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Les zoonoses et maladies vectorielles

Eaux usées : la leptospirose est un danger permanent

Implantée dans le nord du Finistère, Eau du Ponant est une société publique locale en charge de la gestion de l’eau potable et des eaux usées de communes bretonnes. Ses techniciens, amenés à travailler sur les installations liées à l’assainissement sont, entre autres, exposés à des agents biologiques, dont celui responsable de la leptospirose, une zoonose transmise principalement par l’urine contaminée des rongeurs.

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Damien Larroque - 26/06/2023
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Un salarié de l'entreprise Eau du Ponant s'équipe d'une combinaison.

De nos jours, en France, l’accès à l’eau se fait à travers des gestes simples : tourner un robinet, tirer une chasse d’eau, lancer un lave-linge ou un lave-vaisselle… Mais derrière ces actes du quotidien se cache le travail de professionnels exposés à une grande variété de risques. Les techniciens en charge de la gestion des infrastructures des réseaux d’eau et d’assainissement sont confrontés au port de charge, au travail en hauteur et en milieu confiné, à des gaz toxiques et explosifs, à des dispositifs électriques… la liste est longue.

Si, du fait de ses conséquences moins immédiates, le risque biologique n’est pas en haut de la liste des priorités de ce secteur, il est néanmoins bien réel pour les équipes en charge des installations dédiées à la récupération des eaux usées et de leur assainissement. « La leptospirose est transmise par contact de la peau lésée ou des muqueuses avec une eau contaminée principalement par l’urine de rongeurs porteurs de bactéries leptospires. Outre un syndrome pseudo-grippal, cette zoonose peut entraîner une atteinte multi-viscérale potentiellement mortelle », explique Myriam Bouslama, experte d’assistance-conseil à l’INRS. La vaccination sera proposée au cas par cas par le médecin du travail en fonction de l’évolution du risque d’exposition, selon les spécificités du poste de travail.

« La leptospirose peut entraîner une atteinte à la santé potentiellement mortelle. »

Eau du Ponant, une société publique locale (SPL) qui assure la production d’eau potable et l’assainissement des eaux usées d’un tiers de la population du Finistère, en est bien consciente. « Le protocole de ce vaccin étant assez lourd – il nécessite une seconde injection quinze jours après la première, une troisième six mois plus tard, puis des rappels tous les deux ans – et puisqu’il ne s’agit pas d’une obligation, il est facilement mis de côté par les salariés, affirme Steve Bertho, directeur du contrôle qualité et du management QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement). Pour optimiser la couverture vaccinale des équipes, plutôt que de simplement leur faire une ordonnance et de les laisser acheter les doses et prendre rendez-vous chez leur médecin traitant, notre médecin du travail injecte les doses que nous lui procurons, convoquant les salariés pour chaque rappel. » Une stratégie payante puisque la quasi-totalité des 25 employés en contact quotidien avec des eaux usées sont vaccinés.

Protection individuelle

En fonction de la distance avec la station d’épuration, les eaux évacuées par les particuliers et les entreprises peuvent transiter par un ou plusieurs postes de relevage. Dans ces ouvrages profonds de 4 à 10 mètres et de diamètre allant de un mètre à plusieurs dizaines de mètres, lorsque l’eau usée atteint un certain niveau, des pompes la renvoient dans les canalisations en direction de stations d’épuration. Si pour les postes les plus petits le nettoyage est possible depuis l’extérieur, il est nécessaire de descendre périodiquement dans les plus vastes pour décrocher la matière accumulée sur les parois et les pompes, à l’aide d’un jet d’eau à haute pression, retirer le sable qui s’est déposé au fond et s’assurer du bon état de l’ouvrage.

