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Les poussières

Dans son nouvel atelier la menuiserie Baldini réduit les poussières de bois

Sous l’impulsion de son repreneur, la Menuiserie Baldini est repartie de zéro, avec notamment la construction d’un nouvel atelier. L’occasion de prendre en compte les conditions de travail, et en particulier la gestion des poussières de bois.

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Céline Ravallec - 02/05/2024
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Vue d'ensemble de l'atelier de la menuiserie Baldini.

En reprenant en novembre 2019 la Menuiserie Baldini, fondée en 1948, Jean Malingrey s’est lancé dans une aventure professionnelle d’ampleur, pour ne pas dire un défi personnel. L’entreprise, spécialisée dans la fabrication et la pose de menuiseries classiques de bâtiments, employait à l’époque douze salariés. Organisée sous la forme d’une Scop (société coopérative de production), son activité périclitait. Des transformations de fond s’avéraient nécessaires pour la relancer. « Déjà, l’ancien bâtiment posait problème, l’accès au site pour les livraisons obligeait à des manœuvres, il n’y avait pas de lumière naturelle dans les ateliers, mais en plus, les outils de travail étaient obsolètes… », explique-t-il.

S’il y a eu une première phase d’investissement pour moderniser le parc machines, il s’est vite avéré que l’environnement de travail ne pouvait pas être amélioré. Le nouveau gérant décide alors de recréer une usine sur la commune de Fléville-devant-Nancy, en partant d’une feuille blanche. N’étant pas du métier, Jean Malingrey a beaucoup observé et questionné les salariés sur tous les sujets aux différentes phases de la conception : implantation des machines, agencement des espaces de travail, flux des pièces… Tout a été décidé en questionnant leurs besoins, leurs pratiques.

Consulter les salariés en amont de la conception

« Faire participer les salariés à un tel projet est un gage de réussite, car les décisions sont prises en tenant compte de la réalité et des contraintes de l’activité », observe Benoît-Yves Lozach, contrôleur de sécurité à la Carsat Nord-Est. Et la découverte du nouvel atelier, investi en novembre 2023, donne une véritable impression de modernité : des fenêtres en hauteur laissent entrer largement la lumière naturelle, l’ambiance sonore est calme, les espaces entre les différentes machines sont aérés, le flux des pièces suit le principe de marche en avant. En extérieur, une zone de circulation ceinture le bâtiment pour que les camions n’aient pas à manœuvrer.

Parmi toutes les réflexions menées dans le cadre de ce projet, la question du risque lié aux poussières de bois a naturellement été prise en compte très tôt. Les poussières de bois sont des agents cancérogènes. L’objectif est donc : faire en sorte qu’il y en ait le moins possible en suspension dans l’environnement de travail - la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) sur 8 heures en atmosphère de travail pour les poussières de bois inhalables est de 1 mg/m3. Dans le nouvel établissement, un convoyeur, sorte de gros conduit d’aspiration, traverse tout l’atelier au niveau du plafond. C’est l’élément central de la menuiserie. Machine de découpe, plaqueuse de champ, centre d’usinage… chaque machine y est reliée par son système d’aspiration à la source.

POUSSIÈRES DE BOIS ET EFFETS SUR LA SANTÉ

Les poussières de bois peuvent induire des pathologies respiratoires et cutanées. Le dépôt répété de poussières dans les voies respiratoires supérieures peut être à l’origine de cancers naso-sinusiens (cancers primitifs des cavités nasales et sinusiennes). Les poussières de bois, quel que soit le type du bois, sont classées comme cancérogènes du groupe I (cancérogène avéré pour l’homme) par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer). Les poussières fines atteignant le poumon profond peuvent y provoquer des lésions définitives graves comme la fibrose pulmonaire. Enfin, les poussières de bois peuvent provoquer des lésions d’irritations aussi bien au niveau de la peau que des muqueuses et entraîner des phénomènes allergiques (eczéma, rhinite, asthme) chez certains sujets. Les premiers symptômes des cancers dus aux poussières de bois sont souvent bénins : sensation d’obstruction nasale, de présence d’un corps étranger dans le nez, écoulement ou saignement. Le fait que ces symptômes soient limités à un seul côté et durables doit inciter à la méfiance.

