Ce site est édité par l'INRS

Le traitement de surface des matériaux

Conception modèle d’une ligne de traitement de surface

L’entreprise Fransano a investi depuis 2018 un nouveau bâtiment. La réflexion menée lors de la conception de la ligne de traitement et de l'ensemble de l’atelier a permis de prendre en compte les contraintes liées à l’activité et la gestion des différents risques, à commencer par le risque chimique.

5 minutes de lecture
Céline Ravallec - 26/11/2024
Lien copié
Vue d'une ligne de traitement de surface.

Colmatage à chaud, décapage alcalin, décapage acide, satinage, alodine, rinçage en cascade… Ces termes propres aux activités de traitement de surface s’affichent sur chaque bain de la ligne de l’entreprise Fransano. Basée à Chavanod, en Haute-Savoie, cette entreprise comptant quinze salariés est spécialisée dans le traitement de surface de pièces en aluminium. Ses clients sont des entreprises du luxe, de l’aéronautique, de la robotique, de l’armement ou encore de la mécanique de précision…

Elle traite des pièces techniques, depuis l'unité jusqu’aux petites et moyennes séries (1 000 à 2 000 éléments), suivant quatre traitements possibles : oxydation anodique décor, oxydation anodique dure, conversion au chrome 6, conversion au chrome 3. En cinq ans, son chiffre d’affaires a plus que doublé, et le nombre de ses clients passé de 95 à 500. Il est vrai qu’en 2018, l’entreprise a emménagé sur son site actuel, au voisinage direct de l’entreprise Teissier, sa maison-mère. La conception de ce bâtiment a été l’occasion d’intégrer la prévention dès le début du projet et d’en tenir compte dans les investissements.

Et cela se sent dès l'entrée dans l’atelier : l’espace de travail est lumineux, aucune odeur agressive, aucun brouillard dans l’atmosphère de travail, l’ambiance sonore est feutrée, posée, sereine. « Avant, nous travaillions dans un hangar, le travail était très manuel, il y avait beaucoup d’odeurs fortes, c’était encore archaïque, commente Tanju Mintas, conducteur de ligne depuis 2016 chez Fransano, qui a connu l’ancien site. Ici, le site est extra. On est beaucoup moins exposés aux produits et aux vapeurs chimiques. Lorsqu’il y a besoin d’ajouts de produits, ils se font à l’aide de pompes. On a à notre disposition tous les EPI nécessaires et adaptés. »

Prise en compte du risque chimique à toutes les étapes

Parmi les nombreux produits chimiques employés dans l’entreprise, deux sont classés CMR (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques). « Il s’agit du chrome 6, qui sert pour des pièces de l’aéronautique, et d’un accélérateur de colmatage à base de nickel, lors des oxydations anodiques », explique Béatrice Vicari, la responsable qualité. Des substitutions ont déjà été possibles pour certains produits – à l’image du chrome 3 qui remplace le chrome 6 – quand elles sont homologuées par les clients. Mais, selon les clients, ce n’est pas toujours possible. D’où l’importance d’un système d’aspiration efficace aux postes de travail où ils sont employés.

Vue d'une zone de stockage de produits chimiques.

Tout a donc été pensé à la conception pour préserver la santé des salariés et, par ricochet, le matériel et l’environnement de travail : un réseau de ventilation, dont le débit est de 50 000 m3/h, fonctionne en continu, les cuves sont capotées pour assurer une efficacité optimale du captage, un système de récupération des égouttures a été mis en place grâce à des points de purge installés en partie basse de la ligne. Chaque année, un organisme extérieur vient réaliser des mesures d’exposition des salariés aux agents CMR. Les résultats ont toujours été conformes aux valeurs limites d'expositions professionnelles (VLEP). Les rejets atmosphériques font également l’objet de contrôles réglementaires, eux aussi conformes.

