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Les zoonoses et maladies vectorielles

Dengue : le risque s’étend

Le professeur Xavier Deparis est directeur de la veille sécurité sanitaire santé et milieux de vie à l’ARS de La Réunion, une île qui a été, dans un passé récent, touchée par plusieurs épidémies de dengue. Il fait un point sur cette maladie transmise par les moustiques Aedes, plus connus sous le nom de « moustiques-tigres ».

3 minutes de lecture
Delphine Vaudoux - 26/06/2023
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Des travailleurs en zone humide.

Travail & Sécurité. La dengue est une maladie évoquée régulièrement par la presse, mais elle est peu connue en métrople. De quoi s’agit-il ?

Pr Xavier Deparis. C’est une maladie virale, transmise par les moustiques du genre Aedes, que l’on appelle communément les moustiques-tigres. Le cycle est le suivant : un moustique se contamine en piquant une personne porteuse de la maladie, le virus se reproduit dans le corps du moustique, et la femelle moustique, porteuse du virus, pique une autre personne qu’elle contamine à son tour, etc. C’est un virus à ARN dit Arbovirus, c’est-à-dire que c’est un virus transmis par des insectes (Arthropod Born Viruses). Il n’est pas le seul, il y en a d’autres comme celui du chikungunya, du Zika ou de la fièvre jaune pour les plus connus.

Ces moustiques se trouvent-ils localisés uniquement sur l’île de La Réunion ?

Pr X. D.  Effectivement, on les trouve essentiellement dans la zone intertropicale, comme à La Réunion ou aux Antilles. Mais leur présence est signalée également de plus en plus dans toutes les zones tempérées, et en particulier dans le sud de la France, dans la zone méditerranéenne.

Qu’en est-il des travailleurs ? Y a-t-il des professions plus touchées que d’autres ?

Pr X. D.  Il n’y a pas vraiment de règle, toutes les professions sont potentiellement touchées dans les zones à risque que je viens de vous citer. On peut cependant se protéger, en portant des vêtements longs, mais c’est compliqué à faire accepter en zone tropicale. Il y a également des moyens chimiques comme les répulsifs sur la peau pour éloigner les moustiques. On peut aussi mettre en place des moyens collectifs comme la désinsectisation, mais cela se fait de moins en moins, ou encore la lutte antivectorielle comme le jardinage intelligent, qui consiste à diminuer la masse végétale car les moustiques aiment se reposer dans les buissons. Ou encore en réduisant les collections d’eau pour limiter la reproduction des moustiques. Quand je parle de collection d’eau, cela peut être de toutes petites flaques d’eau stagnantes comme les pieds de pots de fleurs, les gouttières mal nettoyées…

Que se passe-t-il si un cas est repéré ?

Pr X. D.  Nous conseillons systématiquement aux cas identifiés de se placer sous moustiquaire. Une fois le cas connu, il est géolocalisé : le service de lutte antivectorielle (LAV) cartographie en temps réel les cas. Sachant que les moustiques ne se déplacent que dans un rayon de 50 à 100 m, les équipes de LAV interviennent en mettant en oeuvre une lutte antivectorielle avec une utilisation raisonnée de biocide, une élimination des collections d’eau, le tout accompagné de messages de prévention destinés aux habitants. Notre objectif est de pouvoir lisser le pic épidémique pour éviter une saturation du système de santé en cas d’épidémie.

Les entreprises de la métropole sont-elles à l’abri ?

Pr X. D. Compte tenu de la circulation des personnes et des virus, il y a un risque non négligeable d’épidémie dans la région sud de la métropole. À l’image de ce qui a été fait lors de la dernière crise sanitaire, je pense qu’il est important, pour les entreprises de cette région, de prévoir un plan de continuité d’activité, et de se mettre en rapport avec l’ARS en région pour les mesures éventuelles à prendre dans le cas, par exemple, des entreprises du BTP où les salariés peuvent être particulièrement exposés en travaillant à l’air libre dans des zones où la densité vectorielle peut être non négligeable.

Avez-vous des données chiffrées ?

Pr X. D. Il y a eu très peu de cas de dengue en 2022-2023 à La Réunion. Cela s’explique par le fait qu’il existe quatre virus de la dengue, la dengue 1, 2, 3, 4 et que, depuis plus de trois ans, nous n’observons que le type 1 sur l’île. Après l’épidémie de 2021, on a répertorié seulement 1500 cas en 2022… car la population a tendance à s’immuniser. En revanche, si des virus de la dengue 2, 3, ou 4 étaient introduits par des personnes venant d’Asie ou d’autres parties de l’Océan indien par exemple, on pourrait assister à une épidémie car le fait d’avoir eu la dengue une première fois ne protège malheureusement pas contre les trois autres virus. Il faudrait plusieurs mois avant que l’épidémie s’installe, après l’introduction d’un nouveau virus, car à la Réunion, la population de moustiques ainsi que leur activité diminuent durant l’hiver austral entre juin et octobre.

DURÉE D’INCUBATION ET SIGNES CLINIQUES DE LA DENGUE

« L’incubation est de 4 à 6 jours après la piqûre. Ensuite, soit vous êtes asymptomatique, mais vous restez contagieux et pouvez transmettre le virus à un moustique qui vous pique, explique le professeur Xavier Deparis. Dans ce cas, vous êtes un transmetteur qui s’ignore… mais vous participez à la propagation du virus. Soit vous développez la maladie dans les 4 à 6 jours après avoir été infecté. Cela se traduit généralement par une fièvre élevée, des maux de tête, des douleurs articulaires. Dans 5 % des cas, les symptômes sont nettement plus sévères et peuvent aller jusqu’au décès, mais c’est relativement rare. À La Réunion, nous faisons régulièrement des campagnes auprès des hôpitaux ou du grand public pour qu’entre les 4e et 6e jours après les premiers symptômes, les personnes infectées fassent preuve d’une très grande vigilance, car cela peut aller très vite. »

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