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Les horaires atypiques

Aide et soins à la personne : la France expérimente le baluchonnage

Mis en place pour soulager les aidants familiaux, le baluchonnage est un dispositif dérogatoire au Code du travail qui consiste à faire appel à un intervenant pour les remplacer à domicile. Le point avec Sandrine Constans, responsable formations et partenariats à Baluchon France, une association qui œuvre au développement de cette pratique dans l’Hexagone.

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Corinne Soulay - 05/06/2024
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Mis en place pour soulager les aidants familiaux, le baluchonnage est un dispositif dérogatoire au Code du travail qui consiste à faire appel à un intervenant pour les remplacer à domicile.

Travail & Sécurité. Qu’est-ce que le baluchonnage ?

Sandrine Constans. C’est un dispositif né au Québec, visant à proposer aux aidants familiaux de personnes en perte d’autonomie et/ou en situation de handicap, un répit longue durée grâce à un intervenant unique qui vient les remplacer à domicile, sur une durée comprise entre 2 et 6 jours. Aujourd’hui, on compte plus de 9 millions de proches aidants en France et un quart d’entre eux ne parvient pas à se ménager du répit. Depuis 2019, ce dispositif fait l’objet d’une expérimentation, lancée par la DGCS, dans le cadre de la loi Essoc. Il déroge au droit du travail car l’intervenant peut travailler jusqu’à 144 heures d’affilée.

Où en est cette expérimentation ?

S. C. Une trentaine de services d’aides et d’accompagnement à domicile (Saad) y participent, dont seize adhèrent à l’association Baluchon France. Ils ont réalisé 518 baluchonnages d’une durée de 4 jours en moyenne depuis le début de l’expérimentation. Les profils des baluchonneurs sont divers – auxiliaire de vie, infirmier, aide- soignant… – mais ils ont tous une expérience conséquente dans l’aide à domicile (en moyenne 17 ans).

Comment est garantie la sécurité de ces salariés en horaires atypiques ?

S. C. Le décret et le cahier des charges de la DGCS ont posé un cadre. Le baluchonneur doit être volontaire et une rencontre préparatoire a lieu au domicile. Une restitution post-intervention du relayeur à la structure est également prévue. Mais, pour nous, ces garde-fous ne sont pas suffisants. Nous avons rédigé un cahier des charges plus complet, suivi par tous nos adhérents. D’abord, la mise en place du baluchonnage requiert deux mois de préparation. Il y a une première visite à domicile par un coordinateur qui étudie les lieux et remplit une fiche d’évaluation afin de mieux comprendre la situation : pathologie de l’aidé, réveil nocturne, comportements d’errance, matériel de manutention mis à disposition… Si tous ces paramètres ne sont pas compatibles avec le baluchonnage, si ce n’est pas sécuritaire pour le salarié, nous orientons le proche aidant vers d’autres solutions. Si les conditions sont réunies, le baluchonneur a le choix d’accepter ou non la mission. Il est présenté en amont au couple aidant-aidé et, le jour J, une transition d’au moins trois heures est organisée.

Et pendant la durée du baluchonnage ?

S. C. Le baluchonneur bénéficie d’un service d’écoute téléphonique 24 h/24 par le coordinateur. Celui-ci lui passe au moins un appel quotidien, voire plus en cas de situation compliquée. Si l’intervenant n’a pas pu dormir par exemple, on peut ainsi réagir en faisant venir une auxiliaire de vie quelques heures pour qu’il puisse se reposer. Nous préconisons aussi un temps de repos avant le début de chaque mission et un repos compensatoire directement après, englobant les temps de pause prévus par le Code du travail, les 11 heures entre les journées de travail, etc. Le contrat de mission fait aussi l’objet d’un avenant par lequel le salarié s’engage à ne pas travailler durant ce temps de récupération. À la suite de la mission, le baluchonneur bénéficie en outre d’un suivi par le coordinateur. Les coordinateurs et baluchonneurs suivent une formation spécifique de trois jours (gestion du stress…), avec des mises en situation, et une formation aux pathologies rencontrées. Il est urgent d’encadrer la profession et de légiférer pour s’assurer que le relayage se fasse dans de bonnes conditions pour l’aidé et l’intervenant.

CAROLE GAYET, EXPERTE D’ASSISTANCE-CONSEIL « AIDE ET SOINS À LA PERSONNE », À L’INRS

« Il est nécessaire d’élaborer un cadre solide pour le baluchonnage afin de protéger les travailleurs. Celui de Baluchon France prévoit des mesures intéressantes, notamment les formations ou le maintien des services en place (aide à domicile…) pendant la mission. Le fait que le dispositif ne soit pas instauré dans l’urgence est important aussi car, avec des personnes présentant des troubles cognitifs, donc vite désorientées en cas de changement, cela limite les risques de déstabilisation, et donc de situations difficiles à gérer. Il faudrait imposer des critères de recrutement : le volontariat ne peut pas être le seul. Une expérience a minima s’impose pour s’assurer que l’intervenant a, en plus les compétences techniques, émotionnelles et relationnelles requises. Il n'est pas souhaitable que les intervenants travaillent sur leur temps de récupération. Enfin, il faut être vigilant à la santé et la sécurité du coordinateur qui, pour l’heure, ne fait l’objet d’aucune prévention. »

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