À ce niveau-là, il n’existe pas de mesures de protection collective : la prévention du risque biologique passe par le port des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés pour se mettre à l’abri des projections. « Une combinaison intégrale, des gants épais et étanches qui remontent haut, des bottes ou des cuissardes en fonction du niveau de l’eau et un masque de protection respiratoire, filtrant gaz et particules biologiques », énumère Dimitri Lepain, technicien d’assainissement, tout en se préparant à descendre au fond du poste de Daoulas. Pour se protéger des aérosols qui peuvent être éjectés de la fosse, ses collègues restant à l’extérieur portent pour leur part des masques FFP2.

5 000 KM DE CANALISATIONS

Créée en 2010, Eau du Ponant est gestionnaire de l’eau potable et/ou des eaux usées de plus de cinquante communes finistériennes, ce qui représente près de 5 000 km de canalisations et 400 installations dont 250 postes de relevage et 30 stations d’épuration. « En fonction des contrats avec les collectivités actionnaires, nous pouvons proposer et réaliser des investissements comme des renouvellements de réseaux ou d’ouvrages », précise Steve Bertho, directeur du contrôle qualité et du management QHSE de l’établissement. L’effectif de l’entreprise est de 230 personnes, réparties entre les équipes techniques qui exploitent et maintiennent les infrastructures, comme les stations de relevage et d’épuration, des conseillers terrain, des opérateurs de travaux publics ou encore un bureau d’études et un centre d’appels pour répondre aux usagers, et tous les métiers supports, nécessaires au bon fonctionnement des activités.

Après une vingtaine de minutes de curage, Dimitri remonte à la surface pour être immédiatement rincé avec un jet d’eau. « À usage unique, la combinaison et les gants sont jetés. Nous n’hésitons pas, ces équipements sont disponibles à volonté, affirme Jérôme Masson, technicien d’assainissement lui aussi. Et, bien entendu, nous ne rentrons pas chez nous avec nos vêtements de travail. » « Nous fournissons au minimum cinq tenues par salariés. De plus, un prestataire récupère celles qui sont sales deux fois par semaine, ajoute Steve Bertho. Ainsi, les collègues ne remettent jamais de vêtements souillés. »

Un salarié de l'entreprise Eaux de Ponant descend dans un poste de relevage.

Dans la station d’épuration de Dirinon, Jérôme Millet, technicien eau potable assainissement, réalise les opérations d’exploitation courante de l’installation. Si l’eau usée constitue le même réservoir d’agents biologiques, les tâches sont moins exposantes. Le prélèvement d’échantillons dans le bassin d’aération, dans lequel les bactéries aérobies dégradent la matière organique, se fait de préférence à l’arrêt pour éviter les projections. « Mais ce n’est pas toujours possible car, pour que l’analyse soit pertinente, le prélèvement doit être homogène », explique Steve Bertho. « Dans ce cas, on porte un masque FFP2 en plus des gants, précise Jérôme Millet qui souligne l’intérêt d’un dispositif qui équipe cette station récente. Les silos de récupération des boues ont des drains vibrants. Pas besoin de les nettoyer, ce qui fait un risque d’exposition en moins », se félicite-t-il.

ESPACES CONFINÉS ET AUTRES RISQUES

Les postes de relevage sont par définition des espaces de travail confinés. Pour y intervenir en sécurité, les techniciens d’Eau du Ponant sont titulaires du certificat d’aptitude au travail en espace confiné (Catec). Les membres du service installation préparent le chantier. Ils ouvrent les accès et mettent en place le système de ventilation qui évacue gaz toxiques et inflammables dont ils mesurent les concentrations avant d’autoriser leurs collègues du service réseaux à s’introduire dans la cavité. « Nous sécurisons leur descente comme leur remontée avec un trépied auquel leurs harnais sont reliés. Ce dispositif permet aussi de les sortir rapidement en cas de problème », explique Sylvain Détré, technicien. « Les pompes sont consignées électriquement afin qu’elles ne redémarrent pas pendant le curage. Dans les ouvrages les plus importants, l’arrivée subite d’eau peut entraîner la noyade », complète son collègue Briag Mazurier.

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