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Travailler avec des enfants

Réduire la charge physique et lutter contre le stress en s'appuyant sur le collectif

Dans les Landes, la clinique Montpribat Inicea, centre de soins médicaux et de réadaptation, accueille des enfants et adolescents souffrant de diverses pathologies. Pour lutter contre les troubles musculosquelettiques et les risques psychosociaux, l’établissement s’appuie sur les équipes, qu’elle associe aux projets de prévention.

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Grégory Brasseur - 01/10/2024
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Vue d'une situation de travail dans la secteur de la petite enfance.

« Aucun matériel n’est acheté sans en avoir discuté collectivement. On le loue au préalable ou on l’obtient en prêt pour que les équipes fassent des essais. » Pour Quitterie Lajus, directrice de la clinique pédiatrique Montpribat Inicea, implantée à Montfort-en-Chalosse, dans les Landes, il ne saurait en être autrement. Le centre de soins médicaux et de réadaptation, qui appartient au groupe Clariane, accueille des enfants jusqu’à 18 ans en rééducation nutritionnelle, soins de suite polyvalents, réadaptation fonctionnelle ou encore soins continus en cas de pathologie lourde. Depuis 2023, l’acquisition d’un exosquelette de pointe pour les membres inférieurs permet également de proposer des stages de rééducation intensifs.

REPÈRES

  • La clinique Montpribat dispose de 83 lits d’hospitalisation complète, quatre places en hôpital de jour, une équipe de réadaptation fonctionnelle pédiatrique. Elle emploie 120 salariés (103 ETP), pour couvrir ces activités.

Malgré un environnement paisible, au cœur d’un parc de 3,5 hectares, l’éclatement des services sur quatre bâtiments d’hébergement et l’ancienneté des locaux ont conduit au projet, il y a quelques années, d'une relocalisation future à Narrosse, à proximité de Dax. « Nous les avons incités, dès la phase de programmation, à intégrer un ergonome à l’équipe projet et à déployer une approche pluridisciplinaire, avec un pilote pour la démarche de conception », indique Laurent Brauner, contrôleur de sécurité à la Carsat Aquitaine. Dans la foulée, un contrat de prévention est signé, avec une planification sur quatre ans d’actions visant à réduire les troubles musculosquelettiques (TMS) et les risques psychosociaux (RPS). Pour structurer la démarche, la direction a été formée à la conduite de projets et a organisé la montée en compétences de salariés en santé et sécurité au travail.

Remontées de terrain et analyses des accidents de travail

« Nous avons des référents santé identifiés TMS et RPS vers qui les collaborateurs peuvent se tourner, indique Alexandre Fèvre, responsable qualité et formateur Prap2S. Dans nos activités, nous devons réaliser des mobilisations et transferts d’enfants de toutes tailles et dont les pathologies sont variées. La distribution des bâtiments actuels rend les circuits complexes, y compris pour le transport de linge et des repas. » Des investissements se sont d’ailleurs portés sur des chariots à fond constant, des armoires de transport du linge et des tracteurs-pousseurs pour réduire la charge physique du personnel. Pour les repas, des tablettes adaptables aux chariots permettent la mise à hauteur de la vaisselle.

« Les besoins remontent lors des visites de service ou peuvent être issus de l’analyse des accidents du travail », précise Nathalie Brasset, pharmacienne. Exemple : un lève-personne électrique sur roulettes, adapté aux patients polyhandicapés, est utilisé dans l’unité de soins continus. « Cet équipement facilite les transferts sans avoir à porter », explique Pierre Dubernard, ergothérapeute et formateur Prap2S. Il est utile car les locaux n’ont pas été conçus pour la mise en place de rails plafonniers. C’est d’ailleurs l’un des points qui sera corrigé sur le futur site.

RPS : LE BESOIN D'ÉCHANGER

Depuis dix ans, l’analyse des pratiques professionnelles permet, sous le regard d’une psychologue externe, d’exposer ses difficultés, de s’exprimer sur les situations complexes et d’engager une réflexion collective sur la pratique. « Il m’est arrivé de pleurer lors de ces séances, explique Mylène Hugot, une aide-soignante. On décharge les émotions, on se retrouve en groupe. Car la dispersion des équipes sur quatre bâtiments est une vraie difficulté : on se sent parfois isolé alors que le service d’à côté a la solution à un problème commun. » « Croiser les regards apporte beaucoup. On se sent moins seuls », confirme Marlène Videira, puéricultrice de l’unité de soins continus, qui accueille sept enfants, âgés de quelques mois pour certains, mais aussi de grands adolescents. Une séance d’analyse de pratiques est organisée tous les deux mois pour le personnel éducatif de l’établissement, tandis que le personnel soignant de l’unité soins continus suit quatre séances annuelles.

