
Une heure du matin. Le consignateur a reçu la confirmation du poste de commandement centralisé (PCC) de la RATP : « On nous accorde la consignation. » Il peut désormais accéder aux voies pour placer les feux de couverture de part et d’autre du chantier. Objectif : se rendre visible des éventuels trains de travaux tirant leur énergie de traction de batteries et susceptibles de circuler, même une fois le rail consigné. L’entreprise ERI, qui intervient à la demande de la RATP pour la modernisation et le maintien en condition opérationnelle des réseaux, est familière avec cet univers où cohabitent infrastructures, équipements de signalisation, lignes de traction et câblages.
ENVIRONNEMENT
L’environnement électrique du réseau ferroviaire urbain est complexe : rails de traction, câbles, postes de redressement, armoires de signalisation... Entre les stations, les travailleurs ont accès à des prises tunnel – 1 tous les 25 mètres – installées en quinconce, où ils raccordent leurs équipements filaires (perceuses, disqueuses…) en utilisant une prise équipée d’un disjoncteur 30 mA.
Les activités suivent un mode opératoire précis, validé avec le gestionnaire du réseau. ERI, ce sont 1 200 salariés dont 150 qui travaillent de nuit sur ce type de chantiers. Tous les soirs, avant de rejoindre les stations, ils embauchent sur la plate-forme logistique de Stains, en Seine-Saint-Denis, où les magasiniers préparent le matériel. Cette nuit-là, c'est dans le XVe arrondissement de Paris, au métro Charles-Michels, que se déroulent les dernières phases d’un marché de rénovation de la ligne 10. En amont, la RATP a délivré un ordre de travaux et les feuilles de nuit. Quatre personnes sont autorisées à accéder aux voies. Un plan de prévention a été établi, avec les risques identifiés au niveau de la station et les moyens déployés.
Mise hors-tension : un préalable indispensable
« La RATP réalise la consignation électrique de la sous-section demandée avec le numéro d’ordre de travaux communiqué par notre consignateur. Quand il reçoit la confirmation, il installe les protections et vérifie l’absence de tension, explique Vivien Ferrari, chargé de mission qualité, sécurité, environnement (QSE) du pôle Transport-Mobilités décarbonées du groupe ERI. Le trajet jusqu’à la station voisine est en ligne droite. Le consignateur place donc les feux de couverture à 300 mètres du chantier, distance nécessaire à un train pour s’arrêter. En cas de virage, les lampes rouges sont positionnées plus loin, de façon à garantir cette visibilité à 300 mètres. » Ensuite, il pose le DTPT ou dispositif témoin de présence de tension. Une étape essentielle pour assurer la sécurité des travailleurs. Enfin, entre le rail de roulement et le rail d’alimentation, il place un court-circuiteur qui fera tout disjoncter en cas de remise intempestive du courant.
HABILITATIONS
Les salariés travaillant sur les voies suivent des formations spécifiques RATP et ont des habilitations électriques de différents niveaux, en fonction des missions et tâches réalisées. Celles-ci sont revues chaque année et adaptées au besoin, quand un poste évolue. « Nous mettons en place des causeries sur le risque électrique, rappelant par exemple les étapes de consignation, les EPI nécessaires... Bientôt, nous prévoyons de lancer un contrôle de connaissance avec un quiz de l’OPPBTP, qu’une équipe a déjà testé », indique Souba Soundirampoulle, directrice QSE du groupe ERI. « Il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas de lacune sur le risque électrique ou que de mauvaises habitudes n’ont pas été prises pour, si besoin, ajuster les besoins en formation », complète Vivien Ferrari, chargé de mission QSE.
Ce n’est qu’une fois ces dispositifs installés que l’équipe est autorisée à accéder aux voies. « On restera néanmoins tributaires du PCC, qui à tout moment, peut nous demander de rendre la consignation », précise Judes Landry, conducteur de travaux ERI. Les aléas liés à la coactivité nécessitent, chaque soir, de prévoir un chantier de repli. Sur la ligne, les travaux ont débuté il y a plus de six mois. « On a changé tous les crochets des tunnels et créé un passage de câbles à quai dans la station, où il nous reste à renforcer les fixations des chemins de câbles. », précise-t-il.
