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Les zoonoses et maladies vectorielles

Étourdissement et ventilation adaptée

En Vendée, le site Arrivé, propriété du groupe LDC, produit de la viande de volailles. Une activité qui expose potentiellement à la bactérie responsable de l’ornithose les salariés chargés de l’accrochage lors de l’abattage. En associant un système d’étourdissement sous atmosphère contrôlée à une ventilation adaptée, l’entreprise a drastiquement diminué le risque de contamination.

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Damien Larroque - 26/06/2023
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Un salarié réalise un contrôle visuel de la fosse d'anesthésie.

La commune vendéenne des Essarts accueille sur ses terres l’un des trois plus gros sites français de production de volailles. L’usine Arrivé, qui appartient au groupe LDC depuis 2009, se fait livrer des poulets issus des élevages locaux, que ses 720 salariés abattent, découpent, conditionnent et expédient. Les trois quarts de la production annuelle sont répartis en 400 références fraîches et surgelées, qui se retrouvent pour plus de la moitié dans les rayons des grandes surfaces sous le nom commercial Maître Coq. 30 % sont transformés par d’autres sites du groupe, 10 % aboutissent dans les assiettes des cantines et restaurants et environ 2 % alimentent des industriels de l’agroalimentaire.

« Nous avons retrouvé notre capacité de production optimale en avril dernier après une diminution d’activité liée à deux épisodes de grippe aviaire en 2022 qui ont dépeuplé les élevages de la région avec qui nous travaillons », indique Laurent Mailly, directeur du site. Les volailles abattues dans le cadre de cette obligation légale d’euthanasie sont contrôlées pour s’assurer qu’elles soient saines. Il n’en va pas de même pour les poulets porteurs de chlamydia psittachi, asymptomatiques dans l’écrasante majorité des cas. Or, cette bactérie est responsable chez l’humain de l’ornithose-psittacose qui provoque des symptômes pseudo-grippaux (fièvre élevée, maux de tête, douleurs musculaires, toux sèche) pouvant évoluer vers des formes graves, essentiellement pulmonaires.

« Du fait de la ressemblance de l’ornithose avec la grippe, le diagnostic peut être retardé, ce qui est dommageable car les antibiotiques pour la traiter sont d’autant plus efficaces qu’ils sont donnés au début de la maladie, explique Nicolas Pésigot, contrôleur de sécurité à la Carsat Pays de la Loire. Le cas d’une salariée d’un abattoir tombée dans le coma car le remplaçant de son médecin traitant – qui n’était pas au fait de son métier et donc n’a pas identifié l’ornithose – illustre tristement cette difficulté. »

Étourdissement total au CO2

Afin d’éviter ce type de scénario, Arrivé mise sur la formation de ses équipes. « Chaque nouvel embauché, qu’il occupe un poste exposant ou qu’il soit simplement amené à traverser des zones potentiellement concernées, est sensibilisé à cette zoonose et est invité à informer son médecin traitant qu’il travaille dans un environnement à risque, témoigne Marie Pinchemel, responsable sécurité environnement du site. En outre, notre médecin du travail fait des rappels lors de chaque visite périodique. » Ce qu’apprennent les salariés concernant le mode de transmission de l’ornithose, c’est que la bactérie est largement présente dans les fientes des oiseaux, qu’elle contamine leur plumage, se dissémine facilement dans l’air et, enfin, pénètre dans l’organisme humain par voie respiratoire.

Des salariés au poste de convoyeur aérien.

« Pour limiter l’empoussièrement, nous avons misé sur un système d’étourdissement sous atmosphère contrôlée, et ce dès 2008, ce qui fait de notre site un précurseur en la matière », se félicite Laurent Mailly. Après leur chargement sur un convoyeur, les caisses de poulets pénètrent progressivement dans l’installation de six mètres de hauteur. La concentration en CO2 augmente au fur et à mesure de la descente, entraînant la perte de conscience des volailles. « Ainsi, elles ne se débattent pas au moment de leur accrochage au convoyeur aérien, ce qui limite l’exposition aux poussières », affirme Christophe Meriel, chef d’atelier abattoir. À l’époque où les poulets étaient étourdis par électronarcose (bain parcouru d’un champ électrique) après le poste d’accrochage, il y avait des plumes qui volaient partout. Et il arrivait que des projections atteignent les opérateurs au visage. Aujourd’hui, c’est de l’histoire ancienne.

UNE AMÉLIORATION QUI NÉCESSITE D’ÊTRE ENCADRÉE…

Au-delà de ses effets préventifs en matière de risques biologiques, l’installation du système d’étourdissement sous atmosphère contrôlée mise en place sur le site Arrivé change la donne à d’autres niveaux. Des volailles qui ne se débattent pas, cela réduit les contraintes physiques des opérateurs et évite les griffures, les salissures… Le dispositif permet de ne pas travailler sous lumière bleue, destinée à calmer les poulets, et d’œuvrer dans des conditions normales d’éclairage. En revanche, il nécessite de tenir compte du risque d’anoxie lors des interventions de maintenance mais aussi lors de son fonctionnement. « La concentration en CO2 dans le système est élevée, elle peut donc être dangereuse pour l’homme. Ainsi, dès que les détecteurs positionnés au niveau du sol à côté de l’installation mesurent 0,5 % de ce gaz, une alarme se déclenche et l’alimentation est coupée automatiquement », explique Christophe Meriel, chef d’atelier abattoir.

Pour améliorer encore la qualité de l’air, une ventilation adaptée aux locaux a été installée en 2013. Des dosserets aspirants, situés face à l’opérateur, derrière le convoyeur aérien et au-dessus des caisses, captent les poussières émises avant qu’elles n’atteignent les voies respiratoires des salariés. Un système compensé par un apport d’air neuf. « Ce projet a bénéficié de l’expertise du centre de mesures physiques et du laboratoire de la Carsat Pays de la Loire pour garantir son efficacité et éviter les courants d’air incontrôlés qui peuvent faire voyager les bactéries jusqu’à des zones propres », souligne Marie Pinchemel. En outre, pour assurer un bon fonctionnement en continu, un décolmatage des filtres est lancé à chaque pause et des mesures de la vitesse d’air et d’empoussièrement sont régulièrement réalisées.

« L’anesthésie au CO2 et la ventilation sont complémentaires. Leur association permet d’atteindre des niveaux d’empoussièrement inférieurs à la VLEP, qui passe de 7 à 4 mg/m3 d’air ce mois de juillet, informe Nicolas Pésigot. Avant l’installation de la fosse, on mesurait de 11 à 18 mg/m3 de poussière, 4 mg après et seulement 2,6 mg après avoir ajouté le captage. » Une réussite qui autorise à se passer du masque FFP2, qui peut être gênant pour ce travail physique.

RECOMMANDATION ET WEBINAIRE

À la suite du décès de deux travailleurs ayant contracté l’ornithose en 2009, le comité technique national (CTN) a demandé au comité technique régional (CTR) des Pays de la Loire une recommandation sur la prévention des risques biologiques dans les filières viandes. Sortie en 2017, celle-ci fait le point sur les bonnes pratiques d’identification du risque, de conception des locaux, sur les mesures techniques, organisationnelles, d’hygiène collective et de protection individuelle… La même année, en 2017, l’INRS a publié une nouvelle brochure destinée au secteur de la volaille : Ventilation des postes d’accrochage en abattoir de volailles. Enfin, en juin dernier, la Carsat Pays de la Loire a organisé un webinaire dédié à la prévention des zoonoses dans les entreprises de la filière viande « Risques biologiques dans les filières viandes : les bonnes pratiques de prévention pour vos salariés ».

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