Pour les séances de balnéothérapie, dans le bassin de rééducation, un système de mise à l’eau électrique est arrivé au printemps 2024. « Un rail de glissement au plafond permet de faire le transfert direct d’un enfant polyhandicapé depuis sa chaise roulante, en l’amenant au plus près du bassin qui a la particularité d’être surélevé. C’est sécurisant et il n’est plus nécessaire d’intervenir à trois », constate Antoine Chusseau, kinésithérapeute.

Avec l’ergothérapeute et des soignants, ils ont croisé leurs regards pour aboutir à ce dispositif facilitant le travail et dans lequel l’enfant se sent parfaitement à l’aise. « Nous avons également des tables d’examen à hauteur variable, des plans Bobath (pour enfants présentant des troubles neuromoteurs) pour travailler sans se courber, avec des transferts facilités. Notre activité nécessite d’élargir le champ des possibles afin de s’adapter à toutes les situations », poursuit Pierre Dubernard.

Des équipements d'aide à la manutention

« En 2020, l’un de nos premiers investissements a été l’entraîneur thérapeutique : un matériel de rééducation des bras, associé à un écran sur lequel des jeux sont projetés. Il ne nécessite aucun transfert. Le fauteuil roulant peut être placé devant », évoque la directrice. Cela permet de canaliser l’enfant, qui choisit un parcours virtuel sur piste ou en forêt. En réduisant son stress, on évite également la sur-sollicitation des professionnels. Dans l’unité de soins continus, Marlène Videira, puéricultrice, nous présente une autre innovation : le casque de réalité virtuelle, utilisé pour les enfants anxieux par rapport à un soin ou pour aider à la gestion de la douleur.

Vue d'une situation de travail dans le secteur de la petite enfance.

« Dès lors que l’enfant adhère et que l’on peut le placer en position semi-allongée ou assise, il est projeté dans un environnement qui le détend (forêt, océan, milieu animal) », explique-t-elle. L’établissement, pilote pour le groupe Clariane, a testé l’équipement pendant plusieurs mois. Résultat : des enfants apaisés et une diminution du stress pour les intervenants. C’est loin d’être négligeable. À fréquences régulières, les analyses de pratiques professionnelles permettent également de se libérer de la charge mentale quotidienne.

Enfin, en se dotant de l'exosquelette, dans le cadre du Ségur investissement et avec le soutien de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, la clinique est le deuxième établissement du territoire accueillant des enfants à proposer ce type d’exosquelette pour la rééducation à la marche, couplé à un tapis de sol et un écran. « Sans ce matériel, il faudrait être à deux ou trois avec la gestion de barres parallèles, de la position des mains, des pieds, de la tête, assure Antoine Chusseau. Une fois encore, en partant de l’analyse collective des besoins, on cible où se trouvent les difficultés pour apporter une réponse adaptée. » L’arrivée de ce type de thérapie motrice robotisée s’est accompagnée d’embauches et, pour les professionnels, d’un sentiment de nouveau pas en avant.

UN NOUVEAU BÂTIMENT

Le terrain a été réservé, le cahier des charges établi. Le nouveau bâtiment de la clinique Montpribat sera construit à Narrosse (Grand Dax). Une localisation qui permettra d’éviter les nombreux allers-retours pour y accompagner les enfants scolarisés, réduisant ainsi le risque routier. Un groupe projet pluridisciplinaire a planché sur la définition des besoins, établissant des plans sur lesquels les équipes ont travaillé. Pour la démarche de conception, l’entreprise s’est fait accompagner d’un ergonome. L’une des exigences était d'avoir un bâtiment d’hébergement unique, afin de faciliter les flux. Chaque enfant aura sa chambre individuelle. Toutes seront équipées de rails plafonniers pour faciliter la mise en place de solutions de transfert. « L’expérience acquise dans la prévention des TMS et RPS ainsi que la formation de relais en interne permet à l’établissement, qui a structuré sa démarche, d’être autonome dans le déploiement des actions de prévention », constate Laurent Brauner, contrôleur de sécurité à la Carsat Aquitaine.

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