
C’est une histoire professionnelle qui dure depuis 30 ans. 30 ans que Grégory Monflier, responsable de site multiservice chez Onet, s’assure de la propreté des installations d’une usine de fabrication d’emballages métalliques – aujourd’hui propriété de l’entreprise Sonoco – située en zone industrielle d’Outreau, dans le Pas-de-Calais. Pour cela, 22 agents sont déployés sur les différents postes, de la propreté des locaux, au tri et à la gestion des palettes en passant par le contrôle qualité. « Nous avons une vraie relation de confiance avec notre client qui reconnaît la valeur de notre travail », explique Grégory Monflier, tout en faisant visiter les locaux de services récemment aménagés pour ses agents dans un entrepôt attenant au site de production.
En 2018, le responsable de site est sollicité par son client pour le nettoyage des étuves de séchage. « Cette tâche était auparavant assurée par une autre entreprise. Mais il semblait évident, compte tenu de sa périodicité – chaque étuve doit être nettoyée toutes les dix semaines environ – que nous pouvions l’intégrer à nos missions. » Le nettoyage des deux étuves que compte l’usine est une opération à la fois fastidieuse et cruciale pour la production : longues d’une cinquantaine de mètres, elles assurent le séchage de la couche de vernis appliquée sur les feuilles de métal qui deviendront boîtes de conserve. Lors du séchage, des résidus de vernis viennent se déposer sur les parois des étuves. Au fil du temps, ces dépôts augmentent le risque d’avoir des rebuts plus nombreux – en raison d’impuretés sur les feuilles de métal – mais aussi le risque de provoquer un incendie.
Le nettoyeur cryogénique change tout
Compte tenu de la difficulté d’accès à l’intérieur de l’étuve et de l’impossibilité d’utiliser de l’eau au cœur de la machine, les premières années, le nettoyage est réalisé à la main. Deux équipes de deux agents se relayaient durant cinq à six jours pour mener à bien l’opération. « Tout se faisait à la paille de fer et à la spatule, explique David Sapelier, agent de service en poste depuis quatorze ans. C’était fastidieux et éprouvant. » Courant 2020, à la demande du client, Grégory Monflier procède à plusieurs tests d’un nettoyeur cryogénique. « Le but était de faciliter l’opération au global, mais aussi d’améliorer l’efficacité du nettoyage pour diminuer le taux de rebuts. Très vite, nous avons été convaincus, tout comme le client, qu’il s’agissait d’une bonne solution. »
LA CRYOGÉNIE, ALLIÉE DU NETTOYAGE
Un nettoyeur cryogénique propulse à haute pression des pellets de glace carbonique à - 80 °C afin d’assurer un nettoyage optimal dans des situations où l’utilisation d’eau n’est pas envisageable. Les pellets de glace carbonique sont projetés par un flux d’air comprimé. L’association du froid intense et du choc mécanique provoque le détachement des souillures. La glace carbonique se sublime instantanément après avoir assuré le nettoyage, en passant directement de l’état solide à l’état gazeux. Ce procédé ne produit pas d’eau résiduelle. « Nous allons faire des tests de nettoyage par cryogénie sur d’autres éléments industriels à la suite d’une demande de notre client, explique Grégory Monflier. Avec la cryogénie, il est même possible d’envisager le nettoyage d’une armoire électrique. »
Aujourd’hui, alors que le dispositif a été adopté, certaines postures contraignantes demeurent lors des opérations, mais le nettoyeur cryogénique supprime en grande partie les gestes répétitifs. Un vrai plus pour David Sapelier : « C’est beaucoup mieux maintenant. Non seulement cela facilite le travail, mais c’est aussi moins salissant. Il y a aussi moins de poussières. » Les agents, qui ont été formés à l’utilisation du nettoyeur cryogénique par le loueur de la machine, parviennent désormais à effectuer un nettoyage complet d’une étuve en quatre jours. Les binômes se relaient par période de 30 minutes.

Lorsqu’un agent, muni d’une combinaison intégrale, de gants, d’un casque antibruit et d’une cagoule ventilée, est dans l’étuve, la ventilation mécanique est en fonctionnement afin d'éviter tout risque de formation d'une atmosphère potentiellement dangereuse lors de la sublimation des pellets. Son collègue, quant à lui veille à l’approvisionnement du nettoyeur en glace carbonique à - 80 °C. « C’est une bonne organisation de travail, observe Delphine Libersa, contrôleuse de sécurité à la Carsat Hauts-de-France. L’opérateur à l’intérieur de l’étuve travaille en espace confiné. Il reste toujours sous le regard de son collègue qui peut réagir rapidement en cas de souci. » Pour accéder aux endroits les plus exigus de l’étuve, une rallonge peut être ajoutée au tuyau de tir. Mais elle doit être utilisée sur un temps court car celle-ci a tendance à geler. Lorsqu’un bouchon de glace se forme, l’équipe doit arrêter la machine durant une trentaine de minutes avant de pouvoir la réamorcer en sécurité.
Optimiser l’organisation
La mise en place du nettoyeur cryogénique a été aussi l’occasion de revoir les conditions d’intervention avec les équipes du client. « Dans chaque étuve se trouvent des peignes qui tiennent les feuilles de métal pendant le séchage, détaille Grégory Monflier. Pour que nous puissions procéder au nettoyage, il faut retirer une partie de ces peignes, ce qui est long et fastidieux. Au début, seuls six mètres étaient enlevés, ce qui nous obligeait à solliciter souvent les opérateurs de la ligne pour nous permettre d’avancer. Surtout avec le nettoyeur cryogénique. Aujourd’hui, nous sommes convenus que dès le début du nettoyage treize mètres de peignes soient démontés. C’est beaucoup mieux pour notre organisation et notre autonomie. »
Une réflexion a également porté sur les vernis, puisque la composition de ces derniers impacte directement la vitesse à laquelle se salissent les étuves. Un point qui reste délicat pour Laurent Brief, chef d’équipe atelier chez Sonoco, qui a dû composer avec de nouvelles formulations de vernis sans bisphénol A, depuis une dizaine d’années, et désormais sans chrome : « Il n’y a malheureusement pas de recette parfaite qui puisse satisfaire tout le monde entre la question des compatibilités entre vernis, celle des températures, de la qualité produit fini… C’est très complexe. » Un test a été réalisé afin de jouer sur la charge de séchage des deux étuves, mais sans succès.
« Nous pensions par exemple qu’en utilisant une ligne moins que l’autre, nous faciliterions le nettoyage. Mais en réalité, la ligne moins utilisée – qui a donc été arrêtée puis relancée plusieurs fois – s’est avérée être plus sale que celle en marche pleine capacité. » Sur le terrain, des améliorations sont déployées comme une lampe halogène aimantée qui permet une meilleure visibilité dans l’étuve. « Nous avons demandé à un équipementier industriel de nous construire un chariot à roulement afin que les agents puissent avoir un siège mobile dans l’étuve », indique Grégory Monflier.
MISE EN SÉCURITÉ ET CONSIGNATION
© Gaël Kerbaol/INRS/2025
Les interventions de nettoyage d’étuve sont systématiquement planifiées les lundis. Ainsi, dès le vendredi précédent, l’étuve est mise à l’arrêt afin de baisser en température naturellement – en fonctionnement l’étuve atteint les 800 °C – jusqu’au lundi matin. Une consignation gaz, électricité et CO2 – lié au système d’extinction incendie de l’étuve en cas de départ de feu – est effectuée par les équipes Sonoco et vérifiées avant toute intervention par les équipes d’Onet.