Auxiliaires de puériculture et personnels de crèches, enseignants, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), éducateurs spécialisés, professionnels de santé… Toutes ces professions exercent une activité en contact avec les enfants. Ces acteurs, rattachés à des régimes sociaux différents, représentent une diversité de secteurs qui ont souvent en commun le manque de moyens et les difficultés à recruter. Malgré l’enjeu que constituent les questions de santé et sécurité au travail, la mise en place de politiques efficaces de prévention des risques peut être complexe. Dans ce dossier consacré aux métiers qui comportent une activité en contact avec les enfants, on distinguera quatre catégories : la petite enfance, l’enseignement, l’accueil d’enfants handicapés ou d’enfants malades et, enfin, l’aide sociale à l’enfance, qui dépend de services départementaux intervenant dans le cadre de la protection de l’enfance.
Dans les métiers de la puériculture et de la petite enfance, très majoritairement occupés par des femmes, on recense de nombreuses situations à risque se traduisant par une forte sinistralité. Beaucoup d’accidents sont liés aux manutentions, aux chutes et glissades. Porter des enfants, travailler accroupi ou à genoux peuvent être source de troubles dorsolombaires et de tendinopathies des membres supérieurs. Les professionnels sont aussi exposés au bruit, ou encore au risque infectieux. Enfin, il y a le stress – ces professions réclament une vigilance de chaque instant –, et des tensions peuvent également survenir avec les parents.
REPÈRES
Dans les métiers de la petite enfance, 46 % des accidents sont liés aux manutentions manuelles, 45 % aux chutes. Cela représente 280 000 journées perdues par an. En moyenne, il y a 66 jours d’arrêt par accident du travail et 292 jours d’arrêt par maladie professionnelle.
« Le métier d’auxiliaire de puériculture a énormément changé. Même dans un cadre collectif, nous devons répondre à des besoins de plus en plus individualisés, que ce soit pour la gestion des repas ou du sommeil, ce qui occasionne d’âpres discussions avec les familles », explique Frédérique Noel, psychologue du travail, chargée de mission petite enfance à la ville de Saint-Médard-en-Jalles (Gironde). Résultat : des équipes sursollicitées. La charge mentale est également forte chez les enseignants, aux prises avec des comportements irrespectueux, des violences verbales ou physiques, ou encore des situations de violences intra-familiales.
Troubles musculosquelettiques et risques psychosociaux
Les professionnels intervenant dans le champ de la maladie et du handicap, exposés aux manutentions et aux troubles musculosquelettiques (TMS) lors des mobilisations et transferts, ou en cas d’absence de matériel adapté, sont pour leur part confrontés à des situations génératrices d’émotions vives : absence de communication verbale, évolution défavorable d’un diagnostic, deuil… Les intervenants de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), enfin, ne sont pas épargnés. « La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle peut être extrêmement ténue. Par ailleurs, il peut y avoir une forme de désillusion devant ce que l’on parvient à faire au regard du niveau d’engagement, notamment quand on débute », témoigne Matthieu Carrière, référent éducatif à l'ASE, chargé du placement en famille d’accueil et du droit de visite aux familles naturelles dans le département de la Haute-Loire.
À l’instar de toute activité professionnelle, il est à la charge de l’employeur d’évaluer l’ensemble de ces risques et de consigner le résultat de cette évaluation dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). Cette étape clé doit couvrir toutes les activités, y compris les activités support, et associer le personnel concerné. Afin d'aider les entreprises du secteur de l’accueil de jeunes enfants à la réaliser, un outil OiRA d’évaluation des risques professionnels, disponible sur le site de l’INRS, a été spécifiquement élaboré. Les Carsat/Cramif/CGSS, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), ou encore les organisations professionnelles peuvent également être des relais sur lesquels s’appuyer.
« Les budgets tendus impactent les conditions de travail, dans un secteur qui souffre déjà d’un déficit d’attractivité, constate Guillaume Boucheron, responsable protection sociale complémentaire et santé au travail de Nexem. Avec les partenaires sociaux, nous avons investi en matière de prévention des risques professionnels pour proposer une palette d’actions à nos structures, avec des prestataires pour les accompagner sur la mise en place du DUERP, le diagnostic TMS ou RPS, la lutte contre les RPS identifiés... »
La prévention commence à la conception
Découlant de l’évaluation des risques, les mesures de prévention concernent l’organisation des espaces de travail et leur aménagement, le rangement pour éviter ce qui pourrait occasionner des chutes, l’achat d’équipements ergonomiques permettant de supprimer les manutentions inutiles, l’aménagement acoustique, l’aération et l’éclairage des locaux ou encore, pour les professionnels travaillant dans des collectivités d’enfants, le respect de règles d’hygiène et de certaines exigences vaccinales. Plus la prévention est pensée en amont, plus elle est efficace.
Dans les prochains mois, l’INRS va mettre en ligne un nouvel outil Mavimplant, conçu avec la fédération française des entreprises de crèche, pour penser les futurs établissements d’accueil du jeune enfant et anticiper les spécificités du secteur. Constamment, il faut allier la préservation des travailleurs et la stimulation de l’enfant. Prenons l’exemple de plans de change réglables en hauteur auxquels l’enfant accède de façon autonome avec l’assistance d’un adulte. Il faut prévoir une profondeur minimale pour une bonne position du dos du professionnel, un espace au sol pour les pieds et l’intégration d’un change-debout afin de réduire les contraintes physiques pour s’occuper des enfants qui marchent. « Impliquer les agents dans le choix et les faire tester des équipements est essentiel », insiste Frédérique Noel.
Attractivité des métiers
La formation (Prap, RPS…) et l’information des collaborateurs tout au long de la carrière constituent également l’un des moyens permettant à chacun d’être acteur de sa santé. Côté RPS, la prévention s’appuie beaucoup sur l’échange de pratiques. « Il s’agit de métiers qui requièrent des qualités et compétences émotionnelles et pour lesquels il est fondamental de confronter son vécu professionnel avec ses pairs », estime Carole Gayet, experte d’assistance-conseil à l’INRS. « L’un des garde-fous est de souder l’équipe, avec des réunions régulières permettant d’exprimer ses difficultés et d’échanger sur les moyens de les surmonter. Nous avons également un système de double référence qui permet à un collègue de prendre le relais d’un autre s’il est en difficulté avec une situation », évoque Matthieu Carrière.
À cela s’ajoutent, à fréquence régulière, des analyses de pratiques professionnelles menées sous le regard d’un psychologue externe. Elles permettent aux intervenants du secteur social et médico-social de mettre des mots sur des situations concrètes, de prendre du recul sur la pression du quotidien et d’envisager des pistes d’amélioration. « C’est libérateur, ça participe à la cohésion d’équipe et redonne du sens », affirme Sophie Jeannin, référente aide sociale à l’enfance. Un sens qui concourt à une meilleure qualité de la prestation. Moins d’arrêts, moins d’accidents, c’est aussi moins d’impact sur le fonctionnement et l’équilibre des structures. Un argument en faveur de l’attractivité des métiers.