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Les poussières

Abattoir : une installation d’accrochage des volailles qui se dépoussière

À Sérent, dans le Morbihan, l’entreprise d'abattage et de transformation Celvia Poulet a totalement repensé les postes d’accrochage des volailles, ainsi que la manutention en amont des conteneurs. La réduction de l’exposition aux poussières provenant des animaux et l’amélioration de l’ergonomie ont fait partie du programme.

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Grégory Brasseur - 02/05/2024
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Vue de deux salariés en situation de travail.

C’est une avancée qui permet de redéfinir les standards pour l’une des tâches les plus difficiles de l’activité. En 2023, Celvia Poulet, entreprise spécialisée dans l’abattage et la découpe de poulets, qui emploie 400 salariés à Sérent, dans le Morbihan, a reçu la distinction « Inn situ, concevoir pour prévenir », attribuée par la Carsat Bretagne, pour la conception de son nouveau poste d’accrochage des volailles. Ainsi, toute la gestion du projet, qui visait l’amélioration de la sécurité du process et de la manutention des conteneurs à l’accrochage, a été récompensée. L’usine, qui fait partie, avec onze autres sites, de la Société bretonne de volailles (SBV), filiale du groupe LDC, destine sa production à la restauration hors domicile et aux industriels.

Chaque semaine, jusqu’à 400 000 poulets XXL, pesant 3,3 kg pièce, sont suspendus sur les lignes par des opérateurs exposés à des risques de troubles musculosquelettiques (TMS), des risques mécaniques et des risques biologiques. Les poussières provenant des animaux, de leurs fientes, de leurs plumes, contiennent de nombreuses bactéries, dont la bactérie Chlamydia psittaci, responsable de l’ornithose, une infection qui peut prendre des formes graves. « Il y a 40 ans, quand j’ai commencé à accrocher des volailles, au bout d’une heure, on était dans un nuage de poussière », se souvient Michel Dany, responsable d’atelier. À quelques mois de la retraite, il retrace avec émotion le chemin parcouru : « Ça a changé la vie des gars ».

Structurer la démarche de conception

Dès 2012, la rénovation du cœur de l’usine a été entamée. En 2018, il a fallu s’occuper des quais d’accrochage car l’installation était vétuste, les conditions de travail difficiles et les pannes nombreuses. « Le projet de rénovation du quai a été lancé en 2020, se remémore Stéphane Mignot, le directeur de l’usine, et la Carsat Bretagne a très vite attiré notre attention sur la nécessité de se structurer et de se faire accompagner par un cabinet de conseil en ergonomie. »

L’entreprise fait appel à Ergonova, du collectif Ergo Réseau de la Carsat. Un comité de pilotage est formé avec, autour du directeur d’établissement, des acteurs internes – comme l’équipe projet industriel ou l’animateur prévention –, et externes, notamment les équipementiers et les transporteurs. « Nous avons réuni ces compétences et intégré dans la durée les membres de la CSSCT aux réflexions. Pour susciter l’adhésion, il fallait mettre la dimension humaine au cœur du dispositif », confie Gwenaël Fermou, à la tête du groupe de pilotage. L’étude ergonomique permet de revoir le circuit d’approvisionnement.

HYGIÈNE RENFORCÉE

Celvia Poulet a fait entendre ses exigences de sécurité à son équipementier sur la conception du quai d'accrochage. Le dispositif automatisé dès l’entrée des conteneurs sur le convoyeur est notamment conçu pour limiter les manutentions et la mise en suspension de poussières issues des volailles. Les réflexions ont également porté sur l’amélioration du nettoyage et de la désinfection des conteneurs et la nettoyabilité du process de plain-pied.

À la demande de Pierrick Prie, co-pilote du projet en charge de la partie process, le fournisseur repense l’acheminement des camions sur le site, choisit de nouveaux conteneurs de volailles, des chariots de manutention, réfléchit à un mode de convoyage automatique jusqu’au dépilage, anticipe le nettoyage… pour intégrer de nouvelles exigences de sécurité, de qualité et d’hygiène. « Pour les aspects relatifs aux poussières, à la ventilation des locaux, ou à la glissance des sols, j’ai demandé l’intervention du Centre interrégional de mesures physiques de l’Ouest (Cimpo) », ajoute Philippe Dubois, contrôleur de sécurité à la Carsat Bretagne.

