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Les poussières

De la carrière à l’usine, identification et réduction des expositions aux poussières

En matière de prévention des risques liés aux poussières, le groupe Sibelco, spécialiste de l’extraction et du traitement de sables extra-siliceux et de la silice broyée, assure une veille permanente qui conduit à mettre en place des actions d'amélioration des conditions de travail. De la carrière de Crépy-en-Valois au site de broyage de Compiègne, dans l’Oise, de nombreux outils et méthodes sont déployés dans ce sens.

7 minutes de lecture
Grégory Brasseur - 02/05/2024
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Un salarié de l'entreprise Sibelco équipé d'EPI.

1 121 jours sans accident du travail. L’affichage, fin février, à l’entrée de la carrière d’extraction de sable extra-siliceux de Crépy-en-Valois, dans le département de l’Oise, témoigne des efforts menés par l’entreprise Sibelco en matière de prévention des risques professionnels. Il ne faut toutefois pas oublier que l’un des risques majeurs de l’activité est invisible. Il est lié à l’inhalation de poussières de silice cristalline, un minéral qui peut provoquer des maladies graves telles que la silicose ou le cancer du poumon. De la carrière, étendue sur 125 hectares, à l’usine, où le sable est lavé, calibré, séché et broyé, une gestion permanente des émissions de poussières est nécessaire afin de réduire les expositions professionnelles au niveau le plus bas possible.

Le sable extrait est destiné à de nombreuses applications : bâtiment, fonderies, verreries, terrains de sport, peintures, circuits imprimés… « Une partie de la production, le produit brut, est chargée dans les camions pour le marché de la construction, tandis que l’autre est lavée et séchée dans l’usine. Il en sort un sable sec ou humide. 80 à 100 camions sont chargés chaque jour, explique Philippe Carré, responsable d’exploitation de la carrière. En période sèche, on arrose les pistes pour éviter la remise en suspension des poussières lors des campagnes de terrassement. »

Vue d'ensemble d'une carrière de l'entreprise Sibelco.

L’accès aux lieux d’extraction est réservé aux chargeuses, qui circulent vitres fermées. Ces engins sont équipés d’un dispositif de filtration de l’air neuf introduit par la ventilation et la cabine est en surpression pour éviter toute entrée de polluants par les défauts d’étanchéité. Régulièrement, l’entreprise réalise des mesures à l’intérieur des véhicules utilisés dans la carrière. L’occasion pour Pauline Durbas, manager hygiène et sécurité des sites de Picardie, d’échanger avec les équipes sur les risques professionnels et les dispositifs de prévention. « En matière de sécurité, encadrant ou non, tout le monde est acteur. Chez Sibelco, on encourage la remontée d’informations, stipule Erwann Mathieu, le directeur du site. Nous avons progressé sur la montée en compétences internes. Il nous faut encore aller plus loin auprès des intervenants extérieurs. » Souvent, les informations recueillies sur le terrain donnent lieu aux actions les plus remarquables.

Éloigner les travailleurs des poussières par l'automatisation

Dans l’usine, où le sable extra-siliceux est transformé, la salle de contrôle est en surpression. Située au-dessus du poste de chargement, elle accueille l'équipe qui supervise les opérations. À la demande de clients, un prélèvement d’échantillon est parfois nécessaire. Cette opération a lieu pendant le chargement qui dure quelques minutes, dans des conditions qui, longtemps, n’étaient pas optimales. « L’opérateur devait mettre un masque, quitter son poste et sortir faire le prélèvement sur une bande transporteuse en mouvement », remarque Arthur Pigerol, chef d’équipe.

Sollicitée en interne sur les risques liés à cet enchaînement d’étapes, l’entreprise a mis en place un échantillonneur automatique : le prélèvement arrive désormais directement dans la salle de contrôle, avec un dispositif de vanne fermée par défaut pour éviter la formation d’un nuage de poussière à la sortie. « Des mesures au photomètre - un analyseur de poussières en temps réel, utilisé couplé à l’utilisation d’une webcam - ont permis d’évaluer l’efficacité du dispositif. Et les résultats sont très satisfaisants », complète Pauline Durbas. Aux différents étages de l’usine, les interventions autour des cribles et convoyeurs doivent rester ponctuelles : prises d’échantillons, nettoyage, réglage…

AU LABO

Sur le site de Crépy-en-Valois, le laboratoire d'analyses granulométriques et chimiques a été conçu équipé des aménagements nécessaires pour assurer la sécurité des salariés. Christelle Bourgois procède aux manipulations dans un local dédié et ventilé, travaillant sous un bras aspirant ou sur une table aspirante suivant les opérations.

Pour le nettoyage, on trouve partout des prises de raccordement de flexibles d'aspiration, avec rejet de l’air à l’extérieur après filtration. Lors de ces opérations, un masque de type FFP3 – a minima – est obligatoire. En différents lieux de l’usine, un stock de masques est disponible. « Nous avons plusieurs choix de masques pour laisser à chacun la possibilité d'opter pour celui qui lui est plus adapté », explique Erwann Mathieu.

