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Les zoonoses et maladies vectorielles

Des zoonoses tenues à distance

Le zoo du Jardin des Plantes, au Museum national d’histoire naturelle de Paris, accueille des animaux sauvages dans un cadre aménagé. La proximité de ces animaux peut exposer le personnel à des zoonoses. Et, au-delà, les chercheurs du Museum, qui évoluent en milieu naturel, peuvent eux aussi se trouver exposés à des pathologies animales.

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Céline Ravallec - 26/06/2023
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Une soigneuse de la ménagerie s'occupe d'un orang-outan.

Une panthère des neiges diagnostiquée positive à la Covid-19… La Ménagerie du Museum national d’histoire naturelle (MNHN) de Paris a recensé durant la crise sanitaire un cas de transmission du coronavirus entre humain et animal. Cet épisode inattendu – et sans conséquence pour l’animal et ses congénères – témoigne des passages possibles de pathologies entre animaux et humains. Située au sein du Jardin des Plantes, en plein cœur de Paris, la Ménagerie abrite près de 800 animaux représentant 150 espèces, originaires de tous les continents : orang-outang de Bornéo, oryx d’Arabie, saïmiri de Bolivie, binturong, dendrolague de Goodfellow, casoar, flamant rouge… pour ne citer que ceux-là.

« Au contact de ces animaux sauvages et exotiques, les risques infectieux sont très larges, commente Aude Bourgeois, docteur vétérinaire et directrice de la ménagerie. Il paraît difficile de se prémunir de tous, d’où l’importance de définir des garde-fous en amont. » La prévention primaire, consistant à éviter en premier lieu que les animaux soient malades, constitue la première précaution pour limiter les transmissions de pathologies d’animal à humain.

Des échanges d’animaux sont régulièrement organisés entre parcs zoologiques agréés à travers le monde. Les zoos européens sont soumis au règlement 2016/429 dit « loi santé animale ». Elle spécifie un haut niveau sanitaire, en imposant l’organisation dans certains cas de quarantaines à l’arrivée ou au départ d’animaux, la présence de vétérinaires, des locaux mis en conformité… Les animaux, qui proviennent rarement directement d’un milieu naturel, font l’objet de tests avant leur arrivée afin de s’assurer qu’ils sont indemnes de certaines maladies.

Organisation et sensibilisation

En parallèle, c’est l’organisation de l’activité quotidienne à la Ménagerie qui contribue à limiter les risques de transmission de germes par contact (morsures, léchage…), possibles portes d’entrée de zoonoses. Le nettoyage des enclos, la mise à disposition de nourriture, le contrôle de l’état de santé, les soins divers sont autant d’activités qui mettent soigneurs et vétérinaires au contact des animaux. Ainsi, à la singerie, Tony, soigneur, dépose la nourriture pour les mangabeys noirs après s’être assuré qu’une grille le sépare toujours des animaux lorsqu’il entre dans leurs enclos. « Le lavage régulier des mains est le premier geste barrière, rappelle Aude Bourgeois. Le plus souvent, on le privilégie au port de gants, car plus efficace et plus hygiénique. »

Des soigneurs prennent en charge un animal.

Des pédiluves sont positionnés à l’entrée de certains bâtiments pour limiter le transfert de pathogènes. « Les soigneurs recrutés aujourd’hui sortent d’écoles de soigneurs, ils ont des notions en hygiène et santé-sécurité plus solides que les générations précédentes », poursuit-elle. Une formation annuelle hygiène et sécurité est délivrée au personnel pour rappeler les bonnes pratiques. Depuis cette année, les deux sujets, hygiène et sécurité, font l’objet de deux formations distinctes. Les jardiniers du Museum, qui ne sont pas amenés à être en contact des animaux de la Ménagerie, sont eux aussi sensibilisés aux zoonoses.

