Depuis 2017, le Fonds d’action sociale du travail temporaire (Fastt) sillonne la France au volant de plusieurs camions aménagés, surnommés « truck À vous la santé », à la rencontre des intérimaires, directement au sein des entreprises utilisatrices. Son objectif ? Sensibiliser le plus grand nombre à la prévention des risques professionnels et faire connaître ses services d’aide aux intérimaires.
[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité de mai 2023]
Malgré le ballet des poids lourds autour, impossible de le manquer. Stationné devant le bâtiment A de l’entreprise GXO au Coudray-Montceaux, dans l’Essonne, le camion vert fluo du Fastt (Fonds d’action sociale du travail temporaire) floqué « Intérimaires à vous la santé » et bardé de différents messages de prévention est bien visible. Brice Tulomba, régisseur du véhicule, descend de sa cabine pour aller à la rencontre d’Ingrid Obenans, consultante emploi chez Leader Interim, et sa collègue Sophie Caria, directrice d’agence. Celles-ci ont fait le lien avec GXO en tant qu’entreprise utilisatrice pour organiser cette journée de sensibilisation aux risques professionnels. Selon la période, notamment en fin d’année au moment du black friday ou des fêtes de Noël, jusqu’à 130 intérimaires viennent prêter main forte, en tant que préparateurs de commandes, aux 140 salariés de ce pôle d’activité dédié principalement au petit électroménager. D’où l’importance de tous les sensibiliser aux différents risques liés à leur poste de travail : collisions engins-piétons, troubles musculosquelettiques, coupures… « Nous travaillons main dans la main avec notre client sur ces sujets pour que l’intégration des intérimaires se passe au mieux, précise Ingrid Obenans. L’objectif étant que les travailleurs temporaires soient au même niveau de sécurité que les salariés de GXO. » Après quelques coups de fil pour savoir où installer le camion et le passage d’un responsable technique pour le raccord électrique, Brice Tulomba commence à mettre en place les éléments nécessaires aux animations de la journée : « Je fais la tournée depuis juin 2017. Au début, nous étions installés à proximité des agences d’intérim… sans grand succès puisque tous les intérimaires étaient sur leur site de travail ! Depuis, nous intervenons directement dans les entreprises clientes avec l’aide des agences d’interim et cela fonctionne très bien ! » En six ans, plus de 50 000 intérimaires ont été rencontrés dans plus de 1 200 entreprises à travers la France.
Alors que Brice déroule des kakémonos de rappel des règles essentielles de sécurité au travail, Laurent Monnier, animateur-préventeur, arrivé entre temps, s’installe : « Nous pouvons aborder quatre thématiques au total : chasse aux risques, addictions, risque routier et, enfin, gestes et postures, un atelier généralement animé par un intervenant local comme un kinésithérapeute. Aujourd’hui, nous traiterons de la chasse aux risques. Parfois, en fonction de l’accidentologie, les entreprises clientes nous demandent d’insister sur tel ou tel point, mais pas aujourd’hui donc on reste sur un dispositif classique. » Une fois son ordinateur connecté, l’écran de présentation affiche l’illustration d’un entrepôt où des travailleurs réalisent différentes tâches : « C’est très ludique, poursuit Laurent Monnier, je passe en revue avec chaque groupe les situations de travail et je les fais réagir. Car, bien sûr, dans la majorité des cas, les comportements ou les situations sont problématiques et dangereux. »
