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Les zoonoses et maladies vectorielles

De l’animal à l’humain, il n’y a qu’un pas

La capacité de certains agents infectieux à franchir la barrière interespèce expose à des zoonoses les professionnels qui travaillent au contact des animaux ou qui partagent leur environnement. À cela s’ajoute les maladies vectorielles transmises par les arthropodes. La prévention de ces risques biologiques consiste à éviter la formation de réservoirs et à court-circuiter la transmission à l’humain par le biais de solutions organisationnelles et techniques et du port d’EPI adaptés.

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Damien Larroque - 26/06/2023
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Un soigneur animalier.

Les zoonoses sont des maladies infectieuses capables de passer de l’animal à l’humain. Toute personne dont les activités professionnelles impliquent de manipuler des animaux, qu’ils soient vivants ou morts, ou de partager un espace souillé par ces derniers, est susceptible d’être exposée à ce type de pathologies. Ornithose dans les abattoirs de volailles, grippe aviaire dans les élevages de canards, leptospirose dans l’assainissement d’eau, maladie de Lyme en milieu forestier, etc.

Comme pour tout risque biologique, la stratégie pour empêcher les contaminations vise à rompre la chaîne de transmission. Le premier des trois maillons qui la constituent est le réservoir qui abrite les agents biologiques (bactéries, virus, parasites, prions ou champignons microscopiques). Ce peut être l’animal lui-même, ses sécrétions (salive, urines, sécrétions génitales…), ses déjections ou l’environnement souillé par cellesci (eau, locaux, outils…). Chaque agent biologique pathogène est susceptible de se transmettre à une personne à partir d’un réservoir donné selon des modes de transmission spécifiques.

En milieu professionnel, selon les cas, un travailleur peut être exposé en inhalant des aérosols (voie respiratoire), s’il reçoit des projections sur les muqueuses du visage (contact), en cas de coupure avec des objets, de griffure ou morsure par un animal, de piqûre par un insecte (inoculation) ou encore en portant ses mains ou des objets contaminés à sa bouche (voie digestive). Quant au troisième maillon de la chaîne de transmission, il s’agit de l’hôte potentiel, c’est-à-dire le travailleur lui-même.

Prévention des zoonoses et maladies vectorielles : rompre la chaîne de transmission

Isoler, traiter, et parfois abattre

Agir le plus en amont possible est l’une des clefs de la réussite en prévention. Dans le cas des zoonoses, cela signifie empêcher la constitution de réservoirs. Pour ce faire, il faut réaliser des contrôles sanitaires des animaux, les vacciner, respecter une quarantaine avant d’intégrer de nouveaux animaux au reste du groupe, empêcher l’intrusion d’animaux sauvages en installant clôtures ou filets, ou encore désinsectiser ou dératiser.

« Agir le plus en amont possible est l’une des clefs de la réussite en prévention. »

La plupart de ces actions ne sont possibles que si l’environnement est contrôlable, ce qui est le cas pour les métiers comme éleveur, vétérinaire, vendeur en animalerie, soigneur en parc zoologique ou encore salarié en abattoir… « Ces professions s’exercent dans des espaces circonscrits qui permettent d’éviter l’introduction d’animaux sauvages, explique Myriam Bouslama, experte d’assistance-conseil à l’INRS. Ce qui n’est pas le cas pour les bûcherons, les gardes forestiers, les métiers de collecte et de traitement des eaux usées et des déchets, de l’entretien des rivières, des canaux et de leurs berges… Et, plus largement, tout professionnel amené à travailler en extérieur. »

L'AVIS DE...

Éric Durand-Billaud, expert d’assistance médicale à l’INRS

« Selon l’agent biologique en cause, les zoonoses se caractérisent par leur localisation dans l’organisme de l’hôte (peau, poumons, foie…), leur gravité allant de bénigne à mortelle et leur délai d’apparition allant de quelques heures à plusieurs mois. Les effets sur la santé sont très variables (fièvre, toux, lésions cutanées, hépatites, complications cardiaques ou pulmonaires…) et dépendent tout à la fois du pathogène et de facteurs individuels. En effet, certains salariés peuvent avoir acquis une immunité après un contact avec l’agent biologique, qu’ils aient été malades ou non. Cependant, toutes les infections ne procurent pas une immunité durable. À l’inverse, les défenses immunitaires peuvent être affaiblies par une maladie ou des traitements, accentuant la sensibilité aux infections. Enfin, soulignons que certaines zoonoses, comme la toxoplasmose ou la fièvre Q, peuvent perturber le bon déroulement d’une grossesse ou engendrer des malformations chez le fœtus. »

Lorsque des maladies à potentiel zoonotique se déclarent, il est nécessaire d’isoler et de traiter les animaux atteints pour stopper la progression de l’épidémie. « Malheureusement, dans le cas de certaines pathologies animales comme l’influenza aviaire ou la tuberculose bovine, un animal malade est synonyme d’abattage du reste de l’élevage, rappelle Gaëtan Deffontaines, médecin du travail et conseiller technique national risques biologiques et zoonoses à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). L’enjeu économique, la remise en cause du savoir-faire, voire la stigmatisation par les pairs et la population générale peuvent engendrer des risques psychosociaux très importants chez ces professionnels. »

