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Les poussières

Quelle conception pour réduire l'exposition à la silice cristalline dans un laboratoire de prothèse dentaire ?

Pour la conception de ses nouveaux locaux, le laboratoire Forest, spécialisé dans la fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire à Riom, dans le Puy-de-Dôme, a suivi les préconisations de la Carsat Auvergne en matière de prévention des risques professionnels. En particulier ceux liés à la silice cristalline, présente dans les matériaux de revêtement, les abrasifs et les produits de polissage.

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Grégory Brasseur - 02/05/2024
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Une salariée de l'entreprise Forest en situation de travail.

Autour des postes en étoile de l’atelier, chacun s’applique à l’une des minutieuses opérations qui, mises bout à bout, vont permettre de recréer des sourires. Le laboratoire Forest fabrique des prothèses dentaires fixes ou mobiles pour une quinzaine de dentistes prescripteurs. En 2022, il a inauguré de nouveaux locaux à Riom, dans le Puy-de-Dôme. L’ancien site, en zone urbaine, présentait de nombreuses contraintes, en termes de place ou de mise en œuvre d’une installation de ventilation optimale.

Les prothésistes dentaires sont des artisans. Il suffit d’observer les cinq salariés pour se rendre compte de la nécessaire maîtrise de techniques bien spécifiques telles que la sculpture, le modelage, la fonte d’alliage, l’application de poudre de porcelaine ou encore le sablage. Lors de leurs activités, ces professionnels sont en particulier exposés à des produits chimiques et aux poussières de silice cristalline, qui peuvent être responsables notamment de la silicose, pathologie professionnelle bien connue dans la profession, qui est une atteinte pulmonaire grave consécutive à l'inhalation répétée de la silice cristalline.

RISQUES CHIMIQUES

Les polluants rencontrés pour la fabrication de prothèses dentaires sont nombreux : la silice cristalline (matériaux de revêtement, poudres de céramique, abrasifs de sablage, produits de polissage…), les alliages métalliques (nickel, chrome, cobalt…), les cires, les résines. Certains étant des agents cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques, la substitution est la mesure de prévention prioritaire. Lorsque celle-ci n’est pas applicable, il faut rechercher le niveau d’exposition le plus bas possible en donnant la priorité à la prévention collective.

C’est le cas lors de phases de travail comme la préparation du revêtement, la casse du cylindre dans lequel sont coulés les modèles ou encore le sablage, qui permet d’éliminer les résidus de matériau réfractaire adhérant à la prothèse. « Ce déménagement nous donnait l’opportunité de nous interroger sur ce que l’on pouvait conserver et corriger, pour faire le maximum dès la conception du laboratoire. Après, c’est toujours plus difficile », explique Henri Forest, le dirigeant. Dans sa réflexion, il s’appuie sur l’expertise technique de la Carsat Auvergne.

Une entreprise ciblée Risques chimiques Pro 

En 2020, le laboratoire Forest est suivi dans le cadre du programme Risques chimiques Pros de l’Assurance maladie-risques professionnels. Corinne Daffix, contrôleuse de sécurité à la Carsat Auvergne, demande l’intervention du Centre interrégional de mesures physiques d’Auvergne (Cimpa) pour réaliser des mesures aérauliques au niveau des différents postes de travail. Cet état des lieux amène l’organisme à faire des préconisations pour la conception du nouveau laboratoire.

« Pour établir un cahier des charges, nous nous sommes appuyés sur le guide pratique de ventilation pour la fabrication de prothèses dentaires de l’INRS. Les échanges se sont poursuivis avec l’entreprise et les fournisseurs avec lesquels nous étions en relation », précise Alexandre Sanmarti, contrôleur de sécurité au Cimpa qui, à l’époque, rencontre l’ensemble des prothésistes dentaires d’Auvergne, les fournisseurs de matériel et les écoles.

Un salarié de l'entreprise Forest en situation de travail.

