
Janvier 2025, presqu’île de Lyon. Sur son triporteur électrique, Mohamed Mhadhbi, agent d’entretien, arrive place de la Bourse. Se glissant habilement entre les haies de cet espace piéton bordé d’immeubles cossus, il s’arrête devant celui qui porte le numéro 2. À l’arrière de son véhicule, son matériel est contenu dans un volumineux caisson arborant, outre un dessin pittoresque de lion brandissant un balai, le sigle de Joandel Service. Cette entreprise rhônalpine du secteur de la propreté emploie 49 équivalents temps plein et est spécialisée dans l’entretien des parties communes d’immeubles qui représente 95 % de son activité. Le restant de ses chantiers se partage entre le nettoyage de bureaux et le lavage de vitrines.
« Nous intervenons sur Lyon et son agglomération, mais nos deux triporteurs sont cantonnés au deuxième arrondissement puisqu’ils sont adaptés à des tournées citadines, au kilométrage limité, indique Tiphaine Bethencourt, assistante de direction de la PME et en charge des questions de prévention. Si la raison première de ces acquisitions est de nous garantir un accès à la presqu’île qui deviendra une zone à trafic limité à partir du mois de juin, nous avions conscience des risques qu’ils impliquent et nous ne nous serions pas lancés sans les nombreuses pistes cyclables existantes dans cette partie de la ville. » Utilisés depuis deux mois, les cycles à trois roues suscitent des retours positifs. De quoi conforter l’entreprise dans son choix de faire évoluer sa mobilité. Deux autres tricycles sont d’ores et déjà commandés et la flotte devrait prendre de l’ampleur à l’avenir.
À mettre au crédit des triporteurs : la possibilité offerte de stationner à proximité des sites à nettoyer. Auparavant, il n’était pas rare de devoir faire des allers-retours chargés de balais, aspirateur et autres seaux remplis d’eau entre le stationnement et le hall d’immeuble à nettoyer, parfois sur plusieurs centaines de mètres. De quoi terminer la journée de travail fourbu. « Pour moi, ne plus prendre la camionnette, c’est un vrai soulagement, confirme Mohamed Mhadhbi. Plus besoin de tourner une demi-heure pour trouver une place. J’étais obligé d’accélérer la cadence de mon nettoyage pour rattraper le retard. Aujourd’hui, je peux faire mon travail sereinement et plus efficacement. Je boucle ma tournée en moins de temps qu’auparavant. »
Une formation indispensable
Fini également le stress de la contravention. « Il a retrouvé le sourire depuis qu’il pédale, se réjouit Tiphaine Bethencourt. Mais nous avons conscience que se déplacer à triporteur ne convient pas à tout le monde. Première condition, le salarié doit être volontaire, comme c’est le cas de Mohamed. » C’est également celui de Loïc Le Gall, qui sillonne le centre de la capitale des Gaules sur le deuxième engin, décoré celui-ci d’une girafe tenant une tête de loup, l’ustensile qui sert à décrocher les toiles d’araignées. Cycliste convaincu, il a postulé, motivé par la mention du moyen de locomotion dans l’annonce de recrutement publiée par Joandel Service. Puisque la répartition du poids et la taille d’un triporteur diffèrent de ceux d’un vélo, une formation était indispensable pour apprendre à le maîtriser.
DES VERTUS DE L’ÉCHANGE
Forte de ses connaissances acquises lors de ses formations d’animatrice de prévention TMS (APTMS) et d’animatrice et prévention des risques professionnels (APP), Tiphaine Bethencourt, assistante de direction chez Joandel Service, se rend sur le terrain pour observer ses collègues travailler et échanger avec eux afin d’apporter des améliorations. Ainsi, un salarié qui avait mal au dos, à qui l’on conseillait de plier les genoux pour récupérer ses balayures, avait en fait de l’arthrose et était dans l’impossibilité de réaliser ce mouvement. Il a été équipé d’outils de ramassage munis de manches. « Le but n’est pas d’imposer des gestes qui “dans la logique” conviennent, mais d’adapter le poste à l’humain, en prenant en compte ses problématiques qui ne sont propres qu’à lui, souligne la préventrice, Une question comme “quelle posture est contraignante pour toi ?” ou “que puis-je faire pour améliorer ton quotidien ?” peut débloquer beaucoup de situations ou de non-dits. »
« C’est le fournisseur qui m’a formé à manoeuvrer en sécurité, raconte Mohamed Mhadhbi. Le triporteur est équipé de freins à disques et sa vitesse est limitée à 25 km/h. Grâce à ses suspensions, je ne sens quasiment rien lorsque je franchis un trottoir. Mais il ne faut pas pour autant aller trop vite pour que notre matériel ne se retrouve pas sens dessus-dessous dans le caisson. » Ce dernier est en fibre de verre, garantissant sa solidité et surtout sa légèreté, une qualité appréciable lorsqu’il s’agit de pédaler quotidiennement, même avec une assistance électrique. L’intérieur du caisson comporte des étagères et des bacs permettant d’organiser le rangement. Leur disposition évoluera légèrement pour les deux triporteurs récemment commandés afin de les adapter encore plus finement aux différents outils. Pour protéger les salariés du vent et de la pluie, le pare-brise en plexiglas remonte au-dessus du conducteur à qui Joandel Service fournit blouson et pantalon imperméables.

Des manchons, fixés au guidon, ont été testés mais ils gênaient pour le freinage : ils ont été remplacés par des gants qui permettent de garder les mains au chaud. « Nos dirigeants, Benoît Joandel et son associé David Bernard, sont conscients des réalités du terrain et ne rechignent pas à agir en prévention, bien au contraire », affirme Tiphaine Bethencourt. L’acquisition de matériel comme des aspirateurs dorsaux sans fil, qui évitent d’avoir à les porter à bout de bras dans les escaliers et limitent les risques de chutes, illustre cette assertion. Tout comme le recours en grande majorité à des produits de nettoyage non toxiques ainsi que la formation, avec recyclage annuel, à l’utilisation d’un dispositif d’ancrage pour le personnel en charge du nettoyage de vitreries.
LE DIABLE À LA RESCOUSSE ?
Dans les résidences, les locaux poubelles sont souvent en sous-sol, nécessitant d’emprunter des pentes parfois très raides avec les bacs roulants. Joandel Service a mis en fonction deux tracteurs-pousseurs pour faciliter ces manutentions, mais n’a pas pu généraliser cette solution car l’investissement nécessite une augmentation de ses tarifs et les syndics doivent pouvoir mettre à disposition un local couvert doté d’une prise électrique. « J’ai identifié une éventuelle alternative qui consiste en un diable électrique qui peut être transporté dans nos camionnettes et rechargé dans nos locaux, explique Tiphaine Bethencourt, assistante de direction chez Joandel Service. Malheureusement, il ne permet de déplacer les bacs qu’un à un, ce qui demanderait trop de temps et d’allers-retours pour sortir les poubelles. Le fabricant va nous faire essayer un autre modèle capable d’en prendre en charge deux à la fois, ce qui serait déjà plus adapté. »