Un nombre limité de vaccins

Contrecarrer la transmission d’une zoonose est le second niveau de prévention à mettre en œuvre en évitant ou limitant l’exposition des salariés. Il existe différentes actions possibles en la matière, à choisir et à combiner en fonction, encore une fois, de la chaîne de transmission de l’agent biologique en cause. Par exemple, limiter l’accès du personnel aux lieux où séjournent les animaux malades, réduire les projections en proscrivant l’usage des jets d’eau à haute pression et éviter la mise en suspension des poussières en aspirant plutôt qu’en balayant. Il est également possible de mécaniser certaines tâches, d’installer des systèmes de ventilation et de favoriser le calme chez les animaux, notamment dans les abattoirs, de nettoyer et désinfecter locaux et matériels, de mettre en place des vides sanitaires et des procédures de gestion des déchets et des effluents.

Deux salariés chargés de l'entretien des cours d'eau.

Malgré la mise en place de ces mesures, des risques résiduels peuvent persister, et la mise en place d’une protection individuelle est souvent nécessaire. Ce qui signifie fournir les équipements de protection individuelle (EPI) adaptés (gants, combinaisons, lunettes, appareils de protection respiratoire…) et former le personnel à leur utilisation. Mais aussi mettre à disposition des moyens d’hygiène comme des vestiaires séparés pour les vêtements de ville et ceux de travail, des sanitaires… Enfin, informer sur les procédures de travail et les mesures d’hygiène individuelle demeure primordial pour que les travailleurs les comprennent et les adoptent.

UNE ZOONOSE DANS LE BTP

L’épidémie d’influenza aviaire de ces derniers mois a eu des répercussions pour les salariés de l’entreprise de travaux publics Charier. « Les cadavres de mouettes et de goélands étaient de plus en plus présents sur les chantiers situés sur les côtes atlantiques. J’ai organisé une campagne d’information par le biais des CSE des agences concernées, raconte le docteur Isabelle Gourlay, médecin du travail qui suit l’entreprise. Je leur ai fourni un document qui regroupe les consignes à respecter en période d’épidémie d’influenza aviaire. À savoir ne pas toucher les oiseaux, ne pas les attirer avec de la nourriture, se laver les mains si l’on a été en contact avec l’un d’eux et porter un masque FFP2 lorsque l’on travaille à proximité de regroupements de volatiles ou d’amas de fientes. J’ai aussi indiqué le numéro de l’Office français de la biodiversité dont les équipes se déplacent pour récupérer les cadavres et s’en débarrasser en toute sécurité. »

« En complément, une vaccination peut éventuellement être proposée, en sachant que seul un nombre limité de vaccins est disponible au regard de la diversité d’agents biologiques pathogènes existants, souligne Éric Durand-Billaud, expert d’assistance médicale à l’INRS. Il faut être conscient de l’intérêt mais aussi des limites de la vaccination en tant que moyen de prévention des zoonoses. Les mesures de prévention techniques, organisationnelles, ainsi que les EPI, sont essentiels. »

En entraînant la migration d’espèces vers de nouvelles zones géographiques, à l’image du moustique tigre qui a colonisé la quasi-totalité des régions hexagonales et qui peut être vecteur de la dengue et du chikungunya notamment, le réchauffement climatique rebat les cartes en amenant de plus en plus de travailleurs à être exposés à des zoonoses, parfois dans des entreprises qui étaient, jusque-là, épargnées par le sujet. « La recrudescence des maladies infectieuses émergentes (MIE), dont 60 % sont des zoonoses, va encore augmenter le nombre de professionnels concernés par le risque biologique. Dans les années 1970, une MIE apparaissait tous les quinze ans dans le monde. Depuis les années 2000, c’est cinq par an, avertit Christine David, responsable du pôle risque biologique du département expertise et conseil technique de l’INRS. Outre le changement climatique, ce phénomène est alimenté par la déforestation, la perte de diversité génétique due aux élevages industriels, la résistance aux antibiotiques et la mondialisation. »

MESURES D'HYGIÈNE INDIVIDUELLE

Lorsque des travailleurs sont susceptibles d’être exposés à des zoonoses, les mesures d’hygiène individuelles consistent à :

  • ne pas boire, manger, fumer ou vapoter sur les lieux de travail ;
  • éviter de manger vêtu de sa tenue de travail ;
  • se laver systématiquement les mains après contact avec les animaux, les déchets ou les déjections animales mais aussi avant les repas, les pauses, à la fin de la journée de travail, et après retrait des EPI ;
  • éviter tout contact des yeux, du nez et de la bouche avec les mains, des gants ou des objets souillés ;
  • désinfecter et protéger les plaies par des pansements étanches ;
  • prendre une douche après le travail ;
  • nettoyer régulièrement les vêtements de travail et se changer en fin de journée.
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