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Travailler à proximité de réseaux électriques

Connaître les réseaux sous terre pour terrasser en sécurité

À Ludres, près de Nancy, l’entreprise LOR TP est chargée du génie civil sur un chantier de pose de réseau d’éclairage public. Malgré une solide préparation, la présence de « réseaux fantômes » nécessite l’utilisation de méthodes douces permettant de réaliser des travaux de terrassement par aspiration sans endommager les ouvrages.

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Grégory Brasseur - 23/05/2025
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Dotée d'un bras commandé à distance, l'aspiratrice excavatrice permet de faire des sondages sans endommager les réseaux, en évitant la pénibilité du terrassement manuel.

« La préparation fait la moitié du travail. Et pourtant, on peut toujours tomber sur une canalisation qui n’est identifiée nulle part. » Pour Frédéric Hiquily, chef de chantier pour l’entreprise LOR TP, en charge du génie civil sur un renouvellement de réseau d’éclairage public à Ludres, en Meurthe-et Moselle, c’est tout simplement la réalité du terrain. Programmé sur huit jours, le chantier comprend 150 mètres de fouilles, des travaux nécessaires pour poser les fourreaux à l’intérieur desquels les câbles électriques seront tirés. Basée à Maxéville, LOR TP est spécialisée dans les travaux de terrassement, d’assainissement et d’enfouissement de réseaux, l’aménagement de voiries, les aménagements extérieurs… Appartenant au groupe CMTP, l’entreprise emploie 38 personnes et réalise l’essentiel de son chiffre d’affaires sur la métropole du Grand Nancy.

« Avec le bon de commande, les chargés d’opérations de la métropole nous fournissent la déclaration de travaux (DT) qui permet de savoir si le projet de travaux est compatible avec les réseaux existants en interrogeant leurs exploitants. Le conducteur de travaux fait alors sa déclaration d’intention de commencement de travaux (DICT) et, à la suite de la réponse des exploitants de réseaux, se rend sur place avec le chef de chantier pour vérifier la faisabilité du projet par rapport à l’implantation des réseaux existants et à l’environnement du chantier », indique Jean-François Hottier, gérant de l’entreprise. Mais tous les réseaux ne sont pas cartographiés en classe A, c’est-à-dire avec la plus grande précision, et des investigations complémentaires doivent être menées.

Lever les doutes

« Sur les réseaux de gaz, les branchements sont rarement indiqués, note Frédéric Hiquily. Pour anticiper le tracé, j’essaie de visiter le chantier avec le conducteur de travaux au moins quinze jours avant le début des opérations. » À la suite de quoi, il établit la fiche d’organisation interne : une check-list sur laquelle sont reportés les éléments transmis, l’analyse des contraintes du chantier, les risques majeurs identifiés et les moyens à mettre en œuvre. Le document, qui a été présenté aux cinq collaborateurs présents sur cette opération, détermine le cadre de travail.

« Nous avons fait le tour des entreprises implantées sur la zone afin de les prévenir de notre intervention. Pour limiter les flux, une circulation alternée par feux a été mise en place, reprend Frédéric Hiquily. Nous avons réalisé le marquage-piquetage obligatoire, qui correspond à la matérialisation au sol de la localisation des réseaux enterrés. Ici des réseaux gaz, électricité et télécoms, avec un code couleur normalisé. Il est renseigné sur l’application 'Kraaft' de suivi de chantier et nous avons obligation de le maintenir pendant les travaux. »

MARQUAGE PIQUETAGE

« Sur certains chantiers, la métropole sous-traite le marquage piquetage à des entreprises extérieures. C’est une possibilité qui, de notre point de vue, n’est pas optimale », estime Jean-François Hottier, le dirigeant de LOR TP, ce que confirme l’équipe rencontrée sur le chantier. Dans ce cas, l’entreprise, qui doit de toute façon l’entretenir au cours du chantier, procède systématiquement à une vérification avant d’entamer les travaux.

Ce matin, le chef de chantier a réservé l’une des deux aspiratrices excavatrices dont s’est dotée l’entreprise pour des terrassements en méthode douce. « Au lieu de creuser avec un godet, on terrasse par aspiration, ce qui permet de dégager les canalisations sans endommager les réseaux sensibles. C’est un énorme atout en matière de sécurité », souligne-t-il. L’engin est devenu indispensable sur les chantiers de travaux publics en milieu urbain. Il permet de faire des sondages, découvrir des branchements, repérer ou préciser le positionnement des réseaux pour lever les doutes.

