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Le port de charges

Un cobot qui en fait des tonnes à la palettisation

Dans ses deux usines de Vendée, l’entreprise Jean Routhiau mitonne toute une gamme de recettes de viandes crues et cuites. Engagée dans la prévention des risques professionnels liés au port de charges, elle a récemment fait l’acquisition d’un cobot pour palettiser certaines de ses références. Devant l’efficacité de cette solution, cette aide à la manutention va être multipliée.

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Damien Larroque - 04/10/2023
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Vue d'ensemble du cobot installé dans l'entreprise Jean Routhiau.

Il y a 45 ans, Saint-Fulgent, petite commune vendéenne, a vu la naissance de l’entreprise Jean Routhiau, à l’origine une charcuterie volaillère. Aujourd’hui, son savoir-faire se déploie dans différents domaines d’expertise. Viandes de volailles, de canard, de bœuf, de porc, d’agneau ou de veau, pour certaines crues, farcies ou non, pour d’autres cuites, en filets, tranchés ou émincés, confites et cuisinées… Le catalogue proposé aux clients, industriels de l’agroalimentaire comme professionnels de la restauration traditionnelle et collective, est vaste. La multitude de recettes mises au point au fil des années est confectionnée sur deux sites de 10 000 m2 chacun, sur la commune.

« Notre production journalière se comptant en tonnes, nous nous sommes engagés dans une démarche de prévention des risques liés au port de charges basée sur l’étude ergonomique des postes, avec pour stratégie que les produits viennent aux opérateurs plutôt que l’inverse », explique Alain Nouvellon, le directeur général adjoint de Jean Routhiau. Ainsi, les convoyeurs se sont multipliés un peu partout dans les ateliers de production. « Différentes aides à la manutention des bacs de matières premières, comme des chariots et des retourneurs, ont également été mises en œuvre », précise Nicolas Pésigot, contrôleur de sécurité à la Carsat Pays de la Loire.

Dernière acquisition : un robot collaboratif, ou cobot, afin de soulager les opérateurs aux postes de palettisation. « Dans un premier temps, nous avons étudié l’option du robot. Mais l’encombrement dû à la taille de tels dispositifs auxquels il faut ajouter l’espace nécessaire pour les encager, ainsi que le coût élevé de ce type d’équipement ne nous donnait pas satisfaction », se remémore Guillaume Bluteau, responsable de l’unité carpaccio/viande farcie. C’est en échangeant avec un intégrateur qui travaillait déjà avec l’entreprise que la piste du cobot émerge. Conçu pour permettre les interactions étroites avec les travailleurs, il ne nécessite pas obligatoirement la mise en place de barrières, matérielles ou immatérielles.

Deux tonnes par jour

Installé au bout de la ligne de production des assiettes de carpaccio depuis le début de l’année, le modèle choisi par Jean Routhiau consiste en un bras articulé, sans angles saillants, dont l’extrémité pourvue d’une plaque d’aspiration fait ventouse pour se saisir des cartons qui arrivent jusqu’à lui sur un convoyeur. L’automate les dispose au fur et à mesure sur une palette. Programmé pour ne se déplacer que dans les limites définies par le tapis roulant et la palette, il ne risque normalement pas de heurter les opérateurs passant à proximité. « Et si cela devait se produire, il n’y aurait aucune conséquence. À la moindre résistance, le bras s’arrête, démontre Guillaume Bluteau en positionnant sa main sur le trajet du cobot qui s’immobilise immédiatement. L’impact n’est pas assez fort pour blesser quelqu’un car la vitesse de déplacement du bras est moindre que celle des robots classiques. Avec une cadence moyenne, ce n’est pas un problème. Au contraire, un robot aurait été surdimensionné de ce point de vue également. » « Baisser la cadence, c’est moins d’arrêts de lignes et c’est plus efficace au final, estime Alain Nouvellon. En diminuant la pénibilité, le travail est plus fluide et la performance s'en trouve améliorée. »

AILLEURS ET AUTREMENT


©Gaël Kerbaol/INRS/2023

Le cobot qui palettise les assiettes de carpaccio n’est pas le premier acquis par le groupe Routhiau. La société « Tendance Créative » en utilise un depuis la fin de l’année 2022 pour poser le couvercle sur les bocaux de mousse au chocolat qu’elle fabrique. De quoi réduire drastiquement les gestes répétitifs des opérateurs. Et du côté de la principale entreprise du groupe, les évolutions de produits vont conduire à une prochaine évolution de l'équipement : « Nous venons de lancer des recettes cuisinées en bocaux de verre. Pour pouvoir utiliser le cobot pour les palettiser, il faudra adapter son système de préhension car les cartons pour ces références sont ouverts. Le système de ventouse devra donc être remplacé par des pinces permettant de saisir et de déposer les cartons sans casse », indique Alain Nouvellon, directeur général adjoint de Jean Routhiau.

« Les colis de carpaccio font de sept à neuf kilos. Chaque jour, les opérateurs qui réalisaient les palettes à la main déplaçaient autour de deux tonnes, explique Élodie Meunier, responsable de secteur qui officie depuis quatorze ans au conditionnement chez Jean Routhiau. Alors ce cobot, c’est une véritable révolution. Il soulage les bras et les épaules mais, en plus, avec ses différents programmes, il diminue la charge mentale. Plus besoin de réfléchir à la manière de réaliser la palette, le logiciel le fait pour nous. » En effet, l’adaptabilité du système est l’une des caractéristiques qui a convaincu l’entreprise. En fonction des données qui sont implémentées, le cobot peut déplacer des contenants de tailles variées et tenir compte de ces dimensions ainsi que des exigences des clients pour constituer les palettes les plus stables possibles.

Vue de la ligne de conditionnement de l'entreprise Jean Routhiau.

Ainsi, pour augmenter le nombre de salariés bénéficiant de l’aide du cobot, la ligne de conditionnement des volailles farcies, où sera définitivement implanté le dispositif, va évoluer pour pouvoir accueillir les assiettes de carpaccio. « Et nous allons équiper progressivement nos autres postes de palettisation. Le prochain sur la liste est celui de la ligne des viandes cuites qui doit en être pourvue en 2024, affirme Alain Nouvellon. En améliorant les conditions de travail, nous sommes également mieux à même de recruter et fidéliser des collaborateurs. Notre bassin d’emploi étant ultra-saturé, les salariés n’hésitent pas à quitter les entreprises qui ne sont pas à la hauteur sur le sujet. » Ou quand la prévention bénéficie aussi à l’attractivité.

LE GROUPE ROUTHIAU

La petite charcuterie vendéenne créée en 1978 par Jean Routhiau est devenue, quatre décennies plus tard, un groupe dont le chiffre d’affaires s’élève à 77 millions d’euros. Resté familial, celui-ci emploie 380 salariés au sein de quatre PME : « Tendance Créative » (desserts), « Les Trois d’Asie » (plats asiatiques) ainsi que « Simplement Végétal » (plats cuisinés de légumes) qui doit prochainement être absorbé par la quatrième, à savoir « Jean Routhiau », la société historique portant le nom de son fondateur. Cette dernière, à l’origine de 80 % du chiffre d’affaires du groupe, possède une expertise reconnue par les acteurs de l’agroalimentaire sur la qualité de la viande et sur les cuissons (braisée, fumée, rôtie, bouillie…). « Beaucoup de restaurateurs se tournent vers nous pour compenser leurs difficultés à recruter des salariés », affirme Alain Nouvellon, le directeur général adjoint de Jean Routhiau.

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