Avec le laboratoire Forest, un contrat de prévention est signé. « En 35 ans de métier, j’ai vu pas mal de gens mourir de la silicose. C’est le premier laboratoire où la prévention des risques liés aux poussières est poussée à ce point. Ça donne de l’espoir », affirme Françoise Planche, céramiste. L’ancienne unité d’aspiration et de filtration des poussières a été conservée et complétée par une deuxième. Toutes les chevilles ventilées, détoureuses, sableuses, et les capteurs présents sur les machines (bras aspirant, plateau aspirant…) sont connectés à l'ensemble. Conformément aux préconisations de la Carsat, l’air aspiré est rejeté, après filtration, à l’extérieur du bâtiment.

Au niveau d’un poste d’usinage à chevilles ventilées, Cédric Caille répare une pièce fissurée fabriquée en 3D : « Les aspirations sont au plus près de la source d’émission et dans le sens d’éjection des poussières », précise-t-il. Grâce aux écrans de protection, utilisés systématiquement, l’efficacité de captage est bonne. L’installation doit être la plus enveloppante possible, sans contraindre la gestuelle. Un compromis parfois difficile.

MAINTENANCE

Contrôlée avant sa mise en service pour vérifier ses performances par rapport aux attendus, l'installation de ventilation doit être entretenue régulièrement et faire l’objet de contrôles périodiques. Le chef d’entreprise définit la fréquence des opérations de maintenance et consigne les travaux réalisés dans le dossier d’installation de ventilation.

Lors du grattage à l’aide d’outils rotatifs, pour donner la forme définitive de la dent, les salariés sont installés sur des postes réglables en hauteur. Des accoudoirs ont été ajoutés sur les établis. « On a moins de poussières et plus d’espace, constate Julie Combrisson, concentrée sur un travail de finition de résine sur une prothèse mobile. L’éclairage led au-dessus de nous et intégré est important pour ce travail de précision. »

Ventilation et organisation

En améliorant le captage des poussières, l’établissement réduit également l’utilisation des masques FFP3. Ces protections sont réservées aux opérations les plus polluantes, pour lesquelles est préconisé le travail à l’humide, quand c’est possible. Les activités sont séparées : réception des empreintes et travail du plâtre, atelier et salle de chauffe, où sont préparés les résines et les alliages métalliques. Les fours sont placés dans une enceinte ventilée, connectée à l’extérieur du bâtiment. Une armoire de stockage des produits chimiques est également ventilée.

SABLEUSES

Lors du sablage, l’étanchéité du dispositif vis-à-vis des particules projetées et des poussières émises doit être respectée, ainsi que le maintien d’une forte dépression, d'une vitesse d’air supérieure ou égale à 3 m/s dans les ouvertures et d'une filtration de l’air extrait avec rejet à l’extérieur. Sur les sableuses utilisées, le Centre interrégional de mesures physiques d’Auvergne a mesuré des vitesses moyennes de 12,1 et 5,8 m/s au niveau du capot, satisfaisant les critères.

Le sablage, la casse du cylindre et les plâtres sont réalisés à l’écart de l’atelier d’usinage, dans une zone dotée de caissons ventilés et d’une aspiration frontale. L’air aspiré est rejeté à l’extérieur après filtration. De chaque côté des postes de travail, des joues ont été ajoutées pour éviter la dispersion de poussières. Les turbines et installations bruyantes sont placées dans une pièce isolée sur le plan phonique. « Le bruit constitue une charge mentale importante dans une activité qui requiert un tel travail de précision », insiste Corinne Daffix. D’autant que les pics d’activité arrivent sans prévenir..

En 2022, le Cimpa est venu vérifier les caractéristiques aérauliques et l’efficacité des systèmes d’aspiration. Le ressenti des salariés a ainsi pu être confirmé par la mesure. L’occasion aussi de rappeler quelques points de vigilance, qu’il s’agisse du nettoyage quotidien ou du contrôle et de l’entretien des installations de ventilation. D'autres évolutions sont également dans les cartons.

DÉPOUSSIÉRAGE : GARE AUX ERREURS

Pour le nettoyage de l’atelier, la Carsat Auvergne a attiré l’attention de l’entreprise sur la nécessité de ne pas provoquer de remise en suspension de poussières déposées au sol. Il a été recommandé d’utiliser un aspirateur de classe H, adapté aux poussières représentant un risque élevé. L’usage de la soufflette pour dépoussiérer les machines est par ailleurs proscrit.

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