Des caissons aspirants pour capter les poussières à la source

Ali Mtsouga Mchangama est opérateur au poste d’accrochage : « On a un bon recul pour travailler et une plate-forme réglable en hauteur pour accéder facilement aux crochets. » Avec ses collègues, il travaille sous une lumière bleue, dont l’intensité modifiable permet de réduire le stress et l’agitation des poulets avant l’accrochage. « Si c’est bien pour les volailles, c’est bien pour nous. On a la climatisation ou le chauffage. Et la poussière, on n’en voit même plus », commente Lassana Coulibaly.

« Lors de notre première intervention, j’avais présenté le cahier des charges et le guide de l'INRS sur l’accrochage des volailles, en demandant qu’ils soient transmis aux fournisseurs d’aspiration et de compensation d’air, évoque Samuel Morin, contrôleur de sécurité au Cimpo. Il est important qu’ils travaillent ensemble car le débit d’aspiration détermine le débit de soufflage. » Face aux accrocheurs, des caissons aspirants permettent de capter les poussières à la source et servent de tôles antistress pour les poulets. L’ajout d’un système de compensation d’air mécanique, avec une diffusion basse vitesse, permet d’avoir un flux d’air tempéré homogène descendant au niveau des voies respiratoires.

PARTICIPATION ET ÉCOUTE

Accrocheurs, caristes, agents de propreté, chauffeurs… ont participé aux visites de sites références, simulations 3D et essais de prototypes. La communication a été maintenue tout au long du projet et les besoins de formation pris en compte. Le retour d’expérience a ensuite conduit à l’ajout de points de lumière bleue dans l’environnement des caristes et de la saignée, et à une modification au poste d’accrochage pour que l’activité ne se fasse que face aux caissons aspirants.

« Les gaines poreuses sont préférables pour ne pas avoir de turbulence ni de brassage d’air, ce qui risquerait de remettre en suspension des poussières », insiste le spécialiste. « En cours de projet, une modélisation 3D avait été présentée et un prototype de poste d’accrochage testé par les opérateurs », indique Manon Le Roux, coordinatrice sécurité environnement. Un franc succès qui, depuis la mise en service de l’installation en avril 2021, n’a pas été démenti. En septembre de la même année, le Cimpo et l’unité Pathologies professionnelles chimie (3PC) sont intervenus pour vérifier l’efficacité aéraulique du dispositif et le respect des concentrations à ne pas dépasser dans les locaux à pollution spécifique.

Ces mesures ont permis d’identifier un biais : dans le virage du convoyeur, un opérateur pouvait procéder à l'accrochage sans être positionné face à l’aspiration. Une barrière empêche désormais d’accéder à cette zone et le retour d’expérience sera utile pour les futures conceptions. « Notre quai va servir de référence pour le groupe. D’autres sites ont d'ores et déjà été aménagés suivant le même principe, affirme Stéphane Mignot. Un consultant en ergonomie nous accompagne dans tous les projets de conception de lieux et situations de travail, avec l’idée d’agir en amont sur toutes les dimensions relatives à la sécurité, pour que chacun se sente mieux dans son poste. »

UNE EFFICACITÉ MESURÉE

En septembre 2021, après la mise en service du nouveau quai d’accrochage, le Centre interrégional de mesures physiques de l’Ouest (Cimpo) est venu vérifier les performances aérauliques de l’installation de ventilation, s’assurant notamment de l’homogénéité du flux d’air. Des prélèvements atmosphériques ont également été réalisés. Les mesures en poussières inhalables étaient en moyenne de 3,7 mg/m3, donc inférieures à la valeur de 5 mg/m3 considérée par le groupe, à l’époque, comme la valeur de référence. L’ancienne limite réglementaire pour les poussières (10 mg/m3) était en effet jugée trop élevée pour les poussières émises à l’accrochage des volailles. Au 1er janvier 2022, celle-ci a été modifiée, passant à 7 mg/m3, puis à nouveau abaissée à 4 mg/m3 depuis le 1er juillet 2023.

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