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Le port de charges

Construction : miser sur la collaboration en amont

En Vendée, le groupe Duret s’est adjoint les services d’un consultant pour optimiser les flux humains et de matériaux, et limiter notamment le port de charges sur ses chantiers de construction. Au programme : ateliers collectifs impliquant tous les acteurs de la conception et de la réalisation, prescriptions de solutions et suivi tout au long du chantier.

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Corinne Soulay - 04/10/2023
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Cabine conteneur agencée en micro-atelier sur un chantier.

C’est une zone de 50 ha, en pleine mutation. Il y a une dizaine d’années, à la place du quartier de la Tibourgère, situé au nord des Herbiers, en Vendée, il n’y avait que des terres agricoles. Désormais, se trouvent un bowling, un cinéma, des commerces et une zone pavillonnaire. Et d’ici à la fin 2024, 22 nouveaux logements devraient compléter le tableau au sein d’un bâtiment de trois étages, en construction. Un projet dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par le groupe vendéen Duret.

Lorsqu’on pénètre sur le chantier, ce qui frappe, c’est la signalétique. « Parking camionnettes », « Emplacement grue », « Stockage matériaux », « Déchets »… Des pancartes uniformes indiquent différentes zones, toutes précisément circonscrites. Un tapis rouge, protégé par une barrière métallique, matérialise ainsi l’allée piétonne, tandis que de larges voies de circulation mènent les véhicules, jusqu’à un dépose-minute, au pied du bâtiment. Cette organisation au cordeau est matérialisée par un Plan d’installation de chantier (PIC) dynamique, affiché dans la salle de réunion de la base-vie : sur un tableau effaçable représentant le terrain et les bâtiments à construire, apparaissent, tracés au feutre, ces différents espaces, dont la localisation est mise à jour au fur et à mesure de l’avancée du chantier. Un planning sous forme de diagramme, indiquant les dates d’intervention des corps de métier, et un tableau de réservation de la grue, complètent l’arsenal des outils de suivi.

« Un tel degré d’organisation est peu commun pour cette typologie de chantiers, pointe Maximilien Pesneau, contrôleur de sécurité à la Carsat Pays de la Loire. C’est le résultat d’une optimisation des flux, pensée en amont, et d’un travail collectif mené avec toutes les parties prenantes. » Depuis 2021, le promoteur – qui réalise 180 logements et 3 000 m2 de bureaux par an – s’est adjoint les services de l’entreprise de conseil, Lean Nov. « Nous nous sommes aperçus que nos chantiers se détérioraient, explique Simon David, directeur des programmes chez Duret Promoteur. Il y avait de moins en moins de communication entre les entreprises et donc plus de reprises d’ouvrage. Avec un impact sur les conditions de travail des collaborateurs, et une multiplication des manutentions. »

Illustration d'une mise en service anticipée d'ascenseur sur chantier.

Pour y remédier, Lean Nov propose de travailler sur quatre thèmes : la logistique et l’optimisation des flux ; la gestion des déchets ; la qualité de l’interface entre lots pour éviter les reprises (respect de l’ordre précis des interventions…) ; et la planification collaborative. Avec, pour chacun de ces axes, le même mode opératoire qui consiste à faire collaborer les acteurs de la conception et de la réalisation – maître d’ouvrage, architecte, artisans, ouvriers… –, avant même la constitution des pièces contractuelles, puis à les accompagner tout au long du chantier.

« Pour le volet logistique, par exemple, nous avons réalisé ensemble un schéma des flux : par où passent les gros colis ?, les petits ?, les ouvriers ?, à quel moment ?… Et nous avons réfléchi aux mesures nécessaires pour réduire les risques liés à la coactivité et au port de charges, détaille Thibaut Lanthiez, directeur de Lean Nov. Les prescriptions qui en ont résulté – mutualisation d’une grue ou d’un échafaudage par exemple – ont été intégrées au cahier des clauses techniques particulières des pièces du marché. » Un atelier collectif est ensuite mis en place au début de chaque phase du chantier (gros œuvre, second œuvre et finitions) pour affiner l’organisation. Puis, une fois par mois, le consultant recueille les retours du terrain des entreprises – menuisiers, électriciens, plâtriers… –, dans une optique d’amélioration continue.