Sur les quais, il a d’abord fallu déplacer les câbles, qui passaient dans un bandeau, sur une installation provisoire, puis fixer des crochets aux parois. Les câbles y sont regroupés par familles : basse tension, télécoms, télétransmission, signalisation. Dans le tunnel, il fallait remplacer les crochets en place par d’autres, acceptant plus de câbles. Un redimensionnement souvent lié à la rénovation du réseau. L‘automatisation des lignes ou les changements de trains mis en service par la RATP peuvent nécessiter d’augmenter le nombre de câbles présents. « Quand on obtient la consignation à 1 h du matin, on peut remplacer jusqu’à 100 mètres de crochets par nuit », annonce Judes Landry.

Des solutions adaptées
Ces travaux nécessitent la manutention de matériel lourd. En 2019, alors que l’entreprise connaît une forte sinistralité en matière de troubles musculosquelettiques (TMS), la direction crée un service prévention sécurité groupe. « Nous avons commencé à travailler avec la Cramif dans le cadre du programme TMS Pros et avancé sur l’analyse des postes à risques et des priorités. Des groupes de travail pluridisciplinaires ont été constitués pour trouver des solutions avec les équipes. Une fois mises en place, nous en mesurons l’efficacité », témoigne Souba Soundirampoulle, directrice qualité, sécurité, environnement du groupe.
ERI DANS LE MÉTRO
ERI dispose d’un important savoir-faire en tirage de câbles et pose de crochets, deux de ses activités principales avec la RATP. Pour la pose de chemins de câbles et le remplacement/raccordement de câbles, ils utilisent un dérouleur de câbles et des porte-tourets, pour alléger les manutentions et réduire les efforts de tirage. Le matériel nécessaire à la pose de crochets est préparé en amont dans un chenillard, descendu du camion par une rampe, et conçu pour transporter les charges dans les escaliers menant aux voies.
En 2019, l’entreprise avait déjà investi dans un piano plan, un équipement permettant la manutention de charges jusqu’à 600 kg, telles que les baies de sonorisation informatiques. Avec TMS Pros, elle s’est dotée d’un nouvel outil de transport et de manutention des charges, un chenillard, très utile pour l’approvisionnement d’un chantier comme celui-ci. « D’une capacité de 300 kg, il est équipé d’une benne où l’on met les crochets, perceuses, tronçonneuses… L’engin emprunte les escaliers du métro. Six personnes ont été formées à le manipuler, en utilisant une commande déportée. À 5 h du matin, quand il faut remonter le matériel à la surface, tout le monde est content de ne plus avoir à porter tout ça ! », affirme Carlos Ferreira, référent sécurité logistique. D’autres chenillards pourraient être achetés. L’entreprise étudie les options adaptées à ses chantiers.
Parmi les investissements, citons également des porte-tourets utilisés lors de travaux de tirage de câbles, ou encore des échafaudages adaptés aux voies et équipés d’un déport pour accéder à la voûte du tunnel. « Nous agissons sur la technique, l’humain et la formation. Il est important aussi d’impliquer les managers de proximité et que les solutions soient approuvées par les équipes. », renchérit Souba Soundirampoulle. En 2024, cette action a valu à l’entreprise d’être récompensée par un trophée Cramif. « Cette dynamique contribue à optimiser l'environnement de travail et la prévention des risques. Chacun est plus sereinement à sa tâche », confirme Judes Landry. Avant 5 h, le consignateur s’assurera qu’il ne reste ni homme ni matériel sur les voies. Il enlèvera le court-circuiteur, le DTPT, puis les feux de couverture, en passant par les quais, avant d’appeler le PCC et rendre la consignation.
REPÈRES
- La coordination avec la RATP est incontournable. Lorsqu’il en reçoit la demande, le gestionnaire du réseau effectue les opérations de séparation et de condamnation. Le chargé de travaux procède alors à l’identification, la vérification d'absence de tension et la mise à la terre et en court-circuit.