Les phases de travail présentant encore des risques d’exposition du personnel ont lieu essentiellement lors de l’ajout de produits dans les bains, et lors de certains contrôles visuels sur la chaîne. Des pompes d’alimentation permettent néanmoins de limiter le versement manuel de produits dans les cuves, donc les risques d’exposition accidentelle par projection. Cela évite en outre la manipulation de bidons, donc des ports de charge et des postures contraignantes.

Station de détoxication

Les aménagements ne se sont pas limités à la ligne de traitement de surface. Toute la partie consistant à traiter les eaux polluées et à récupérer les solutions chimiques, en aval de la ligne, a fait l’objet d’un aménagement rigoureux. Installée en sous-sol, cette station occupe tout l’espace sous la chaîne de traitement. Elle est suffisamment vaste pour autoriser le passage de personnes et de matériels, faciliter les manutentions nécessaires, réaliser les opérations de maintenance dans de bonnes conditions. Une zone de stockage dédiée aux produits, délimitée et équipée de bacs de rétentions, est également aménagée dans un espace clos. Rien n’a été laissé au hasard dans l’aménagement de cette ligne qui aujourd’hui apporte satisfaction à tous les salariés.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Béatrice Vicari, responsable qualité de Fransano


© Fabrice Dimier pour l'INRS/2024

« Travaillant depuis 35 ans dans le traitement de surface, j’ai tout connu : des entreprises dignes de Zola, des entreprises moyennes… Ici, c’est ce que j’ai connu de mieux, à tous les niveaux. L’ensemble de la conception (bâtiment, chaîne, station de traitement) favorise des conditions de travail idéales. Tous les organes sont prévus pour que la ligne fonctionne au mieux. À l’image d’un local isolé qui abrite les redresseurs de courant : le plus souvent, ceux-ci sont positionnés en périphérie des cuves et se retrouvent précocement oxydés par les émanations de produits. Ici, ils sont à distance de la ligne, isolés du reste de l’atelier, dans un local ventilé à 18 °C . C’est une configuration exemplaire. »

L’ensemble du personnel est formé au risque chimique lié à l’activité. « Nous sensibilisons régulièrement tout le personnel aux différents risques présents, effectuons des rappels sur le port des EPI fournis aux salariés (masques avec cartouche, protections anti acide), détaille Béatrice Vicari. Tout nouvel arrivant bénéficie d’un accueil qui inclut une formation et une information sur les risques aux différents postes. Il suit aussi d’une sensibilisation aux premiers secours et au risque incendie. » Après six ans d’activité, les deux lignes qui comptabilisent 56 cuves et 4 convoyeurs robotisés, semblent presque neuves. Cela traduit les performances de l’installation de ventilation. Ces installations étant très énergivores, l’entreprise a par ailleurs cherché à optimiser les consommations énergétiques sans diminuer l’efficacité de captage actuel. Cette démarche a abouti à l’installation d’une pompe à chaleur.

CONSOMMATION D’EAU

Dans un souci de préservation de l'environnement, le site de Fransano est à zéro rejet d’eau dans le milieu naturel et zéro rejet d’air pollué. « Au niveau de la gestion de l’eau, notre station d'épuration nous permet de fonctionnner en circuit fermé, explique Frantz Courtois, le responsable du site. Celle-ci nous alimente en eau propre qui est réutilisée pour une grande partie de notre consommation, tandis que les déchets récupérés partiront en centre de traitement. Sur le site, ce n’est pas la ligne de traitement qui est la plus consommatrice d’eau, je serais tenté de dire que ce sont les chasses d’eau ! » L'entreprise dispose également d'un système de recyclage permanent de tous les rinçages sur la chaîne. Il y a deux jeux de bonbonnes par type de rinçage. Quand un jeu atteint un certain seuil de conductivité électrique, la ligne bascule sur le second.

Partager L'article
Lien copié
Les articles du dossier
Le traitement de surface des matériaux

En savoir plus