C’est via ce convoyeur que transite la majeure partie des poussières. Celles-ci sont ensuite acheminées vers une presse située dans un local séparé, où sont formées des briquettes qui alimentent la chaudière de l’atelier. Un clapet automatique s’actionne sur chaque machine dès qu’elle est mise en marche. Cela présente le double intérêt de ne pas oublier de l’actionner en allumant la machine, ni de l’éteindre lorsqu'elle s'arrête. « Et si à l’avenir on doit changer ou déplacer une machine, ça ne posera aucun problème par rapport à cette installation, tout est prévu », poursuit le gérant.

Compromis entre santé et écologie

Pour aboutir à cette configuration, il a fallu composer avec des considérations paradoxales. « On est confronté à une contradiction entre l’idéal pour la santé et l’idéal économique et écologique, constate Jean Malingrey. À savoir entre ce que demande la Carsat – que l’air filtré soit rejeté à l’extérieur, même si la réglementation autorise qu’il soit réinjecté en intérieur, sous conditions – et les considérations environnementales et économiques visant à réduire les consommations énergétiques. » Ici, le volume d’air de l’atelier est intégralement renouvelé trois fois par heure. Avec un tel débit, il apparaissait difficile d’y maintenir un confort thermique, tant en hiver qu’en été, si l’air filtré partait à l’extérieur. L’entreprise a renoncé à une aide financière de la Caisse régionale pour opter pour un système qui réinjecte l’air en intérieur après filtration et contrôles réguliers.

Vue d'une machine reliée au convoyeur par le système d'aspiration à la source.

« Ça n’a plus rien à voir en matière de conditions de travail et d’empoussièrement, constate Hervé Poulet, chef d’atelier. Dans l’ancien bâtiment, le sol était trop dégradé pour passer l’aspirateur, on ne pouvait que balayer. Ici, on fait un bon nettoyage tous les vendredis après-midi, on constate qu’on déplace beaucoup moins de poussières même s’il y en a encore un peu. » Et y aurait-il des choses à modifier si c’était à refaire ? « Peut-être que la mezzanine près du centre d’usinage aurait pu être installée 50 cm plus haut, ou, idéalement, il aurait fallu de plus grandes baies vitrées, mais la configuration du terrain, en pente, ne nous l’a pas permis », répond-il.

Le filtre de l’aspiration a été installé en extérieur, pour préserver l’équipe du bruit et ne pas empiéter sur l’espace de travail intérieur. Deux brides sont déjà prévues pour y brancher ultérieurement un système d’aspiration des plus fines particules en suspension en cours de développement. Une des particularités est qu’il s’agit d’une installation d’occasion, rachetée à une menuiserie bretonne qui avait fermé. « On peut avoir de la bonne qualité d’occasion au prix de la mauvaise qualité neuve », estime encore Jean Malingrey, ingénieur de formation qui n’a pas peur de faire réviser ou réparer certaines parties mobiles pour garantir le bon fonctionnement des équipements. Ici, la mezzanine, le robot aspirateur, les luminaires, les radiants au plafond… pour n’en citer que quelques-uns, sont de seconde main.

CONCEPTION DU BÂTIMENT À L’AIDE DU BIM

Devant son écran, Kevin Dobson, dessinateur, présente les plans en 3D des nouveaux locaux de la Menuiserie Baldini. Suivant le principe du BIM (building information modeling), tout y est fidèlement représenté comme dans la réalité. Chaque pilier, chaque machine, chaque rack de stockage est modélisé. Grâce à cet outil, « on peut définir l’espace nécessaire autour de chaque machine pour son bon fonctionnement, la zone dont a besoin le salarié pour réaliser ses tâches », explique le dessinateur industriel. Une cinquantaine de versions ont été nécessaires avant d’aboutir au projet final. Cela a permis de définir très tôt, en cours de projet, la position de chaque élément, afin d’aboutir à l’activité la plus fluide possible pour toutes et tous.

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