Une partie du sable produit est envoyée à Compiègne, dans l’unité de broyage où des cagoules ventilées avec adduction d’air sont cette fois systématiquement utilisées. « Plusieurs cagoules ont été testées par les salariés pour voir comment sont perçus l’arrivée d’air et le port du moteur au niveau de la nuque ou à la ceinture, précise Fabien Devillechaise, manager hygiène et sécurité des sites d’Île-de-France. L’ensemble des équipements de protection individuelle (EPI) fait l’objet de tests par les opérateurs avant adoption. Le groupe Sibelco envisage d'acquérir sous peu un système d'essai d’ajustement des masques. »

Ces « fit test », réalisés avec une personne formée, permettent de repérer, pendant que l’opérateur effectue divers mouvements, un éventuel relâchement ou une perte d’étanchéité du masque. Une évaluation régulière sera programmée pour chaque opérateur. « Cet outil a un fort impact pédagogique pour montrer l’importance de bien porter et ajuster un masque. Avec un EPI, on a parfois à tort le sentiment d’être systématiquement protégé », poursuit Pauline Durbas.

Du sable à la silice

À une vingtaine de kilomètres, l’usine de broyage de Compiègne reçoit les sables des carrières de Crépy-en-Valois, Nemours et Montgru-Saint-Hilaire. « Ici, nous avons une problématique avérée de silice micronisée », annonce d’emblée Gilles Thieux, le directeur du site, où travaillent neuf salariés. On y produit des sables siliceux et de la silice broyée, avec un conditionnement en big bags ou en sacs. Le process est largement automatisé, les opérations qui peuvent l’être sont réalisées en système clos et les postes de travail sont équipés d’un dispositif de captage des poussières à la source raccordé à l’aspiration centralisée.

Vue d'ensemble de la salle de supervision des opérations.

La supervision a lieu dans un laboratoire en surpression, pour une présence humaine dans l’usine réduite au strict nécessaire. « On intervient pour les rondes ou les activités de maintenance, toujours avec le masque ou la cagoule ventilée », confirme Gaëtan Boutteville, un technicien de maintenance. Nous assistons, au niveau du remplissage des big bags de sable, à un contrôle de l’empoussièrement de l’atmosphère de travail que Pauline Durbas réalise auprès des opérateurs. Avant de rejoindre les vestiaires, un passage par la douche à air est obligatoire : le personnel, équipé de ses EPI, pénètre dans une cabine close dans laquelle des jets d’air comprimé sont utilisés pour décontaminer partiellement la tenue. L’INRS est intervenu récemment dans le cadre d’une étude pour évaluer la pertinence du dispositif.

Éviter tout contact avec le matériau

« En quelques années, on a vu dans l’usine des évolutions majeures », constate Thierry Ghillebert, le responsable de production. Système complet en dépression au niveau des broyeurs, transport des produits broyés par aéroglissières en dépression, automatisation totale d’un broyeur, ajout d’une cornière sur un autre pour éviter les fuites et réintroduire le produit dans le process… Le plus emblématique concerne l’ensachage de la silice, une opération longtemps restée manuelle. « Nous avons une ensacheuse automatique dans une salle en dépression avec contacteur de porte et démarrage asservi à la fermeture de la porte, explique Gilles Thieux depuis une salle voisine en surpression elle aussi, dans laquelle s’effectue le contrôle. Nous avons travaillé avec le fabricant pour améliorer l’étanchéité des sacs, qui sont soudés au niveau de l’ensacheuse. »

LE TÉMOIGNAGE DE...


© Patrick Delapierre pour l'INRS/2024

Fabien Devillechaise, manager hygiène et sécurité  des sites d’Île-de-France de Sibelco

« En France, la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) pour la silice cristalline est fixée à 0,1 mg/m3. Chez Sibelco, nous nous fixons un seuil de 0,05 mg/m3 à ne pas dépasser. Par ailleurs, alors que la réglementation impose trois contrôles annuels d’exposition aux poussières, le groupe a décidé d'en systématiser six pour tous les groupes d’exposition homogènes (bureaux, laboratoire, maintenance, chargement, conduite d’engins), en été comme en hiver afin d’évaluer l’influence des conditions climatiques. »

La zone est nettoyée une fois par semaine et avant toute intervention de maintenance par un opérateur équipé d’un masque à adduction d’air. « Autre point fort : la récupération des sacs de silice défectueux, écartés de la production, se fait par l’intermédiaire d’une boîte à gants reliée à l’aspiration centralisée, pour éviter tout contact avec le sac vidé et le matériau réinjecté dans le process », remarque Fabien Devillechaise.

À partir des observations remontées par les équipes, la recherche de solutions est permanente. L’entreprise multiplie les mesures en temps réel de concentration de poussières couplées à un système de vidéo à l’aide d’une caméra portable en situation régulière et à chaque changement important de mode opératoire. Cela permet d’établir des cartographies des niveaux d’exposition à la poussière et de les relier aux opérations réalisées. Ainsi, ces contrôles peuvent mettre en évidence des sources, des fuites, des dysfonctionnements et conduire les collaborateurs à s’impliquer dans la recherche de solutions et le déclenchement d’interventions rapides ou d’actions correctives. L’un des derniers axes de réflexion : l’installation de détecteurs fixes couplés à un affichage pour avertir d’un éventuel danger avant l’accès à une zone.

EN BREF

Sibelco extrait, traite et vend, à travers le monde entier, des minéraux industriels spécialisés, en particulier de la silice. Le groupe emploie 5 100 personnes sur 120 sites dans 31 pays, et exploite en France une vingtaine de carrières et d’usines et six centres techniques. Il a inscrit le risque lié aux poussières de silice cristalline alvéolaire parmi les sept risques prioritaires de l’activité avec les risques miniers et géotechniques, ceux liés à l’interface entre équipements mobiles et piétons, les chutes de hauteur, le contact avec les énergies et les machines, les entrées en espaces confinés et enfin les incendies et urgences.

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