
« Bonjour Mohamed ! » « Bonjour Évelyne, ça va ? » « Sympa ton chapeau ! » Il est comme ça, Mohamed Belmiloud, « heureux de faire ce métier de responsable d’immeuble », affirme-t-il. Un métier qu’il exerce au sein d’Est Métropole Habitat, qui gère 18 000 logements – soit environ 36 000 personnes logées – de l’Est lyonnais, dans le Rhône. Mais une activité qui expose à des risques professionnels auxquels l’organisme s’est attelé avec l’aide de la Carsat Rhône-Alpes.
Beaucoup de logements d’Est Métropole Habitat sont des tours ou des barres d’immeubles datant des années 1960-1970. « À l’époque, les conditions de travail des gardiens n’étaient pas une priorité », remarque Céline Reynaud, la directrice générale. L’organisme emploie aujourd’hui 350 personnes, dont 130 gardiens - ou responsables d’immeubles - dont les journées se déroulent de la façon suivante : le matin est consacré au nettoyage (entretien des parties communes et gestion des ordures ménagères). L’après-midi est davantage dédié aux états des lieux, aux contrôles techniques, aux contrôles de travaux, sans parler du quotidien avec les locataires…
En 2019, Est Métropole Habitat est ciblé par la Carsat Rhône-Alpes dans le cadre de la démarche TMS Pros de l’Assurance maladie-risques professionnels. « Ce ciblage nous a permis de franchir un cap, constate Patricia Gubian, la directrice des ressources humaines, même si cela faisait trente ans que nous nous préoccupions réellement des conditions de travail de nos salariés, avec notamment des formations gestes et postures, l’installation de points d’eau, le changement de matériel… » L'arrivée au sein de l’établissement, en tant que préventrice, de Souad Chikh, ergonome de formation, permet de structurer la démarche.
Maud Artaud-Janicki, ingénieure-conseil à la Carsat Rhône-Alpes et référente du secteur propreté, a accompagné la démarche lors de son lancement et de son suivi : « J’ai veillé à ce que le projet s’inscrive dans une dynamique participative, décloisonnée, et qu’il repose sur l’analyse du travail réel. » Souad Chikh prend en charge l’analyse des risques : « En 2020, je suis allée observer dix responsables d’immeubles sur une journée complète de travail. » Elle présente ensuite son diagnostic et ses préconisations à un groupe de travail constitué du médecin du travail, de responsables de secteur qui supervisent plusieurs responsables d’immeubles, de la CSSCT et de gardiens d’immeubles. Les TMS (dus aux déplacements des conteneurs, au port de seaux et aux gestes répétitifs), les chutes (de plain-pied et de hauteur) et les agressions sont les principaux risques identifiés.
Les préconisations concernant les TMS portent essentiellement sur des aménagements de locaux. Ils sont hiérarchisés en 2023-2024 et Bertrand Jospin, ancien responsable de secteur, rejoint la Direction de l’aménagement et de l’habitat durable pour travailler à quart de temps avec Souad Chikh, sur les aspects techniques liés aux modifications de locaux. « En créant ce binôme et en sanctuarisant un budget pour ces travaux, nous avons fait un vrai choix », pointe la directrice générale. Ainsi, chaque année, 30 000 € de fonctionnement et 250 000 € d’investissement vont être consacrés à l’amélioration des conditions de travail.
Un travail avec les gardiens
Mars 2025 : les premières actions pour améliorer le travail quotidien des gardiens sont visibles. À la résidence Ribot, à Villeurbanne, cité limitrophe de Lyon, officie Mohamed Belmiloud. Le responsable d’immeuble (104 logements) n’est pas loin de son chariot de ménage. Il nous accueille avec un large sourire. « Il a fait partie des personnes dont j’ai observé l’activité », précise Souad Chikh. Le diagnostic a fait apparaître un plan d’action assez évident : pour sortir de son local de ménage avec son chariot, le gardien avait un escalier. La solution – une rampe d’accès – a été trouvée et réalisée en 2024. « Quel plaisir, cette rampe ! Je ne suis plus obligé de descendre avec mes seaux, puis mon chariot… Ça me soulage », lance le gardien.
LE TÉMOIGNAGE DE...
