En fin de journée, le responsable verrouille avec des cadenas les panneaux de commande des lignes auxquels le chef d’équipe du nettoyage ajoute son propre lot de cadenas.
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© Gaël Kerbaol/INRS/2025
Aux Herbiers, en Vendée, le site Euralis, qui appartient au groupe du même nom, est spécialisé dans le canard gras. De 15 000 à 20 000 volatiles y sont abattus chaque jour pour leur foie et leur viande, commercialisés sous les marques Rougié et Montfort. Cette activité doit être effectuée dans des ateliers d'une hygiène irréprochable exigée par les normes du secteur de l’industrie agroalimentaire. Un impératif garanti par un nettoyage quotidien confié à GSF Auriga, l’une des 40 sociétés du groupe GSF, géant de la propreté qui emploie plus de 42 000 personnes en Europe et en Amérique du Nord. « Notre société compte 1 600 salariés, dont 11 sont en poste dans l’abattoir Euralis des Herbiers, précise Théo Freuchet, le responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) de GSF Auriga. Ils s’occupent des locaux dans leur ensemble, vestiaires et bureaux compris. »
« Il y a un véritable engagement de la direction de notre établissement en faveur de la prévention, affirme Christelle Piveteau, responsable sécurité environnement chez le donneur d’ordres. Nous cherchons à atteindre le 0 accident pour nos 153 employés en CDI, mais aussi pour la cinquantaine d’intérimaires et les 75 salariés de nos prestataires. » « La révision annuelle du plan de prévention ainsi que les points mensuels, au cours desquels sont analysés les situations dangereuses et les presqu’accidents, nous permettent d’intervenir le plus en sécurité possible dans l’environnement particulier de l’abattoir, confirme Yohann Gaschet, responsable d’exploitation chez GSF Auriga. En outre, nous remplissons, comme le personnel d’Euralis, des fiches de remontées d'incidents permettant d’améliorer les conditions de travail en continu. »
La prise en compte de la sous-traitance va plus loin puisque, en 2022, l’équipe de nettoyage a participé au groupe de travail sur la conception de la nouvelle ligne de déveinage des foies gras. L’objectif premier du projet était d’améliorer l’ergonomie des postes, mais la complexité du matériel (convoyeurs superposés, sièges assis-debout réglables, dispositifs de distribution des foies…) pouvait imposer des postures contraignantes aux agents de nettoyage.
Deux consignations valent mieux qu’une
« L’équipe de GSF Auriga a pu faire valoir son point de vue auprès du fabricant qui a veillé à faciliter le récurage de la ligne en y incorporant des éléments mobiles ou amovibles, corrobore Nicolas Pésigot, contrôleur de sécurité à la Carsat Pays de la Loire en rappelant les risques auxquels expose le travail à proximité de machines. Pas plus tard qu’hier, dans un autre abattoir, un agent de nettoyage a glissé et, en voulant retrouver son équilibre, a introduit la main dans le dispositif qui sert à séparer le cou du corps du canard. L’un de ses doigts a malheureusement été arraché. »
SANS SUBSTITUTION, LES EPI RESTENT NÉCESSAIRES
Pour s’assurer d’un nettoyage répondant aux obligations du secteur de l’agroalimentaire, la substitution de tous les produits dangereux n’est pour l’instant pas une option. Pour la désinfection, le recours à des produits chlorés et à des solutions contenant des alcools ou autres reste d’actualité. Les salariés qui les pulvérisent, sous forme de mousse pour bien adhérer aux surfaces et exploiter au mieux leurs capacités nettoyantes, sont donc équipés d'équipements de protection individuelle : combinaison, bottes, gants à manchettes, casque, masque intégral à cartouche. « Il convient néanmoins de s’assurer que les produits de nettoyage ne contiennent pas de CMR, en particulier certains biocides ou agents chélateurs, souligne Nicolas Pésigot, contrôleur à la Carsat Pays de la Loire. De plus, la pulvérisation d’acides forts, notamment sulfurique ou nitrique, est à proscrire, car les brouillards formés sont classés cancérogènes avérés par le Circ. »
Pour éviter ce genre de drame, jusqu’en 2018, Euralis avait pour politique d’arrêter les lignes pour les laver. « Cette année-là un accident qui, heureusement, ne s’est soldé que par des hématomes, a concerné l’employé qui nettoyait la cuve d’échaudage lorsque l’un de ses collègues a relancé la chaîne d’abattage. Cet événement nous a convaincus d’instaurer une double consignation », relate Christelle Piveteau. Ainsi, quand les équipes de production débauchent à 17 h, leur responsable verrouille avec des cadenas les neuf panneaux de commande des lignes auxquels le chef d’équipe du nettoyage ajoute son propre lot de cadenas. Une mesure efficace, comme nous en avons été témoins lors de notre visite : la maintenance, qui devait réaliser un test, n’a pu redémarrer la ligne d’abattage qu’après avoir demandé au chef d’équipe de GSF Auriga de retirer son cadenas du poste qui la pilote. Le professionnel ne s’est exécuté qu’après s’être assuré que ses subordonnés avaient arrêté leur travail.
