ne peuvent pas déboucher sur des actions globales à mener sur l’ensemble des magasins. On peut en tirer des mesures à mettre en place en amont, par exemple, en intégrant des améliorations dans les plans de magasins pour les futures constructions… 

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