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Les horaires atypiques

Les bienfaits de la sieste pour les soignants en journée de 12 heures

Le groupe hospitalier Seclin-Carvin a aménagé des espaces et des temps pour les microsiestes pour son personnel. Si le dispositif se déploie progressivement, les soignants qui y ont recours sont ceux qui travaillent majoritairement en journées de 12 heures. L’occasion durant leur temps de pause de bénéficier d’un repos réparateur vis-à-vis de la fatigue physique et de la charge mentale.

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Céline Ravallec - 05/06/2024
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Un salarié du groupe hospitalier Seclin-Carvin fait une pause dans une cocon de sieste.

« Ça recharge les batteries, ça aide à mieux repartir ! » Mohamed Benlazaar, aide-soignant dans l’établissement de Seclin du groupe hospitalier Seclin-Carvin (GHSC), dans le Nord, apprécie la possibilité offerte par l’établissement de bénéficier, durant certaines pauses, d’un espace de détente pour s’isoler et se reposer. La « bulle de détente » aménagée au rez-de-chaussée, à proximité du réfectoire, compte deux cocons de sieste et deux fauteuils de relaxation, dans un décor de verdure et de forêt. Dans les étages sont également aménagées des pièces avec un cocon de sieste où chacun – médecin, infirmier, aide-soignant, personnel administratif – peut venir sur son temps de pause faire une microsieste.

C’est dans le cadre d’un appel à projets de l’ARS Hauts-de-France en 2017 que le groupe hospitalier s’est équipé de ce système de cocons de microsiestes. « Le projet a vu le jour sous l’impulsion d’Aurélie Berquet, cadre supérieure de santé qui accorde une place importante au bien-être au travail, et qui est toujours en veille sur les nouveautés en matière de QVT », souligne Chrystel Delalée, directrice des ressources humaines du GHSC. S’inspirant de ce qui avait été mis en place aux urgences du CH d’Évreux, le dispositif a été déployé progressivement, en premier lieu pour le personnel de nuit et les personnes travaillant en journées de 12 heures.

« Il existe aujourd’hui deux solutions, précise Sidonie Vanhille, conseillère en prévention des risques professionnels et ergonome au sein du GHSC : un cocon avec une application dédiée et un casque de relaxation immersive. Il est possible de coupler les deux ou de n’en utiliser qu’un. » Le cocon est un fauteuil avec toit en textile rétractable. Les casques immersifs sont des casques de réalité virtuelle proposant différents programmes d’une durée de 5, 10 ou 15 minutes.

Dormir au travail : une pratique encore taboue

Au total, sur les trois établissements que compte le GHSC, 17 cocons (bientôt 18) ont été déployés depuis 2020, et 12 casques de relaxation immersive sont venus compléter l’offre ces derniers mois. « Il y a une pause dans le projet car on se heurte encore à des tabous, poursuit Chrystel Delalée : les gens se freinent d’eux-mêmes, certains estimant qu’ils sont là pour prendre soin des autres et pas d’eux. Il est nécessaire de largement communiquer autour du sujet de la relaxation au travail, permise pour tous. » Pourtant, le personnel rencontré qui pratique la sieste se dit convaincu par les bienfaits qui en résultent.

LA JOURNÉE DE 12 HEURES

En 2019, à la demande du CHSCT, le Dr Marie Verclytte, médecin du travail, a mené une étude sur l’effet des journées de 12 heures à partir d’un questionnaire soumis au personnel. Parmi les avantages exprimés : un meilleur suivi des patients, une meilleure répartition des soins, une qualité des transmissions améliorée (entre deux équipes au lieu de trois sur 24 heures), des avantages pour la vie personnelle (moins de frais de gardes, moins de frais de trajets…), moins d’absentéisme. Parmi les points négatifs exprimés : des temps de transmission parfois difficiles à organiser entre les équipes, une baisse de vigilance à certains moments, un risque routier accru, notamment en fin de nuit. Une nouvelle étude est envisagée, en prenant en compte les changements intervenus depui : crise sanitaire, arrivée des cocons de microsieste, réglementation qui, depuis 2023, facilite les chevauchements d’horaires et favorise les temps de transmission entre équipe).