©Fabrice Dimier pour l'INRS/2025
Souad Chikh, préventrice
« Arrivée en 2019, j’ai dû gérer le Covid ce qui a retardé le démarrage de la démarche d’analyse. En 2020, j’ai demandé à suivre des responsables d’immeubles de tout âge, dans des résidences et des lieux très différents. Mes observations ont permis de mettre en évidence des difficultés dans les opérations de sortie des conteneurs, de gestion des encombrants, de nettoyage des halls, des ascenseurs et des extérieurs, ainsi que des problèmes liés aux jets d’objets par les fenêtres, ou encore lors des opérations de piquetage (ramassage des détritus)… Dans un premier temps, il a été décidé de diminuer les manutentions manuelles, notamment des conteneurs, en réduisant les distances, en améliorant l’état des sols, mais aussi lors des opérations de ménage, en privilégiant un local ménage de plain-pied, le lavage par pré-imprégnation ou encore en comblant des marches. Une réflexion est également en cours sur le matériel. »
Puis vient le sujet des poubelles. Les locaux pour les conteneurs sont situés côté rue. C’est aux locataires d’aller y jeter leurs ordures ménagères. Ce qui semblait une bonne solution n’en est pas une. Car ces poubelles étant accessibles depuis la rue, les passants ne se gênent pas pour y balancer tout et n’importe quoi. Il est donc prévu de déplacer le local à l’intérieur de la résidence, et de le sécuriser. « Il ne faut jamais oublier que lorsqu’on pense à des aménagements, ceux-ci doivent bénéficier à la fois aux responsables d’immeubles, aux locataires et aux personnes qui conduisent les camions poubelles. Car si vous placez par exemple un local poubelle à un endroit où le locataire ne passe pas pour aller prendre son bus le matin, il ne sera pas utilisé », remarque la directrice générale.
Direction cette fois-ci la résidence Malval, à Vaulx-en-Velin, la ville voisine. Sliman Rezkallah vient sur le parking pour montrer un réaménagement d’espaces destiné au stockage des conteneurs d'ordures ménagères avant qu’ils soient vidés par la Métropole de Lyon. « Comme c’est en pente, j’avais du mal à retenir les conteneurs et les déplacer me faisait mal au dos. » Il a appelé Souad Chikh qui est venue analyser la situation avec Bertrand Jospin. La création d’un plan incliné et le déplacement d’une place de parking ont permis de faciliter le travail du responsable d’immeuble. « Lors de la réception des travaux, j’ai fait allonger le plan incliné qui était un peu court », explique Bertrand Jospin. « Avant de déplacer le lieu pour stocker les conteneurs, nous nous sommes assurés que ça ne posait pas de problème à la Métropole de Lyon pour le ramassage », complète Souad Chikh.

Dernier exemple à la résidence de la Paix, à Villeurbanne. La préventrice précise que les travaux viennent tout juste de commencer. Mais à peine le portail franchi, elle se réjouit : « Ça a bien avancé ! » Pour améliorer le local ménage situé derrière les conteneurs, il a été décidé de créer un nouvel accès ainsi qu’un muret de séparation. Les travaux ne sont pas encore terminés, mais déjà, le binôme de préventeurs est satisfait du résultat.
« Est Métropole Habitat a bien progressé sur la prévention des TMS, en associant les responsables d’immeubles aux réflexions et des personnes qui connaissent le terrain », insiste Maud Artaud-Janicki. D’ailleurs, la directrice générale souligne sa volonté d’intégrer ces éléments de prévention dans la réhabilitation des anciens immeubles ou lors de nouvelles constructions. « C’est un sujet de longue haleine, souligne-t-elle, et pas très évident à mettre en avant dans un contexte de très fortes contraintes budgétaires. »
EST MÉTROPOLE HABITAT EN CHIFFRES
- 18 000 logements.
- 36 000 personnes logées.
- 350 collaborateurs dont 130 responsables d’immeubles (gardiens).
- En 2020, le taux de cotisation individuel (établi en fonction de la sinistralité de la structure) était de 5,69 % pour un taux collectif (établi en fonction de la sinistralité du secteur) de 1,40 %. Il est passé à 3,41 % en 2024.
Démarche de prévention des risques professionnels :
- 10 journées d’observation du travail des gardiens.
- Décision de créer 13 locaux poubelles, 3 déjà réalisés en mars 2025.
- Sanctuarisation de 30 000 € de dépense de fonctionnement et 250 000 € d’investissement par an dédiés à l’amélioration des conditions de travail des gardiens.