L'activité d'abbatage doit être effectuée dans des ateliers d'une hygiène irréprochable exigée par les normes du secteur de l’industrie agroalimentaire.
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© Gaël Kerbaol/INRS/2025
« Nous militons auprès de nos autres clients pour la double consignation, mais il y a des réticences. Faire tourner les machines afin d’atteindre toutes les pièces et les nettoyer est une habitude bien ancrée dans le métier, explique Théo Freuchet. Ce n’est pourtant pas une nécessité dans la plupart des cas. » Par exemple, le convoyeur à obus, sur lesquels sont enfilés les canards après éviscération. Ici, l’agent de nettoyage arrose le tapis qui défile en restant lui-même statique – moins de risque de glissade – à portée du dispositif d’arrêt d’urgence filaire.
Des buses de nettoyage pour éviter les TMS
« Quant aux lignes de transfert et d’éviscération, particulièrement sales en fin de journée du fait de la quantité importante de matière qui s’y dépose, précise Yohann Gaschet, elles ont été équipées de buses qui permettent de les rincer au préalable avant l’intervention de GSF. » Avant, cette tâche nécessitait de tenir un tuyau les bras levés bien haut, ce qui entraînait l’apparition de douleurs aux épaules et aux poignets.
« L’intégration de buses sur les lignes fait partie des actions de prévention de notre recommandation sur le nettoyage industriel en agroalimentaire, souligne Nicolas Pésigot. Tout comme la mise en œuvre de la double consignation ou le recours à la moyenne pression, 40 bars maximum, pour alimenter les tuyaux. » En effet, la haute pression augmente non seulement le risque de TMS, mais aussi celui de remettre en suspension des microorganismes et de contaminer ainsi des endroits déjà lavés. Le réglage du réseau d’eau du site des Herbiers à 25 bars est ainsi un exemple supplémentaire de la prise en compte d’Euralis pour les conditions de travail des équipes de GSF Auriga.
RECOMMANDATION
La Carsat Pays de la Loire met à disposition sur son site web une « recommandation sur le nettoyage industriel en agroalimentaire viandes, poissons, plats cuisinés ». « Son objectif est de proposer des mesures de prévention à caractère technique, organisationnel ou humain pouvant être mises en œuvre pour réduire les risques auxquels sont exposés les salariés au cours du nettoyage », indique Nicolas Pésigot, contrôleur de sécurité à la Caisse en reprenant les éléments présentés dans le document. Ce dernier évoque aussi le cas de la sous-traitance des opérations de nettoyage en rappelant les mesures relevant du donneur d’ordres et celles à la main du prestataire. En complément de la brochure, treize courtes vidéos illustrent une partie des bonnes pratiques recommandées, comme la double consignation, le système de dosage hydraulique, les buses de nettoyage intégrées, la centrale de dilution automatique ou l’enrouleur de tuyau, par exemple.