La suspicion de présence d'un réseau non répertorié sur les plans fait l'objet d'un marquage spécifique au sol. Un terrassement par méthodes douces sera nécessaire.

« La machine est autonome et peu encombrante. En une heure, on réalise l’équivalent de quatre jours d’excavation manuelle, sans la pénibilité physique », complète Alexandre Lehmann, l’opérateur affecté à la machine, que l’on voit déterminer avec précision les mouvements du bras avec sa télécommande. Une benne à déchets est intégrée, ainsi qu’un dispositif de filtration des poussières. « Il existe aussi des moyens surfaciques, comme un détecteur de réseaux pour identifier les réseaux sous tension », poursuit Jean-François Hottier. Le terrassement manuel reste utile en complément : ici, il a permis d’identifier une ligne télécoms dont une partie n’était pas sur les plans.

POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DU SOUS-SOL…

Chaque concessionnaire ou exploitant de réseaux, en répondant à la Déclaration d’intention de commencement de travaux (DICT), a obligation de fournir toutes les informations utiles et nécessaires concernant ces réseaux. Il communique alors la classe de précision, qui caractérise la finesse des données de localisation de chaque réseau. La classe A correspond à une incertitude inférieure ou égale à 40 cm pour un réseau rigide ou à 50 cm s’il est flexible. La classe B à une incertitude maximale de localisation supérieure à celle relative à la classe A et inférieure ou égale à 1,5 m. Enfin, la classe C décrit une incertitude maximale de localisation supérieure à 1,5 m, ou une situation où l’exploitant n’est pas en mesure de fournir la localisation correspondante.

« La présence de ces réseaux fantômes est un problème récurrent qui nécessite quasi systématiquement des investigations. Régulièrement, des accidents se produisent en terrassant à la pelle à proximité d’un réseau non repéré », insiste Benoît-Yves Lozac’h, contrôleur de sécurité à la Carsat Nord-Est. « En arrivant sur le chantier, on a vu un coffret gaz alors que sur les plans, aucun réseau n’était repéré à proximité. Au sol, nous avons signalé cette situation anormale par un point d’interrogation, intervient Karim Boudaoud, un opérateur. Avec des sondages manuels, on a finalement trouvé un fourreau rouge, normalement réservé aux réseaux électriques, avec une conduite de gaz à l’intérieur. »

Le terrassement à la pelle peut se poursuivre. « Il faut encore un bon suiveur, qui observe le sous-sol, pour guider le conducteur d’engin, insiste Sophie Hottier, responsable qualité, hygiène, sécurité, environnement (QHSE). Ce matin, nous terrassons à proximité du réseau télécoms découvert avec un godet sans dent, pour éviter l’arrachement. » S’il s’était agi d’un réseau sensible, gaz ou électricité, il aurait fallu tout arrêter et appeler le concessionnaire, qui est tenu de se déplacer.

Formation et expérience

La mise en place des réseaux se fait avec un enrobage sable. En creusant à proximité des réseaux enfouis, le suiveur va donc repérer ce sable. Un grillage avertisseur de couleur spécifique entoure également chaque type de réseau. Mais suivant leur ancienneté et le sérieux de l’entreprise qui les a posés, il peut y avoir des surprises. « Les collaborateurs, équipiers, encadrement et conducteurs d’engins ont tous l'autorisation d'intervention à proximité des réseaux (AIPR). Il n’y a pas un chantier qui ne soit concerné, c’est notre quotidien, poursuit Sophie Hottier. Ils ont également les habilitations électriques destinées aux personnes qui effectuent des travaux non électriques et évoluant dans des zones à risque électrique. De plus, les chefs de chantier et leur bras droit sont sauveteurs secouristes du travail, ainsi que certains conducteurs d’engins. »

Dans les jours à venir, le terrassement va se poursuivre pour poser l’ensemble des fourreaux. « Une fois le travail terminé, nous établirons un relevé de géomètre qui servira au plan de récolement remis à la métropole, précise la responsable QHSE. Si, demain, une autre entreprise vient travailler ici, elle obtiendra la situation actualisée. Cela participe à la mise à jour des plans. »

RÉDUIRE LES CONTRAINTES

Pour travailler en sécurité à proximité de réseaux souterrains, les équipes peuvent être amenées à changer plusieurs fois de godet sur la pelle. Ces manipulations chronophages et pénibles généraient des risques et contraignaient le chauffeur à plusieurs descentes et remontées de la cabine. LOR TP équipe désormais ses pelles d’un dispositif hydraulique d’attache rapide qui permet un changement rapide et sécurisé de l’outil piloté depuis la cabine.

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