Un accompagnement de la Carsat

Pour mettre en place ce système collaboratif, Duret a pu bénéficier d’une aide financière de la Carsat Pays de la Loire qui prend en charge une partie de la prestation de conseil et des solutions mises en œuvre. Parmi les mesures organisationnelles décidées aux Herbiers : l’intervention des entreprises de Voieries et réseaux divers (VRD) pour le raccordement des réseaux d’eau et d’électricité a été avancée pour coïncider avec le coulage de la chape du rez-de-chaussée. Objectif : araser le plus vite possible le terrain autour du bâtiment pour y accéder de plain-pied et sécuriser les manutentions.

Une entreprise spécialisée est, en outre, chargée de la gestion des déchets : elle met des big bags à disposition à chaque étage et des bennes de tri en pied de bâtiment. « Habituellement, chaque corps de métier gère ses déchets, donc c’est plus ou moins bien organisé et on se retrouve souvent avec des sols encombrés, souligne Maximilien Pesneau. Là, les transpalettes circulent facilement dans les étages, ce qui limite le port de charges manuel. »

LA CARSAT S’ENGAGE POUR RÉDUIRE LES MANUTENTIONS

En 2022, la Carsat Pays de la Loire lance son programme « Santé & performance sur les chantiers » auprès du Conseil des acteurs du logement (Codal), un groupe de travail régional regroupant architectes, entreprises du bâtiment, promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux... Le principe ? Encourager tous ces acteurs du BTP à collaborer pour réduire le port de charges. Trois ateliers par an, animés par un consultant en lean, une méthode visant notamment à optimiser les flux, sont organisés, pour favoriser les échanges et la recherche de solution. « Notre porte d’entrée est le port de charges, mais lorsqu’on réfléchit à la façon de déplacer une charge du fournisseur jusqu’au bâtiment, sans rupture, cela impose de se pencher sur le mode de colisage des matériaux, sur l’organisation et la logistique, les flux de matériaux et du personnel, la gestion de la coactivité… On agit donc sur les risques de chutes ou de collision, sur l’ambiance de travail et les RPS... Et on couvre finalement la prévention de tous les risques », résume Jean-Michel Bachelot, ingénieur-conseil à la Carsat Pays de la Loire.

Autres chantiers, autres mesures prévues en amont. À La Roche-sur-Yon, où un immeuble se construit dans un espace urbain contraint, des zones de préfabrication de poutres et acrotères ont été établies contre le bâtiment et une grue, mutualisée, permet l’acheminement des matériaux et l’aménagement de réserves au plus près des travailleurs. Pour éviter les allers-retours dans les escaliers, les bras chargés d’outils, des cabines conteneurs, agencées comme des micro-ateliers, ont été installées dans les étages. À 65 kilomètres de là, c’est la dernière ligne droite pour le chantier des Rives du lac, à Cholet, constitué de deux immeubles de cinq étages en brique et béton, avec finitions ossature bois. Le parquet a été posé. Peintres et plombiers sont à pied d’œuvre. Pour réduire le port de charges, la mise en service de l’ascenseur a été anticipée.

« Peu de chantiers proposent ça, remarque Christian, le peintre. Or, à chaque étage, pour une seule couche, j’utilise vingt pots de peinture de 15 kg, et autant de sacs d’enduit de 25 kg. Habituellement, je porte tout ça dans les escaliers ! » Même enthousiasme du côté de Christophe, le plombier, occupé à transporter une chaudière de 80 kg au deuxième étage : « Avec le diable et l’ascenseur, cela ne me demande presque aucun effort ! » Entre la protection de la cabine de l’ascenseur, l’installation d’un seuil rabattable et le raccordement électrique provisoire, l’investissement pour le maître d’ouvrage représente quelques milliers d’euros. « C’est un coût, mais on réduit la fatigue et l’usure des travailleurs : c’est important si on veut que les entreprises aient envie de travailler avec nous », conclut Simon David.

SUR LES CHANTIERS, LE POIDS DES CHIFFRES

Pour 1 000 m2 de plancher construit, 80 tonnes de « petits volumes » (matériaux susceptibles d’être répartis en petits colis : câbles, pots de peinture, carrelage, carreaux de plâtre…) et 48 tonnes de matériaux encombrants (lourds ou pas facilement manipulables : chaudière, groupe climatisation…) sont manutentionnées.

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