Le premier groupe de participants arrive. Ingrid Obenans salue les intérimaires qu’elle reconnaît – ils portent une chasuble jaune floquée « Leader Interim » tandis que celle des salariés GXO est orange. « Tous les travailleurs – qu’ils soient intérimaires ou non – profitent de l’atelier de sensibilisation d’une vingtaine de minutes, décrit-elle. C’est important pour le collectif et tout le monde y gagne, nous pour nos intérimaires et l’entreprise cliente pour ses salariés, c’est vraiment positif, chacun se trouve sur un pied d’égalité. » Une fois rassemblés autour de l’écran de présentation, Laurent Monnier les questionne : « Qui voit quelque chose qui ne va pas parmi ces différentes situations de travail affichées ? » Les réactions ne se font pas attendre, tant du côté des intérimaires que des salariés GXO : « Lui, il est sur une échelle qui n’est pas sécurisée, ça ne va pas » ; « Là, il fume à l’intérieur c’est dangereux » ; « La personne qui marche est au téléphone, elle risque de tomber ». À chaque risque identifié, Laurent Monnier fait un rappel de données chiffrées – les chutes de hauteur sont la deuxième cause de mortalité au travail derrière les accidents de trajet – ou raconte une anecdote en lien avec un accident : « Cela donne du concret et cela aide à se souvenir ». Il encourage également les intérimaires à ne pas faire fi de la sécurité en raison de leur statut : « Tout le monde est d’accord que s’il voit un collègue fumer dans un lieu inapproprié, il va lui dire quelque chose… mais si c’est le responsable de site ? Qu’est-ce que vous faites ? » Question piège pour les intérimaires qui gardent le silence : « Oui, c’est vrai, c’est peut-être plus dur de réagir car vous vous dites que cela peut vous porter préjudice pour une embauche par exemple… Mais imaginez qu’il y ait un accident vraiment grave : vous aurez ça sur la conscience pour toujours. »
Après ces échanges, les intérimaires sont invités à rester pour une présentation des services du Fastt par Céline Blanchar, coordonnatrice : « Qui a déjà entendu parler du Fastt parmi vous ? ». « Et qui a déjà utilisé un de nos services ? » Nombre d’entre eux ont été accompagnés dans différentes démarches : « Le Fastt peut effectivement vous aider dans de nombreux domaines : aide au logement, location ou achat d’une voiture, garde d’enfant, complémentaire santé… il ne faut pas hésiter à nous contacter ». La présentation se termine par une distribution de flyers avec toutes les informations. L’intervention semble appréciée et surtout marquer les esprits. En témoigne Jimmy Auckbar, cariste C5 : « J’avais déjà fait une chasse aux risques lors de ma formation Caces mais c’est toujours bien d’en refaire. Je me souviens il y a deux ans, je travaillais déjà ici et le camion était venu pour faire de la prévention sur les addictions, ça m’avait marqué avec les lunettes qui donnaient l’impression d’avoir bu. »
Ingrid Obenans, Laurent Monnier et Teddy Caroupanapoulle, chargé de projet national Fastt également présent, profitent d’une pause-café et de l’arrivée du cinquième groupe de la matinée pour faire un point rapide : « Alors tout se passe bien ? », interroge Ingrid Obenans. Le formateur lui répond tout sourire : « Oui, parfait, il y a une bonne participation et des échanges riches. On sent une bonne base de connaissances des règles élémentaires de sécurité, chez les salariés comme chez les intérimaires. » Teddy Caroupanapoulle en profite pour souligner le rôle essentiel de l’agence d’intérim dans la bonne marche du dispositif : « Lorsqu’il y a une bonne dynamique entre l’agence d’emploi et l’entreprise utilisatrice, les échanges sont facilités, les intérimaires sont mieux intégrés, moins livrés à eux-mêmes en quelque sorte. C’est vraiment positif. »
C’est l’heure de la pause déjeuner. Tout en refermant son ordinateur, Laurent Monnier commente avec plaisir la réaction du précédent groupe, composé essentiellement de caristes : « Je sais que quand j’entends des ”oh” ou des ”ah” comme ça, c’est que le dispositif marche. Ils ont tout de suite identifié sur l’illustration un chariot élévateur en mouvement avec les fourches relevées. Ils étaient presque outrés de voir ça ! » En fin d’après-midi, vers 17 h, lorsque tous les groupes auront assisté à l’atelier, ce sont, au total, cinquante intérimaires de plus qui auront été touchés par le dispositif du Fastt.