« On privilégie le travail avant tout, on n’a pas toujours le temps, mais quand ça s’y prête, ça aide à déstresser, souligne Magali Caboche, aide-soignante au service court séjour gériatrique qui travaille en 12 heures. Moi qui suis une grande nerveuse, ça me détend vraiment. » En plus du cocon, elle s’équipe d’un casque de réalité virtuelle et d’un casque audio qui l’amènent dans un univers visuel et sonore bien loin du monde hospitalier. Plusieurs programmes sont proposés. « J’ai fait un test avec le programme à la montagne, et un autre sur un yacht, ça permet de s’évader. La gériatrie est parfois un service assez lourd émotionnellement, une séance de 15-20 minutes aide à bien déconnecter. »

Une pratique différente de son collègue Vincent Obled, infirmier et également agriculteur avec son épouse dans sa seconde vie. Il utilise le cocon pour une véritable sieste de 15 à 20 minutes, sans casque immersif. « Je peux m’endormir facilement pour de courtes siestes, même si ça n’est pas le cas à chaque séance, explique-t-il. Après, je me sens plus disponible, plus vigilant. Dans la mesure du possible, je la pratique une fois par poste, à condition qu’il y ait quelqu’un de jour (NDLR : poste en 7h30), car on ne laisse jamais une collègue seule dans le service. On ne le fait pas le week-end par exemple, ni la nuit. »

Des horaires dérogatoires au Code du travail

Il n’y a pas encore eu d’étude en interne sur les pratiques et les bénéfices de la microsieste, mais une tendance semble émerger : « C’est de l’ordre du ressenti, mais il semble que la sieste est plus facile à adopter sur les postes en 12 heures que sur ceux en 7h30 », commente le Dr Marie Verclytte, médecin du travail de l’établissement. Peut-être car il est plus facile de dégager un temps dédié, les postes en 12 heures ayant deux pauses de 20 minutes. « L’encadrement tient un rôle essentiel dans le déploiement et l’acceptation du dispositif de microsieste, poursuit-elle. S’il n’est pas moteur, ça ne fonctionnera pas. L’emplacement de l’espace a également son importance pour donner envie : accessible rapidement, dans une zone calme… »

Un salarié du groupe hospitalier Seclin-Carvin fait une sieste dans un cocon de relaxation.

Aujourd'hui, 59 % des soignants du GHSC travaillent en 12 heures. Sur ce sujet, la crise du Covid-19 a accéléré le passage à ce rythme. « Avant 2020, 17 % des agents travaillaient en 12 heures, suivant des horaires dérogatoires. Principalement aux urgences et en obstétrique, des services où l’activité fonctionne par à-coups, explique Chrystel Delalée. Ces horaires étaient adoptés au regard de la charge de travail, pour faciliter la continuité des postes et la récupération des agents, et suivant ces questions : y a-t-il un intérêt pour le service ? Et pour le patient ? »

La crise sanitaire est venue bouleverser ces rythmes et les 12 heures se sont étendues à beaucoup plus de services. « Il y avait des velléités plus larges, poursuit-elle, mais nous continuons à décider de cette organisation en fonction des services, de la nature et de la charge du travail. » La finalité de l’organisation du travail reste avant tout une bonne prise en charge des patients.

EN CHIFFRES

  • 250 000€, c'est  ce qu’a coûté le déploiement des cocons de microsiestes et des casques de réalité virtuelle. La moitié a été financée par l’ARS Hauts-de-France et par la Fondation des hôpitaux, dans le cadre du programme « Prenons soin de ceux qui soignent », le reste par le GHSC.
  • 3 établissements composent le groupe hospitalier Seclin-Carvin qui compte

    un total de 858 lits et places : Seclin (médecine-chirurgie-obstétriquegériatrie) est le site historique et bâtiment principal ; Carvin (Ehpad, foyer de vie pour adultes en situation de handicap, soins de suite en gérontologie, service d’addictologie) ; Wattignies (Ehpad).

  • 1 382 équivalents temps plein travaillent au GHSC, dont 1 010 ETP soignants, 141 praticiens hospitaliers et 45 internes. Actuellement, 647 soignants sur un total de 1 087 travaillent en 12 heures.
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