LE CAS DES FEMMES ENCEINTES

L’exposition de femmes enceintes à des zoonoses peut entraîner des risques pour le fœtus. C’est pourquoi la direction de la Ménagerie encourage les futures mamans à annoncer au plus tôt leur grossesse. « Cela permet de réorganiser les tâches au sein des équipes, notamment pour qu’elles portent moins de charges dans les premières semaines de grossesse – car nous sommes sur des métiers physiques – ou de les équiper de protections supplémentaires comme des masques FFP2, explique Aude Bourgeois, docteur vétérinaire et directrice de la Ménagerie. On les éloigne également des espèces potentiellement à risques, notamment les herbivores qui sont porteurs de germes à potentiel abortif comme la chlamydia. Ça peut aller jusqu’à un changement de secteur. L’organisation se fait en fonction des souhaits de la personne et des préconisations du médecin du travail. »

Le port d’équipements de protection individuelle est indiqué en fonction de la nature des interventions à réaliser. « Pour prévenir l’exposition au sang, on porte des gants, explique Clémence Verguin, vétérinaire. Vis-à-vis des primates, en cas de contact rapproché, on porte un masque. Et lorsqu’il s’agit d’animaux en quarantaine, on s’équipe de blouse et de sur-chaussures. » Outre la protection du personnel, ce protocole contribue également à éviter la propagation de pathogènes entre animaux. « Dans les parcs zoologiques, nous sommes en présence d’animaux sauvages vivant dans un environnement encadré, avec des procédures bien définies, un suivi de santé rigoureux, une bonne remontée d’informations, résume Nicolas Dimet, chef du service hygiène et sécurité du Museum. Le risque zoonose dans les parcs animaliers est par conséquent un des mieux maîtrisés. » D’ailleurs, les salariés exposés aux zoonoses – et aux risques biologiques en général – bénéficient d’un suivi spécifique auprès du service de prévention et de santé au travail (vaccinations, suivi des grossesses, prise en compte de certaines pathologies…).

Missions de terrain

Mais au-delà de la Ménagerie, pour le personnel du Museum qui part en mission, d’autres expositions aux zoonoses sont possibles dans le milieu naturel, où sont présents de multiples vecteurs d’agents pathogènes. « Dans le cas des missions sur le terrain, on observe deux niveaux d’exposition possibles, poursuit Nicolas Dimet : ce qu’étudient les chercheurs, lorsque leur recherche porte sur la faune sauvage, mais aussi les conditions sanitaires de leurs missions, qui les mettent parfois dans un environnement naturel à risque » : piqûres de moustiques ou de tiques qui peuvent entraîner des cas de maladie de Lyme, de dengue ou autres, chauves-souris porteuses de la rage… Selon la nature de la mission et la destination, des protocoles sont définis, avec possible vaccination (fièvre jaune, rage…), prophylaxie (contre le paludisme), prescription de répulsifs anti-insectes. Les salariés partant en mission bénéficient d’une visite médicale avant leur départ pour faire le point sur les risques encourus.

« Parmi les consignes que l’on rappelle avant un déplacement, tant en France qu’à l’étranger, il est par exemple recommandé de ne jamais toucher un animal mort sans prendre les précautions nécessaires », rappelle Véronique Caron, médecin du travail au MNHN. Le port des tenues fournies (pantalons, manches longues) contribue à la protection individuelle contre les piqûres d’insectes. Si des piqûres de tiques ont été recensées en France ces dernières années et ont fait l’objet d’une déclaration d’accident du travail, aucun cas de maladie de Lyme n’a été déclaré, du fait d’une prophylaxie efficace. Et le risque zoonose reste, semble-t-il, bien maîtrisé au sein de l’effectif du Museum.

LES CHIFFRES CLÉS

  • 31 soigneurs travaillent au sein de la Ménagerie, plus un chef soigneur et un chef soigneur adjoint, ainsi que trois vétérinaires.
  • 1794, année d’ouverture de la Ménagerie, ce qui en fait le deuxième plus vieux zoo au monde à ce jour, derrière le zoo de Schönbrunn à Vienne, fondé en 1752. La Ménagerie s’étend sur 5,5 ha en plein coeur de Paris.
  • 5 secteurs composent la Ménagerie du Museum national d’histoire naturelle : la nurserie, la fauverie, la singerie, la faisanderie et le vivarium.
  • 200 zoonoses sont recensées à travers le monde, un chiffre en augmentation du fait de zoonoses émergentes. Parmi les pathologies les plus rencontrées auprès des personnels de parcs animaliers on trouve les mycoses cutanées, la psittacose, la tuberculose.
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